Il y a belle lurette que l’appareil d’Etat, ses suppôts et les lobbies qui l’assaillent en permanence ont l’intention d’enfouir pour l’éternité les déchets ultimes stockés au fond de la mine Joseph Else de Wittelsheim (Haut-Rhin). Sans une forte mobilisation, ce projet funeste risque d’aboutir sous peu. Le collectif Déstocamine vient d’adresser une lettre d’alerte à tous les députés pour qu’ils se saisissent d’urgence de ce dossier.
(Stoca)mine de rien…
C’est un condensé d’hypocrisie et de cynisme, ce n° 20 de « La lettre d’information sur les travaux de déstockage » qui vient de paraître. Lisez-le. Vous verrez que les MDPA, c’est à dire l’Etat, y déploient une attention touchante pour la santé des mineurs exposés à des émanations accidentelles de mercure gazeux. Et, de manière tout aussi suspecte, l’éditorialiste de « La lettre » s’impose un respect admirable pour les recours contentieux qui contestent l’arrêté préfectoral d’autorisation d’enfouissement définitif promulgué le 23 mars dernier.
Vous y découvrirez aussi, que, (Stoca)mine de rien, les MDPA s’activent pour que « les opérations de repli [du chantier de déstockage partiel soient] engagées » dès la mi-novembre. Pressés et visionnaires, à peine perturbés par des pannes de machines qu’ils font réparer frénétiquement, les managers entrevoient déjà « la fin des travaux de fermeture » qu’ils désignent aussi, dans un soupir de soulagement anticipé, par « l’achèvement des travaux de confinement ». C’est à dire, en clair, la fin du coulage de bouchons de béton aux entrées de galeries.
Sous l’impulsion de cadres aussi énergiques, les MDPA peuvent espérer déposer au fond, d’ici quelques jours, plusieurs m3 de béton de confinement et, du même coup, réussir à convaincre la justice que le décret préfectoral aura connu un début d’application rendant juridiquement sans objet les recours qui ont été déposés devant le tribunal administratif de Strasbourg ces dernières semaines !…
Un tel scénario ne serait pas plus énorme, après tout, que ceux qui ont été conçus au sein de l’appareil d’Etat depuis des années. Le dernier en date : des « Conseils » avec un grand « C », fabriqués sur mesure, ont délivré des « conseils » avec un petit « c » au préfet qui en a conclu, tout seul, comme un grand, qu’il pouvait autoriser le stockage pour une durée illimitée. Il ne se contente pas de l’autoriser, il cherche aussi à l’imposer de manière irréversible en faisant couler immédiatement du béton de confinement à l’entrée de toutes les galeries.
Ces bouchons bétonnés seraient un obstacle définitivement infranchissable pour les esprits rebelles et trop curieux, espèrent les autorités : des écolos piégés par un barrage anti-pollution, ce ne serait pas un joli coup, ça ?! Peu importe que ce béton ne puisse pas empêcher la contamination de la plus grande nappe phréatique d’Europe. Peu importe que le préfet ait pris sa décision contre l’avis de toute la classe politique régionale.
Soit dit en passant, c’est du jamais vu : aucune contestation écologique passée ou présente (GCO, NDDL, etc) n’a fait localement l’unanimité.
Une lettre ouverte aux députés
Au niveau national, c’est autre chose. Questionné, N. Hulot a fait savoir qu’il approuvait le décret préfectoral d’enfouissement définitif, rappelant ainsi à certains de ses supporters déçus qu’en temps ordinaire, un ministre d’Etat, ça cède aux puissants (qui l’attendent pour l’enfouissement CIGEO), ou ça démissionne. Et si beaucoup des candidats alsaciens à la députation ont répondu favorablement à l’idée de créer une enquête parlementaire sur Stocamine, l’enthousiasme n’est plus aussi net pour ceux qui – y compris les Alsaciens – ont accédé aux bancs de l’Assemblée nationale.
Il y a à cela des raisons diverses, politiques et pratiques, qu’il serait trop long d’exposer ici… Prenons simplement l’exemple du seul élu LREM du Haut-Rhin, le député B. Fuchs. Il s’active beaucoup, descend même au fond de la mine Joseph Else, mais, dans ses interventions publiques et dans une question qu’il a posée au ministre de la Transition écologique et solidaire, il « oublie » qu’il a cosigné une résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur Stocamine. A‑t-il déjà approché de trop près l’appareil d’Etat ?…
Le collectif Déstocamine a décidé d’écrire en urgence aux députés pour les alerter sur ce qui est en train de se tramer. Le message, intégralement reproduit ci-dessous, leur est parvenu fin octobre.
Vous connaissez un‑e député‑e animé‑e de plein de bonnes intentions écologiques et politiques ? Contactez-la (le) d’urgence pour lui rappeler qu’il reçu, comme l’ensemble de ses collègues, ce message haut-rhinois et qu’une enquête passionnante reste à faire dans un dossier aux multiples ramifications. Dites-lui aussi que le collectif, et d’autres, sont prêts à lui donner des billes.
Le 2 novembre 2017
B. Schaeffer
La lettre ouverte envoyée à tous les députés
Wittelsheim, le 25 octobre 2017
« Nappe phréatique en danger »
Mesdames et Messieurs les députés,
L’arrêté préfectoral du 23 mars 2017 autorise l’entreprise Stocamine à stocker pour une durée illimitée plus de 40 000 tonnes de produits dangereux sur le territoire de la commune de Wittelsheim dans le Haut-Rhin.
Il y a urgence.
Cette décision est sur le point d’être exécutée contre l’avis unanime de l’ensemble des collectivités alsaciennes et des associations qui contestent l’arrêté devant le tribunal administratif.
L’opération d’enfouissement entre dans sa phase ultime.
L’entreprise chargée du déstockage partiel termine son chantier et quittera la mine dans peu de temps.
La pose de bouchons en béton que les pouvoirs publics cherchent à effectuer très rapidement, empêcherait définitivement l’accès aux déchets stockés, supprimant toute possibilité de déstockage ; la manœuvre viderait aussi de leur sens toutes les procédures et démarches démocratiques qui sont en cours pour lever le voile sur des aspects troubles de ce dossier.
Et, surtout, faut-il le rappeler ? : l’enfouissement de plus de 40 000 tonnes de déchets chimiques menacerait irrémédiablement la plus grande nappe phréatique d’Europe.
Un moratoire s’impose afin de laisser à la justice le temps de statuer.
Il se trouve qu’un de vos collègues, le député LR de la circonscription concernée (R. Schellenberger), a fait enregistrer à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 octobre 2017, sous le n°257, une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête parlementaire relative au dossier Stocamine cosignée par 23 députés (voir ici).
C’est sur ce point, qu’en urgence, nous faisons appel à vous, Mesdames et Messieurs les députés, parce que nous craignons qu’une fois de plus dans cette affaire, les acteurs d’une démarche démocratique soient bernés.
Nous craignons, par exemple, que la demande d’enquête parlementaire s’enlise comme s’est enlisée celle qu’a déposée, il y a plus de 12 ans, le 1er mars 2005, sur le même sujet, le député haut-rhinois F. Hillmeyer (voir ici). Aujourd’hui encore, nous nous demandons si cette commission de 2005 a vu le jour ! Nous ne connaissons pas la liste de ses membres et ne savons pas si elle a produit un rapport.
De même, nous craignons aussi que diverses arguties et entourloupes, comme celles qui ont jalonné ce dossier depuis une vingtaine d’années, empêchent la proposition de résolution n° 257 d’aboutir. Car les pressions sont si vives que le ministre de la Transition écologique et solidaire lui-même s’est senti obligé récemment de valider la décision d’enfouissement définitif prise en mars dernier par le Préfet du Haut-Rhin.
Nous comptons donc sur vous, Mesdames et Messieurs les députés, sur votre vigilance et sur votre détermination, pour que cette commission d’enquête voie le jour ; nous comptons sur la qualité de vos investigations pour qu’elle éclaire nos concitoyens. Comment se peut-il que la demande de déstockage complet des déchets, appuyée par l’ensemble de la population et de ses élus, soit systématiquement refusée depuis tant d’années ? Quels sont donc ces puissants intérêts qui poussent à ce funeste refus ?
La réponse à cette question concerne tout le monde.
C’est pourquoi nous la posons à tous les parlementaires en faisant parvenir une copie du présent courriel à tous les sénateurs.
C’est pourquoi nous la poserons aux parlementaires européens, en sollicitant leur appui et leur concours à nos investigations : le risque de pollution de la plus grande nappe phréatique d’Europe les concerne, à l’évidence.
C’est pourquoi, dans l’attente de vos réponses, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les députés, que pour notre part nous ne lâcherons rien, en prenant des initiatives, en cherchant à comprendre et en informant tous azimuts.
Pour le collectif Déstocamine,
Etienne Chamik et Yann Flory, porte-paroles
« De toutes façons », ils font ce qu’ils veulent … surtout si nous on ne fait rien !
Les idées que le grand public se fait du dossier Stocamine sont totalement faussées parce qu’au fil du temps on a oublié l’essentiel du dossier. Un rapport d’experts du CNRS* dont il n’est plus jamais question concluait qu’il serait extrêmement dangereux de ressortir l’ensemble des déchets. Les sacs (big-bags) contenant beaucoup de déchets ont été écrasés par l’affaissement du sel, rendant impossible leur retrait sans les éventrer, au péril de la santé des mineurs. Et puis les sortir pour les mettre ou ? Les envoyer en Allemagne où ils seraient stockés dans des mines de sel ? Quel ridicule pour la France ! La conclusion de ces experts tenaient du simple bon sens : il n’y a aucun risque pour que quelque substance que se soit remonte vers la nappe phréatique. Dans quelques années les déchets seront totalement isolés par l’affaissement du toit de la mine et on aboutira ainsi à des conditions idéales de stockage, tel qu’il est pratiqué en Allemagne. L’idée qu’il faudrait pouvoir retirer les déchets pendant 30 ans est sortie du cerveau de quelques « cranes d’oeuf » n’ayant aucune idée du comportement physique du sel.
*Rapport d’expertise : Incendie de déchets stockés en souterrain dans le site de Stocamine à Wittelseim. Par J.L. Crovisier et N. Clauer, Directeurs de Recherches au CNRS, 2003