Belle affluence à la réunion d’information organisée par le Snes-FSU et la FCPE68 (1ère association des parents d’élèves dans le pays) et consacrée à la réforme du Bac et du lycée que le Ministre Blanquer a imposé sans grande concertations, ni des profs, ni des parents. Cette réforme fut également au centre de la mobilisation des lycéens en décembre 2018.
Dans leur présentation, Elise Peter et Agnès Miegeville, responsables du Snes à Mulhouse, mit l’accent sur le fond de cette réforme voulue par le gouvernement Macron et qui va mettre en concurrence professeurs, établissements, élèves, bien loin des principes égalitaires de l’éducation qui doit permettre à chacune et à chacun de se former.
Cette réforme est marquée par le souci « d’employabilité », c’est-à-dire de rendre les jeunes « utiles » à l’entreprise plutôt que d’en faire des citoyens conscients du monde dans lequel ils vivent et en leur laissant la possibilité de s’y insérer selon leurs choix et leurs options.
En outre, elle aura des conséquences négatives sur les élèves des classes populaires et les plus défavorisées qu’on entrevoient déjà dans la réforme instaurant « Parcoursup » dont le but est de casé le plus d’étudiants possibles dans les facs sans pour autant créer des postes supplémentaires. Tout en ignorant que la raison fondamentale des difficultés pour assurer toutes les affectations en fac est le manque de place : le Snes estime qu’il manque l’équivalent de 10 universités en France pour faire face aux effets du « baby-boom » des années 2000 qui était tout à fait prévisible depuis de longues années.
L’argumentation officielle pour justifier la réforme du lycée est celle de mieux orienter les élèves. La réalité est qu’elle instaure un tri qui aura comme conséquence de barrer l’accès à l’université pour les élèves des classes populaires. Dans les faits, cela conduit à supprimer les séries en voie générale ; il ne restera qu’un tronc commun et des enseignements de spécialité. Chaque élève est censé construire son parcours en fonction de ses goûts, de ses appétences. Le problème est que ce parcours se construit souvent sans que l’élève sache exactement vers quoi il se destine, il n’est pas évident d’avoir dès l’âge de 15 ans, donc en seconde, une idée précise de la voie que l’on veut choisir. Or, l’acceptation plus tard dans une Université se fera en fonction des choix faits à ce moment là.
Source d’inégalités
Comme tous les parcours possibles ne sont pas égaux, certains se terminant dans des culs de sac, et d’autres pourront être des voies royales. Il n’est pas évident pour un non-initié de connaître les parcours les plus porteurs ; il faut déjà savoir quels sont les attendus d’une Université qu’on voudrait rejoindre plus tard ; d’où une source d’inégalités très souvent marquée par l’origine sociale de l’élève.
Cette réforme permet également de faire des économies de moyens puisque l’offre de formation diminue, donc besoin de moins de professeurs. Dès la rentrée 2019, 77% des lycées enregistrent une baisse de leur dotation. Dans l’Académie de Strasbourg, cela équivaut à la suppression de 49 postes supplémentaires, alors que nous avons déjà connu plus de 1.000 suppressions dans la dernière décennie.
Cette réforme du lycée entraîne également une réforme du bac. Il y aura très peu de matières en terminale avec un grand oral à la fin, 10% du bac s’obtiendra par le contrôle continu effectué dès la première, une autre partie sera effectuée par des épreuves communes qu’on peut assimiler à des « partiels », effectuées au cours de l’année. 40% de la note au bac correspondra à ce contrôle local et il y aura fort à parier que l’enseignement supérieur tiendra compte du lycée d’origine des élèves pour accepter leur affectation.
En outre des données subjectives entreront en ligne de compte ; alors qu’actuellement le bac est national et anonyme, la nouvelle formule permettra de prendre en compte les qualités qui seront accordées au lycée, voire son « prestige », et seront des données qui pourront avoir une incidence sur l’acceptation dans les universités. L’anonymat de l’élève lui aussi disparaîtra, puisque par le contrôle continu ce seront les propres professeurs des élèves qui noteront avec toute la subjectivité qui peut intervenir dans ce cas.
Agnès Miegeville, en sa qualité de professeur de lycée, n’hésite pas à qualifier cette réforme de « brutale », exécutée dans la précipitation et sans réflexion. En outre, tous les lycées ne seront pas logés à la même enseigne, tous ne pouvant dispenser les enseignements « spécialisés » ou les options qui risquent de disparaître progressivement et qui ne sont pas financées ou alors marginalement par le rectorat. Le choix des spécialités qui devra intervenir à fin du 3e trimestre de seconde sera certes accordé aux familles et aux élèves, mais il n’est pas certain que le lycée dans lequel l’élève suit son éducation dispensera les spécialités choisies. La possibilité pour un élève de suivre une spécialité dans un établissement et une seconde dans un autre lycée relèverait de l’impossibilité, ne serait-ce qu’en fonction des plannings effectués par les chefs d’établissement.
D’ailleurs le Conseil supérieur de l’éducation (consultatif) a rejeté à la quasi-unanimité (une voix contre) cette réforme du bac. Pour les élèves rentrés cette année en seconde, nous ne savons toujours pas quelles seront les épreuves impactées.
L’inquiétude des parents
La présidente de la FCPE 68, Mme Florence Claudepierre, partage les propos des représentants du Snes en faisant part de l’inquiétude des parents et des élèves : comment effectuer dès la seconde, le choix des études supérieures ? D’autant plus que les spécialités ne sont pas réparties équitablement sur le territoire : elle en conclut que ce n’est pas l’élève qui est au centre de la réforme.
Dans le débat, nombreux sont les avis qui considèrent qu’avec cette réforme, nous assistons à une intrusion de l’économie dans l’éducation.
La conclusion qui en est tirée par l’assemblée, c’est la nécessaire abrogation des réformes Blanquer. Est-ce encore possible ? Des professeurs du lycée Lavoisier livrent le résultat de leur réflexion qui débouche sur de nécessaires actions communes entre corps enseignant, lycéens et parents.
Ils appellent au lancement d’une pétition auprès des enseignants, à la mise en ligne d’une plate-forme de communication sous forme de cahier de doléances, à des rencontres parents-lycéens-professeurs dans les établissements.
Ces propositions sont retenues par les participants à la réunion d’information, et Florence Claudepierre de la FCPE, estime qu’il faut tous entrer en bataille contre cette réforme et elle propose que les réunions parents-lycéens-profs se tiennent dès la rentrée après les vacances de février.
Quand au Snes, des rassemblements auront lieu devant les préfectures, et l’idée de la plate-forme en ligne est retenue. La nécessité d’intégrer les questions d’éducation dans les débats qui ont lieu actuellement est également évoquée, car au stade actuel de toutes ces rencontres, les questions de l’éducation sont noyées dans une thématique qui ne permettra pas d’approfondir la question des contenus, et donc de la réforme en cours.