Pour­quoi ce nom d’A­ca­dé­mie Fran­çaise ? C’est la ques­tion que tout le monde se pose sauf les aca­dé­mi­ciens fran­çais qui s’en foutent du moment qu’ils n’ont pas froid aux genoux…

Pierre Des­proges

C’est Libé­ra­tion du lun­di 18 février qui nous l’apprend : « Après avoir appor­té son sou­tien au mou­ve­ment des gilets jaunes cet automne, Alain Fin­kiel­kraut en a dénon­cé les tra­vers ven­dre­di dans un entre­tien au Figa­ro. Same­di, sor­tant d’un taxi dans le XIVe arron­dis­se­ment, pile sur le pas­sage de la mani­fes­ta­tion pari­sienne… », je m’arrête là, vous connais­sez la suite. Com­ment pour­rait-il en être autre­ment avec le défer­le­ment média­tique qui s’en est suivi.

Il se trouve, en outre, que l’im­bé­cile de conver­ti maho­mé­tan qui l’a insul­té, un cer­tain Ben­ja­min W., est mul­hou­sien, et s’y trouve aujourd’­hui pla­cé en garde à vue, avant son trans­fè­re­ment vers Paris.

Notre phi­lo­sophe a quand même connu un concours de cir­cons­tances phé­no­mé­nal, unique, ines­pé­ré même pour quelqu’un qui fait de la pro­vo­ca­tion son fond de com­merce. Est-ce parce qu’il ne lui reste plus que cela ? Lui l’auteur per­ti­nent, pro­dui­sant sur France-Culture des émis­sions éclai­rantes, doit-il tel M. Hyde, sor­tir régu­liè­re­ment son côté Jekyll en deve­nant le phi­lo­sophe ridi­cule, hys­té­rique et néo­con­ser­va­teur voire réac­tion­naire ? Mais tou­te­fois immor­tel, depuis son élec­tion à l’A­ca­dé­mie Française !

Venons-en à l’ « affaire » :  son taxi le dépose donc pile-poil devant une mani­fes­ta­tion des gilets jaunes, ceux-là même qu’il avait vili­pen­dés la veille dans le Figa­ro. Il fal­lait bien s’attendre à quelques réac­tions de leur part. Et cela n’a évi­dem­ment pas lou­pé. Mais pour que l’alignement des pla­nètes soit total, il fal­lait que cet inci­dent soit ren­du public : par un hasard inouï, des camé­ras de télé­vi­sion étaient là, pour fil­mer en gros plan les quelques indi­vi­dus qui insul­taient le phi­lo­sophe. Tel­le­ment gros les plans qu’ils ont per­mis d’arrêter un des pro­ta­go­nistes. Évi­dem­ment, je crois au hasard, il ne manque pas de camé­ras sur le par­cours des mani­fes­tants : de là à être par­tout et en même temps… Il a eu du bol, le came­ra­man d’être là où le buzz était garanti…

Heu­reu­se­ment aus­si que les CRS étaient là, par pur hasard, au pied du taxi de M. Fin­kiel­kraut, pour pro­té­ger notre phi­lo­sophe devant les invec­tives de la poi­gnée de mani­fes­tants. Il est vrai que comp­tant par­fois un poli­cier par mani­fes­tant, il n’est pas illo­gique que les pan­dores soient in the right place at the right time.

Résul­tat : cette affaire à fait le tour des médias, à per­mis de dénon­cer un anti­sé­mi­tisme qui gan­grè­ne­rait la France toute entière, à ten­ter de dis­cré­di­ter le mou­ve­ment des Gilets jaunes. 

Car le pou­voir, aidé par des médias de tous hori­zons (du Figa­ro à Libé­ra­tion, en pas­sant par Le Monde) ne sait plus com­ment endi­guer un mou­ve­ment social qui recueille un sou­tien consi­dé­rable de l’opinion publique. En fai­sant croire qu’il répon­dait aux reven­di­ca­tions en décembre der­nier, E. Macron pen­sait amoin­drir la mobi­li­sa­tion. Raté ! Puis vint l’épisode « vio­lences » : bin­go ? Non, car si les Fran­çais condamnent la vio­lence, ils conti­nuent de sou­te­nir le mou­ve­ment. Et à pré­sent l’antisémitisme, avec un cer­tain suc­cès puisque pour la pre­mière fois, l’opinion estime à 52% qu’il faut arrê­ter les manifestations.

Cela me rap­pelle un autre fait : c’était en avril 2016. La France connaît un mou­ve­ment social ori­gi­nal que ses pro­ta­go­nistes appellent « Nuit Debout ». Les occu­pa­tions de place publique, comme celle de la Répu­blique à Paris, s’incrustent, se mul­ti­plient dans d’autres villes. Même cam­pagne de presse pour dénon­cer « les vio­lences » des mani­fes­tants et la « gêne » occa­sion­née au com­merce et aux habi­tants. Peine per­due, le mou­ve­ment conti­nue d’être sou­te­nu par l’opinion.

Et puis, le same­di 16 avril 2016, les médias se déchaînent : un phi­lo­sophe a été agres­sé par les Nuit-Debou­tistes. Cela donne ceci dans la presse : « Le départ mou­ve­men­té d’Alain Fin­kiel­kraut, insul­té et pris à par­tie après avoir assis­té à une assem­blée géné­rale place de la Répu­blique à Paris, ques­tionne les pra­tiques démo­cra­tiques d’un mou­ve­ment for­te­ment média­ti­sé. » Le Monde titre son papier : « Nuit debout, le tour­nant Finkielkraut ? »

Pour être impar­tial, rap­pe­lons qu’en 2016 Le Monde fait son tra­vail (ce qu’il ne fait pas à l’heure actuelle pour démê­ler le vrai du faux). Dans son décryp­tage, le jour­nal du soir rap­pelle les faits : 

« M. Fin­kiel­kraut est arri­vé sur la place dans la soi­rée. Mais, contrai­re­ment à ce qu’on peut lire un peu par­tout, il n’a pas été agres­sé d’emblée.

Plu­sieurs témoi­gnages – notam­ment celui d’une par­ti­ci­pante au mou­ve­ment inter­ro­gée par Europe 1 – informent qu’il a pu assis­ter à une assem­blée géné­rale et dis­cu­ter durant un bon moment. Selon un billet de blog de plu­sieurs « par­ti­ci­pants à la com­mis­sion accueil et séré­ni­té » de Nuit debout, il serait res­té « plus d’une heure » avant d’être pris à partie.

« Je me suis fait cra­cher des­sus », a décla­ré M. Fin­kiel­kraut en quit­tant la place. De nom­breux édi­to­ria­listes se sont depuis indi­gnés qu’ont lui ait « cra­ché à la figure ».

Dans la pre­mière vidéo de l’altercation, on voit bien un homme cra­cher en direc­tion de l’académicien. Mais c’est la per­sonne qui tient la camé­ra qui reçoit le crachat.

Les autres vidéos ne montrent pas de scène comparable. »

Ces ten­ta­tives sys­té­ma­tiques pour dis­cré­di­ter un mou­ve­ment en le trai­tant de raciste, d’ignorant, un ramas­sis de sombres brutes… sont des­ti­nées à mas­quer le carac­tère social et poli­tique, certes hété­ro­gène, mais repré­sen­ta­tif, d’une frac­tion impor­tante de la popu­la­tion. Si les « per­son­na­li­tés » qui peuplent les pla­teaux télé ne veulent pas consi­dé­rer les gilets jaunes comme le « peuple », les édi­to­ria­listes bêlant les mêmes salades à tire-lari­got ne l’incarne sûre­ment et défi­ni­ti­ve­ment pas. L’antisémitisme et le racisme décli­nés sur tous les tons et fronts per­mettent d’écarter du débat le « racisme social », de « classe », que fait sur­gir réel­le­ment le mou­ve­ment social actuel. Un large consen­sus entre la droite et la social-démo­cra­tie et leurs médias res­pec­tifs se fait pour étouf­fer cette réa­li­té, car elle est de nature à mettre en cause une socié­té qui génère natu­rel­le­ment de l’injustice sociale.

Rai­son de plus pour  se méfier des cam­pagnes de presse « spon­ta­nées » : les fausses nou­velles ou la mani­pu­la­tion de faits ne sont pas l’apanage des seuls réseaux sociaux !

  • Une ful­gu­rance cultu­relle de notre rédac­teur en chef se rap­pe­lant ce dia­logue dans le Cyra­no d’Edmond Rostand :

Lignière

Tiens, mon­sieur de Cor­neille est arri­vé de Rouen.

Le jeune homme, à son père.

L’Académie est là ?

Le bour­geois.

Mais… j’en vois plus d’un membre ;
Voi­ci Bou­du, Bois­sat, et Cureau de la Chambre ;
Por­chères, Colom­by, Bour­zeys, Bour­don, Arbaud…
Tous ces noms dont pas un ne mour­ra, que c’est beau !