Alterpresse68 publie en ce moment une histoire de la création du groupe de presse EBRA, lequel édite notamment le quotidien L’Alsace.
Et parmi les commissionnaires du banquier qui possède le double quotidien unique alsacien (puisque L’Alsace et les DNA ne forment plus qu’un seul et même journal, à tout point de vue), on y trouve de prodigieux plumitifs, qui réussissent la prouesse d’émettre chaque jour une mitraille de bêtise, en à peine 2000 caractères. Sur le mode de notre chère ORTF d’antan.
Parmi eux, Laurent Bodin, dont le portrait satisfait ne laisse jamais entrevoir la longe de fer reliée à ses nombreux maitres, vient de réitérer un nouveau tour de force en matière de journalisme transcendantalement vide, dans l’édition du 21 janvier 2020 de L’Alsace.
Son éditorial, intitulé « Inquiétante dérive », concentre son lot de jappements ineptes qui renvoient invariablement à la notion de « chiens de garde » du système, définie par Paul Nizan en 1932, devenus les « Nouveaux chiens de garde » en 1997, sous la plume de Serge Halimi, évoquant les collusions entre pouvoirs médiatique, politique et économique.
Après avoir préalablement condamné les actions illégales et les actes commis « hors de tout cadre légal », l’éditocrate croit bon d’expliciter que des « membres de la CGT Énergie, ont une étonnante conception de la démocratie sociale en s’attaquant à une organisation concurrente parce que celle-ci défend un point de vue différent. Quant à nier le caractère violent de ces actions, c’est faire preuve d’une grande mauvaise foi s’agissant de syndicalistes toujours prompts à dénoncer la violence verbale et morale au travail ».
On voit, en effet, tout à fait le rapport de nécessité entre des actions menées au cours de l’exercice d’une grève, dont les enjeux impactent toutes les générations de salariés à venir, et notamment leur temps passé effectivement au travail, puisque c’est là un motif majeur de mobilisation, et les conditions de travail dans les entreprises, dénoncées à de multiples occasions par les syndicats.
Dans cette perspective, les salariés devraient-ils cesser de dénoncer leurs conditions de travail pour obtenir satisfaction sur les retraites ?
« La CGT a beau se désolidariser des actions coups de poing de certains de ses syndicats, la centrale dirigée par Philippe Martinez n’ira probablement pas plus loin. Les actes manquent derrière les paroles du secrétaire général qui, de facto, cautionne des actes irresponsables ».
Il faudra vraiment que Bodin assimile une bonne fois pour toutes le mode de fonctionnement d’une confédération syndicale, à l’instar de la CGT. Contrairement à la CFDT, organisation homogénéisée et centralisée, où les fédérations et unions locales ont presque toutes le petit doigt sur la couture du pantalon quant aux mots d’ordre lancés par leur chef, Martinez n’a pas le pouvoir d’imposer quoi que ce soit à ses fédérations, au nom de l’autonomie fédérale et de la démocratie syndicale interne. Et ce n’est pas faute, pour Martinez, d’avoir désavoué publiquement par deux fois « ses troupes », en condamnant les violences commises par des fédérations de la CGT.
Bodin achève alors ses jappements par une ode à son maitre Macron, et conspue « ceux qui veulent imposer par la force ou l’intimidation ce qu’ils n’ont pu obtenir par des moyens légaux entretiennent ainsi une situation de tension permanente propice à tous les dérapages ».
Les moyens légaux, ne sont-ce pas précisément ceux dont usent les manifestants depuis 50 jours maintenant, avec l’appui des deux tiers de l’opinion publique ?
Et pour verser dans l’amalgame le plus douteux et visqueux, pourquoi ne pas tenter un parallèle entre la situation sociale, et ses conséquences inévitables en termes de violences et de tensions, et la menace terroriste toujours de mise ?
Eh bien Bodin s’y emploie, sans aucune vergogne :
« Le pays n’est pas seulement sur les dents en raison d’une menace terroriste encore vive. Il l’est aussi du fait d’agissements inconséquents commis hier par des casseurs, aujourd’hui par des gens ordinaires qui, parce que mécontents, s’octroient le droit de contester par la violence la légitimité démocratique du président de la République, du gouvernement, du Parlement… »
T’as raison, Médor : tu voudrais sans doute qu’un gouvernement aveugle et sourd aux exigences populaires puisse s’en tirer, sans susciter la moindre violence ou colère ?
Y compris lorsque l’Etat de droit bien nommé commet lui-même des exactions irresponsables, et illégales, à l’endroit des manifestants, et par ses forces de l’ordre ?
Sont-ce là des principes démocratiques susceptibles de perdurer en situation d’impunité, même vus du haut de ta splendeur lilliputienne ?
Non, cela ne surviendra pas. Jamais. Surtout chez les « gens ordinaires » auprès desquels tes maitres ont déclaré la guerre, et dont tu ne fais assurément pas partie, espèce d’animal.
Alors, retourne à la niche, du moins si tu le peux.
C’est que notre commissionnaire de la pensée solvable devrait se méfier désormais de son propre public, qui semble se désolidariser tout rouge du léchage gouvernemental dont il se rend ordinairement coupable.
A ce sujet une lectrice s’est plu à lui laisser un mot courroucé et plutôt mordant, en deçà de sa philippique macroniste :
« Qui a décidé de faire un bras de fer pour imposer un projet mal ficelé au lieu de prendre le temps d’écouter, de négocier et d’envisager un autre point de vue que celui des banquiers-assureurs ?
Lorsqu’on décide de faire la guerre, il faut en envisager toutes les conséquences. Notre Président aurait dû lire Sun Tsu (L’art de la guerre) … »
Faut-il que cela craque vraiment de partout, pour que la voix de l’ordre et de la police soit rendue inaudible, même en son domicile.