Certains l’appellent le référendum du « Brexit suisse », car il appelle à une forte limitation de l’immigration en provenance des voisins européens (mais ne remet pas en cause l’immigration extra-européenne), et vise à modifier la Constitution pour empêcher tout accord sur la libre circulation des personnes.
Le dimanche 27 septembre 2020, la Suisse, non membre de l’Union européenne, mais partie à l’espace Schengen, revient aux urnes à l’initiative du parti d’extrême droite conservatrice UDC, lequel espère renouveler le succès du référendum de 2014, plafonnant l’immigration en provenance de l’Union Européenne (UE). L’initiative l’avait emportée à la surprise générale des observateurs, avec 50,33% des suffrages, en dépit de l’opposition du reste des partis.
Le comité à l’initiative de la votation estime que la libre circulation des personnes avec l’UE conduit à « une immigration de masse qui fait peser un fardeau énorme sur l’environnement, le marché de l’emploi, les assurances sociales et les infrastructures ».
Si le oui l’emportait dimanche, tous les autres accords avec l’UE seraient compromis de fait. Avec des conséquences immédiates pour les travailleurs français, italiens, et allemands, qui traversent la frontière tous les jours.
Il y a six ans cependant, l’Assemblée fédérale de Berne avait édulcoré l’application du référendum, usant de moyens de droit multiples, à défaut de quoi la Suisse aurait dû quitter Schengen par la même occasion.
Une initiative similaire, approuvée par un référendum au Tessin (canton italophone) en 2016, n’a finalement pas été appliquée, car les conséquences auraient été économiquement redoutables.
Aujourd’hui, cependant, le climat semble s’être apaisé. La peur des immigrés n’est plus un enjeu central et les Suisses ne semblent pas vouloir rompre les liens avec l’UE. Les derniers sondages donnant le « non » entre 63 et 65% des suffrages, dans ce que de nombreux analystes interprètent comme une volonté de stabilité face aux risques économiques et à la crise liée au coronavirus.
A l’instar de l’année 2014, tous les autres partis suisses, ainsi que le Conseil Fédéral, s’opposent à cette initiative, soulignant que la rupture avec l’UE limiterait les opportunités d’exportation pour les entreprises suisses, menacerait les emplois, entraînerait une hausse des prix et aggraverait la pénurie de main-d’œuvre qualifiée.
Les droits et l’accès au marché du travail de 760 200 résidents suisses à l’étranger seraient également remis en question. Le référendum précédent avait déjà créé de nombreuses difficultés avec Bruxelles, conduisant à la suspension des négociations sur l’accord-cadre qui vise à réglementer les relations entre la Suisse et l’UE, jusqu’ici définies par un réseau complexe d’accords différents.
Si la Suisse ne fait pas partie de l’UE, elle y est profondément intégrée, pour des raisons géographiques et économiques évidentes.
Pays d’un peu plus de 8,6 millions d’habitants, la Suisse compte plus de deux millions de résidents étrangers, sans compter les frontaliers qui traversent chaque jour la frontière pour aller travailler.
Ce sont les frontaliers français qui sont les plus nombreux à travailler en Suisse. Ils étaient quelque 173 175, fin septembre 2018, à franchir chaque jour la frontière. Un chiffre en légère hausse sur un an (+0,5%).
Les frontaliers italiens sont quant à eux moins nombreux (76 000 personnes en 2019) et leur nombre a le plus diminué en un an (-3,1%). Le nombre de frontaliers allemands a lui aussi reculé pour atteindre 60 400, (soit ‑2,1%).
Dans un contexte de psychose généralisée et de repli nationale à la faveur de la pandémie, il est assez significatif que le gouvernement suisse n’ait jamais bloqué leur entrée, même dans les jours les plus sombres de l’épidémie de coronavirus. Que ce soit dans le Haut-Rhin, où l’épidémie à diffusé largement, ou même en Lombardie, du côté italien.
Sans les médecins et infirmiers en provenance des 3 pays européens, les soins de santé en Suisse, notamment dans les zones frontalières, se seraient trouvés en grande difficulté.
Un peu plus de la moitié des frontaliers arrivent de France (55%), environ un quart de l’Italie (22,4%) et un cinquième d’Allemagne (19,2%). La part des frontaliers dans l’ensemble des actifs occupés était la plus élevée au Tessin (27,3%).
La part des frontaliers dans l’ensemble des actifs occupés en Suisse atteignait un total de 6,2%. Dans le secteur secondaire, un actif occupé sur dix était un frontalier (9,7%). Le secteur tertiaire en comptait 5,4%, et le secteur primaire 1,3%.
Ces dernières années, la baisse du nombre de frontaliers est régulière, bien que lente, à l’exception des frontaliers français. Ainsi, on compte moins de frontaliers en provenance d’Italie (-4,1%) et d’Allemagne (-2,4%), mais davantage qui viennent de France (+1,3%), depuis les 3 dernières années.
- Le 6 décembre 1992, les Suisses refusaient l’adhésion à l’Espace économique européen par 50,3% des voix, avec une participation de 78,7%.
- Le 21 mai 2000, ils acceptaient les premiers accords bilatéraux, dont la libre circulation des personnes, à 67,2%, pour une participation de 48%.
- Le 25 septembre 2005, ils approuvaient l’extension de la libre circulation à hauteur de 56% (54,5% de participants).
- Le 9 février 2014, les votants acceptaient l’initiative «Contre l’immigration de masse» par 50,3% (56,5% de participation).
Résultat définitif de la votation : rejet à environ 63 %. On frôle les 75 % dans le canton de Bâle-Ville. Le canton de Genève, d’ordinaire sensible au discours de l’UDC, rejette le texte à 68,9%. La participation s’est établie sur le plan confédéral à 59 %.