Mon­sieur le Pré­sident Jordan,

Les éta­blis­se­ments de loi­sirs exi­geant la pro­duc­tion d’un pass sani­taire, et gérés par Mul­house Alsace agglo­mé­ra­tion (M2A), réclament depuis le 26 juillet 2021 la pro­duc­tion conco­mi­tante du pass sani­taire lui-même, ain­si que d’une carte d’i­den­ti­té, auprès de chaque usa­ger. Ain­si que l’on peut notam­ment l’a­per­ce­voir ici.

Le fait est pour­tant illé­gal aux termes de la loi n° 2021–1040 du 5 août 2021 rela­tive à la ges­tion de la crise sani­taire.

En effet, il y est clai­re­ment dis­po­sé que « La pré­sen­ta­tion des docu­ments pré­vus au pre­mier ali­néa du pré­sent B par les per­sonnes men­tion­nées au 1° du A du pré­sent II est réa­li­sée sous une forme per­met­tant seule­ment aux per­sonnes ou aux ser­vices auto­ri­sés à en assu­rer le contrôle de connaître les don­nées stric­te­ment néces­saires à l’exer­cice de leur contrôle ».

Le légis­la­teur pré­ci­sant que : « La pré­sen­ta­tion des docu­ments pré­vus au pre­mier ali­néa du pré­sent B par les per­sonnes men­tion­nées au 2° du A du pré­sent II est réa­li­sée sous une forme ne per­met­tant pas aux per­sonnes ou aux ser­vices auto­ri­sés à en assu­rer le contrôle d’en connaître la nature et ne s’ac­com­pagne d’une pré­sen­ta­tion de docu­ments offi­ciels d’i­den­ti­té que lorsque ceux-ci sont exi­gés par des agents des forces de l’ordre ».

Cela parait nor­mal, peu de per­sonnes étant habi­li­tées à pou­voir sol­li­ci­ter ces docu­ments, pré­ro­ga­tive de puis­sance publique avant tout. Ou alors cha­cun serait sus­cep­tible d’exi­ger à son pro­chain la pro­duc­tion d’un docu­ment d’identité à tout pro­pos, quel qu’en soit le motif. 

A cet effet, rien n’in­ter­dit donc à une per­sonne dont le pass est contrô­lé, d’exi­ger de celui qui le contrôle qu’il pro­duise le sien, et de le véri­fier à son tour, sauf s’il est membre des forces de l’ordre, bien sûr !

Par ailleurs, selon le Minis­tère de l’In­té­rieur, inter­ro­gé par nos confrères de Ouest-France le 29 juillet 2021, il résulte que :

« Concer­nant le passe sani­taire, les acteurs char­gés de son contrôle (orga­ni­sa­teurs de ras­sem­ble­ments ou d’activités, ges­tion­naires d’établissements rece­vant du public) doivent s’assurer que toute per­sonne se pré­sen­tant à l’entrée d’un lieu ou d’un évé­ne­ment rele­vant du passe sani­taire est effec­ti­ve­ment por­teuse du passe »

« Seuls les agents men­tion­nés à l’article L. 3136–1 du Code de la san­té publique, tels que les offi­ciers de police judi­ciaire, les agents de police judi­ciaire, les agents de police judi­ciaire adjoints, les polices muni­ci­pales…, peuvent sol­li­ci­ter des per­sonnes se trou­vant dans un lieu contrô­lé par un jus­ti­fi­ca­tif d’identité, afin de s’assurer que le por­teur du passe pré­sen­té en est bien le titu­laire. S’il n’y a pas de concor­dance, la per­sonne doit alors être verbalisée. »

Il reste que nombre d’é­ta­blis­se­ment publics et para-publics évoquent, pour se défaus­ser, la néces­saire pra­tique d’une « confor­mi­té d’identité », qui ne serait pas un contrôle d’i­den­ti­té au sens pénal, selon eux. Un peu comme une cais­sière véri­fiant l’i­den­ti­té d’un émet­teur de chèque. 

Si l’on com­prend bien la néces­si­té qu’au­rait un com­mer­çant à ne pas se trou­ver gru­gé par un paie­ment en mon­naie scrip­tu­rale, la loi sur l’ex­ten­sion du pass sani­taire ne traite en rien de la néces­si­té d’une « confor­mi­té d’i­den­ti­té ». Par ailleurs, tout client est sus­cep­tible de payer en mon­naie fidu­ciaire, ou par carte ban­caire, s’il ne veut pas pré­sen­ter sa carte d’i­den­ti­té à l’employé d’un magasin. 

A contra­rio, les res­pon­sables des ser­vices sou­mis à pass ont à voca­tion à en assu­rer le contrôle, mais en se bor­nant seule­ment à « connaître les don­nées stric­te­ment néces­saires à l’exer­cice de leur contrôle ».

C’est à dire véri­fier le pass lui-même, et bien sûr sa vali­di­té, le cas échéant. Excluant de ce fait tout contrôle ou « confor­mi­té » d’i­den­ti­té (article 1, ali­néa 2, grand B).

Et puisque la loi est silen­cieuse quant à la notion de « confor­mi­té » d’i­den­ti­té, il résulte que cette pra­tique est répu­tée nulle et non ave­nue, et concrè­te­ment illé­gale. Elle ne devrait pas être tolé­rée, à M2A, comme ailleurs.

Autre­ment dit, la pro­duc­tion d’un docu­ment d’i­den­ti­té ne peut être exi­gé que lorsque des agents des forces de l’ordre, ou des agents asser­men­tés énu­mé­rés à l’ar­ticle L. 3136–1 du Code de la san­té publique, le sol­li­citent auprès du titu­laire du pass. 

De sorte qu’un agent titu­laire ou contrac­tuel de M2A char­gé d’ac­cueillir les clients sou­hai­tant accé­der à un centre de loi­sirs géré par la col­lec­ti­vi­té ter­ri­to­riale, à l’ins­tar d’une pis­cine, n’ont donc pas qua­li­té pour sol­li­ci­ter la pro­duc­tion d’une carte d’i­den­ti­té en même temps que le pass. 

Ain­si qu’en dis­pose l’ar­ticle 5 de la Décla­ra­tion des droits de l’homme et du citoyen,  » (…) Tout ce qui n’est pas défen­du par la Loi ne peut être empê­ché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’or­donne pas. »

En l’es­pèce, celui qui empêche l’ac­cès aux centres de loi­sirs gérés par M2A, en contrai­gnant une per­sonne à faire ce que la loi n’or­donne pas, ou à la défa­vo­ri­ser au motif qu’elle refu­se­rait de pré­sen­ter sa carte d’i­den­ti­té, com­met un acte sus­cep­tible d’être qua­li­fié de dis­cri­mi­na­toire par un tribunal. 

Mon­sieur Jor­dan, com­ment l’ag­glo­mé­ra­tion dont vous êtes le Pré­sident peut-elle alors jus­ti­fier cette liber­té prise avec la loi ? 

A vous lire. 

Meilleures salu­ta­tions.