Cré­dit pho­to : Mar­tin Wilhelm 

Vidéo et galerie photographique en fin d’article

Macron accu­lé ?

De mémoire d’arpenteur de mani­fes­ta­tion depuis des dizaines d’années, c’est du jamais vu ! L’exigence du retrait du pro­jet de loi sur la retraite a ras­sem­blé entre 6.500 (chiffres de la police) et 8.000 par­ti­ci­pants (selon les syn­di­cats), à Mul­house. Macron a réus­si l’impensable : créer une uni­té syn­di­cale raris­sime ces der­nières années et faire défi­ler plus d’un mil­lion de per­sonnes dans les rues.

DES GILETS DE TOUTES LES COULEURS !

Cette uni­té sau­tait aux yeux à l’examen des dif­fé­rentes cou­leurs des cha­subles que por­taient les mani­fes­tants : des gilets rouges, bleus, vio­lets, blancs, jaunes, oran­gés… Dès 10 h, la place de la Bourse à Mul­house était déjà très fré­quen­tée, mais au départ de la mani­fes­ta­tion, elle était noire de monde. Allez trou­ver vos amis ou cama­rades dans cette foule immense, heu­reuse mal­gré le froid, gaie, com­bat­tante… Pas une once de rési­gna­tion auprès de ces femmes, hommes, enfants, de tous âges…

De toute évi­dence, les appels des syn­di­cats ont été enten­dus et bien enten­dus… A la vue de notre gale­rie de pho­tos et de la vidéo ci-joint, vous consta­te­rez la diver­si­té des per­sonnes, des slo­gans et la dose d’humour trans­pi­rant des pan­cartes et ban­de­roles bran­dies par les participants.

Déci­dé­ment, cette réforme des retraites per­sonne n’en veut… et le gou­ver­ne­ment serait bien ins­pi­ré d’écouter la rue et ne pas per­sé­vé­rer dans cette réforme qui est reje­tée et les son­dages qui se suivent le confirme d’une manière écla­tante. Le rejet de la réforme a bon­di de sept points en une semaine (à 66 %). 64 % des son­dés (en pro­gres­sion de six points) disent regret­ter « l’injustice » des mesures sou­mises. Par­mi les prin­ci­paux oppo­sants au pro­jet, on retrouve les pro­fes­sions inter­mé­diaires (82 % de détrac­teurs, en hausse de 14 points) et les ouvriers (79 %, en hausse de huit points). Si l’on étu­die les réponses par âge, 75 % des 35–64 ans rejettent le pro­jet, tan­dis que 55 % des 65 ans y sont favorables.

La pré­sence de tous les par­tis de gauche, sans excep­tion, que ce soit à Mul­house ou dans la capi­tale, démontre que quelque chose est en train de se pas­ser dans notre pays…

L’ÉCHEC DE MACRON ET DE LA MACRONIE

Mal­gré l’appui total de tous les médias offi­ciels, qu’ils se disent de droite ou de gauche, qui repre­naient les élé­ments de lan­gage du gou­ver­ne­ment, affir­mant que cette réforme est juste, pro­gres­siste, indis­pen­sable, trai­tant les oppo­sants d’irresponsables ou de com­plo­tistes, une immense par­tie de la popu­la­tion ne s’est pas lais­sé ber­ner par ces men­songes éhontés.

Cet échec de la com­mu­ni­ca­tion du gou­ver­ne­ment devrait le faire réflé­chir. Comme cela devrait faire réflé­chir le monde média­tique qui conti­nue, à force de débi­ter les sor­nettes, de perdre le peu de cré­di­bi­li­té qu’il avait encore.

Et que dire des « éco­no­mistes » ortho­doxes qui viennent sys­té­ma­ti­que­ment appuyer les actions et réflexions de M. Macron même si elles s’avèrent être très rapi­de­ment des âneries…

Pour­tant, tout ce beau monde a du mal à recon­naître son échec : il est vrai que devoir bais­ser pavillon après avoir ven­du aux ins­tances euro­péennes que la réforme des retraites per­met­tra à la France de faire des éco­no­mies pour entrer dans les clous du défi­cit à 3% du PIB n’est pas très glorieux.

Si ce soir, le pou­voir a encais­sé une défaite, il ne capi­tu­le­ra pas aussitôt.

De son exil d’un jour en Espagne, Emma­nuel Macron ose encore : « J’ai été élu pour faire cette réforme, on la fera… » dit-il men­ton en avant, mains sur le ceinturon…

Grâce à Fré­dé­ric Lor­don, nous pou­vons mieux mesu­rer la pro­fon­deur de pen­sée d’un Pré­sident acci­dent de l’histoire de France. Dans son blog, il raconte ain­si : « Des indis­cré­tions rap­portent que les macro­nistes eux-mêmes finissent par ne plus trop savoir pour quoi on fait cette réforme. En fait, pour en retrou­ver le fil, il suf­fit de se rap­por­ter aux décla­ra­tions du chef lui-même qui a assez sou­vent la can­deur des grands malades men­taux. « Ce qui se joue, c’est mon auto­ri­té […] On ne recu­le­ra pas ». Un caïd en cos­tume trois-pièces. Voi­là pour­quoi des mil­lions de sala­riés vont pas­ser à l’équarrissage, connaître la retraite à l’état de com­plète déglingue, s’ils ne l’atteignent jamais : pour que le mor­veux reçoive sa satis­fac­tion d’avoir fait acte d’autorité ». Voi­là de quoi le vide de La-Réforme peut se rem­plir. On peut y mettre ça : l’autorité du morveux »

CONTINUER ET ESSAYER DE TENIR

Ce qui était frap­pant, c’est que la tota­li­té des mani­fes­tants du jour était per­sua­dée que cette jour­née n’était qu’une « entame », car le pou­voir ne cède­ra pas tout de suite. Il fau­dra donc tenir et reve­nir dans la rue.

Les Che­mi­nots ont lan­cé une grève qui va durer jusqu’à lun­di… et ils remet­tront cela la semaine pro­chaine. La même chose dans la Chi­mie et l’Energie. Les Ensei­gnants, très pré­sents dans les cor­tège ne veulent pas en démordre : il faut faire reti­rer ce projet.

Les jeunes, lycéens et par­fois éco­liers, pré­sents avec leurs parents, veulent encore ampli­fier leur mobi­li­sa­tion pour bien faire par­ta­ger les risques qui pèsent sur leur géné­ra­tion. Car il ne faut pas croire que cette réforme sera la der­nière : on nous a déjà fait le coup plu­sieurs reprises, à chaque réforme le sys­tème devait être sau­vé… Et cinq ans après, une nou­velle réforme appa­rais­sait… Les Fran­çais veulent bien se faire avoir une fois, voire deux, mais au bout de la cin­quième ils ont bien compris.

M. Macron, en bon ultra­li­bé­ral, œuvre pour que tout sys­tème de san­té et de retraite soli­daire se désa­grège pour offrir ce sec­teur si juteux aux Fonds de pen­sion et assu­rances pri­vées. Black rock fait du lob­bying dans ce sens depuis des années. La proxi­mi­té nau­séa­bonde de M. Macron et sa cour, avec les Cabi­nets de conseil prô­nant l’ultralibéralisme, est une preuve irré­fu­table de ses choix de société.

UNE PETITE MUSIQUE : LA RÉSIGNATION

Déjà le soir du 19, ne pou­vant réfu­ter le suc­cès des mani­fes­ta­tions dans le pays, les médias, chiens de garde de la com­mu­ni­ca­tion gou­ver­ne­men­tale, com­men­çaient à faire entendre la petite musique. « En réa­li­té, les gens ne sont pas contents mais ils savent bien que la loi pas­se­ra car le Pré­sident le veut ainsi. »

En clair : le vil peuple devra s’incliner devant le Prince ! Un jeu dangereux…

Vou­loir pro­fi­ter du désar­roi des gens qui souffrent déjà de perte du pou­voir d’achat, aux­quels on impose un tra­vail pré­caire, et espé­rer que cela soit suf­fi­sant pour les dis­sua­der de défendre leurs inté­rêts, voire d’accepter sans sour­ciller les vile­nies des puis­sants, est d’un cynisme écœurant.

Natha­lie Kern, de la CGT 68, nous confiait que dès la fin de la mani­fes­ta­tion, de nom­breux par­ti­ci­pants sont venus lui deman­der quand aura lieu la pro­chaine manifestation.

Les par­ties de la NUPES tra­vaillent ensemble à un pro­jet s’opposant au nocif plan Macron. Pour­ront-ils le défendre au Par­le­ment ? Le par­ti pré­si­den­tiel, appuyé par la droite de Ciot­ti,  envi­sage d’écourter les débats par­le­men­taires et d’imposer sa loi sans vote des parlementaires !

Si la démo­cra­tie ne peut s’appliquer dans les lieux où elle le devrait, c’est bien dans la rue qu’elle se fera entendre. Quoi qu’en pense le Prince.

Cré­dit vidéo : Max-Emi­lien Silva 

Ci-des­sous la (vaste) gale­rie pho­to­gra­phique de Mar­tin Wilhelm :

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