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Même les organisateurs étaient surpris. Apparemment, ils ne s’attendaient pas à une assistance aussi nombreuse pour la réunion publique organisée par les partis de gauche à Mulhouse, à l’Auberge de la Jeunesse, en ce lundi 16 janvier.

Est-ce la venue de la député européenne et dirigeante nationale de La France Insoumise, Manon Aubry, et du seul député LFI d’Alsace, Emmanuel Fernandes, qui a motivé la présence d’une foule débordant de la salle ? Plus sûrement le sujet principal de cette rencontre, la vie chère et la réforme des retraites, qui étaient le motif essentiel des participants sur lesquels flottait un esprit revendicatif et de lutte qu’on n’a plus constaté depuis longtemps.

UNITÉ, UNITÉ, UNITÉ…

Ils sont venus, ils étaient tous là… Tous les partis au sein de la NUPES étaient au rendez-vous : beaucoup de dirigeants de LFI avec Axel Renard, syndicaliste étudiant, ouvrant la série de discours « La jeunesse prête à s’engager pour un alternative au projet Macron », le PS avec Antoine Homé, maire de Wittenheim « Je suis un fervent adhérent à l’Union de la gauche », Nadia El Hajjaji (Génération S) « Le rapport de force a changé en notre faveur », Loïc Minéry (EELV ) « Dans la population populaire mulhousienne, on note une espérance de vie en bonne santé d’un à trois ans après une retraite à 64 ans » et Aline Parmentier pour le PCF : « C’est une réforme de classe, il faut le dire, brutale et violente ».

Cette unité affichée et portée haut et fort, se construit évidemment, avant tout contre la réforme des retraites. S’appuyant les 80% de la population le projet de loi de M. Macron, la NUPES peut afficher sa place de première opposition à la Macronie en faisant valoir non seulement son opposition à cette réforme mais en proposant des alternatives pour solutionner réellement les problèmes que rencontrent le système de retraite par répartition.

Renforcée par l’unité syndicale regroupant non seulement toute les organisations syndicales mais également les associations de retraités, de la jeunesse, des lycéens et étudiants, la NUPES passe au-dessus des quelques différences entre ses organisations sur les programmes alternatifs. A l’examen, ces différences ne semblent pas si insurmontables et chacune a bien conscience que briser l’unité serait sérieusement condamné par les citoyens qui ne veulent pas de cette réforme.

La droite (dans laquelle il faut maintenant ranger les macronistes sans hésitation) et l’extrême-droite tentent systématiquement de discréditer la NUPES en mettant en exergue les différences ou divergences qui existent bel et bien entre ses composantes. La NUPES est une plate-forme politique commune à des partis de gauche ayant leur spécificité et leur ligne politique propre. Et c’est par le débat interne que se construisent les convergences. C’est la condition sine qua non pour l’existence de cette formation. Croire qu’on peut unifier la gauche sous une seule bannière est un leurre… et cela se termine en général comme a terminé François Hollande et Manuel Valls : dans les oubliettes de l’histoire de la gauche française.

Emmanuel Fernandes et Manon Aubry en Guest stars…

Le député bas-rhinois mais haut-rhinois d’origine, Emmanuel Fernandes a décortiqué ce texte de loi en mettant en avant, comme l’on fait ses prédécesseurs à la tribune, les alternatives possibles. Il a fait référence, comme Aline Parmentier un peu plus tôt, à Ambroise Croizat, le député communiste qui a porté le système de retraite par répartition et l’a fait voter en 1947 qu’il avait présenté ainsi : « Nous ferons de la retraite non plus une antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie. ». Fin de citation.

« La bataille contre la vie chère et la réforme des retraites sont liées » ajoute le parlementaire. « Le choix du gouvernement est le détricotage de toutes les lois sociales » et Emmanuel Fernandes en cite à foison.

« Le gouvernement n’est pas serein, les députés macronistes ne sont pas à l’aise », affirme-t-il à partir de ce qu’il constate à l’Assemblée Nationale.

Manon Aubry conclut la liste des intervenants en présentant la stratégie des députés de la NUPES à l’Assemblée Nationale : « Nous allons porter les voix de 80% de la population. Ce texte va à l’encontre de ce que la gauche a instauré en 1981 ». Et de fait : quand on interroge les Français ce qu’il garde en mémoire des réalisations de la gauche à cette époque, deux mesures arrivent en tête : la 5e semaine de congés payés et la retraite à 60 ans… La NUPES est bien en phase avec l’écrasante majorité des Français.

Bernard Arnaud est ses milliards

Manon Aubry fait référence au rapport OXFAM (ONG pour laquelle elle travaillait en tant que chercheuse avant d’entrer en politique) qui fait le constat que « les milliardaires français se sont enrichis de plus de 200 milliards d’euros depuis le début de l’épidémie de Covid. (…) Bernard Arnault est le troisième homme le plus riche de la planète. Il possède officiellement une fortune de 158 milliards de dollars (selon Forbes, ndlr), et même 179 milliards estime Oxfam. C’est l’équivalent de l’argent possédé par 20 millions de Français. »

Ces chiffres prouvent que l’argent existe au service d’une politique sociale plus ambitieuse, il suffirait d’une répartition des richesses plus juste dans notre société.

Elle rappelle également que l’espérance de vie en bonne santé stagne actuellement en France (et amorce même un léger repli, ndlr) à un niveau qui est de 62 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes. Macron reprendrait-il l’argumentaire de Bismarck lors de l’instauration d’une retraite en Allemagne (et en Alsace !) dès 1891. « A quel âge moyenne meurt-on en Allemagne ? » demande le Chancelier à ses conseillers. « A 65 ans », lui répondit l’un d’entre eux. « Alors fixons l’âge de départ à la retraite à 70 ans ! » Et ce n’est qu’en 1918, qu’il fut avancé à 65 ans…

Avec la réforme Macron, une partie des retraités ne bénéficieront pas ou peu de leur retraite s’ils partent à 64 ans… On en revient à la situation antérieure d’Ambroise Croizat : la retraite redevient l’antichambre de la mort !

Le piège de l’article 47.1 de la constitution

La députée européenne attire également l’attention sur une utilisation possible de l’article 47-1 de la Constitution : il permet à l’exécutif d’éviter d’avoir recours à un 49-3 en jouant sur les délais d’examen des lois de financement de la Sécu prévus à l’article 47-1. Au bout de 20 jours de débat à l’Assemblée, le texte pourrait être transmis sans vote au Sénat.

Le temps du débat serait ainsi écourté et le texte passerait rapidement au Sénat où la majorité de droite est totalement acquise à un départ à la retraite à 64 ans. Il est vrai qu’à l’examen de l’âge moyen au Sénat, le lieu semble s’accommoder d’une activité qui pourrait convenir aux centenaires…

Il y a là un déni de démocratie totalement constitutionnel… Décidément, la Constitution de la 5e république est une aubaine pour qu’un gouvernement puisse se moquer en toute légalité des aspirations du peuple qui l’a élu…

Deuxième espoir de Macron : la résignation des citoyens, note Manon Aubry. Elle soutient dont l’appel des syndicats pour la manifestation et le grèves du 19 janvier et appelle aussi à rejoindre le 21 janvier, la manifestation organisée par LFI à Paris. « La grève ? Il n’y a pas d’autres moyens pour les salariés de se faire entendre dans notre société », conclut-elle sous les applaudissements d’une salle totalement acquise aux différents appels lancés par tous les intervenants.

Des arguments pour convaincre

Bien évidemment, on ne pourrait pas envisager une nouvelle loi sur la retraite si celle de Macron est imposée contre l’avis d’une grande majorité des Français. Il s’agit d’abord d’obliger le président de la République à retirer son texte.

Dans la réunion publique à Mulhouse, comme dans toutes celles que la NUPES organisent en nombre sur tout le territoire, les arguments démontrant qu’il n’a pas urgence, qu’il n’y a pas de déficit insurmontable en vue, pleuvent. Pour permettre de convaincre les opposants à la réforme de tenir bon dans leurs grèves, actions, mobilisations, manifestations…

L’augmentation des salaires de 1% rapporterait 2,5 milliards d’euros à la Sécurité sociale rappelle LFI. Le PCF lui rappelle que l’égalité salariale hommes-femmes dégagerait quelques 4 milliards par an de cotisations supplémentaires et l’alignement des participation des revenus financiers sur ceux du travail s’élèverait à 30 milliards d’euros., Quant au PS, avec d’autres, il veut mettre fin au tabou de l’augmentation des cotisations sociales des employeurs : il suffirait de 0,8% de plus étalés sur quatre ans pour combler le déficit attendu de 12 milliards.

Ces propositions sont largement partagés par toutes les formations de la NUPES ainsi que par les syndicats et associations luttant contre cette réforme « inutile, injuste, brutale », comme le rappelait Manon Aubry devant une salle qui termina la soirée en chantant :

 « On est là !

Même si Macron ne le veut pas, nous on est là !

Pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur,

Même si Macron ne le veut pas, nous on est là ! »

Un p’tit air rappelant 2018 et les ronds-points occupés, mais entonnés dorénavant par les Gilets de toutes les couleurs…

La galerie photo de Martin Wilhelm

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