Décidément, la mobilisation contre la réforme de la retraite ne baisse guère ! Même si les médias favorables à M. Macron veulent voir « un recul des participants » aux manifestations du 7 février, les éléments de langage fournit par la cellule communication de l’Elysée ne sont évidemment pas crédibles.
Mais il en est ainsi : faute d’avoir su convaincre de la nécessité et de la justice de son projet de loi, le gouvernement s’engage dans une tentative grossière de décourager les Français avec le leitmotiv : de toute façon, l’exécutif ne cèdera pas, inutile donc de perdre du temps dans des manifestations !
Cette communication, comme toutes les autres du gouvernement depuis l’annonce de la réforme, n’a aucun effet sur la détermination citoyenne à rejeter ce texte ! Le (léger) recul des participants dans les manifestations du 7 février (on en comptait quand même plus de 6.000 à Mulhouse !) n’empêchera pas une affluence record au prochain appel des syndicats le samedi 11 février à 10 h à Mulhouse.
72% DES FRANÇAIS REJETTENT LA REFORME
Le dernier sondage Elabe (début février) fait un constat implacable : « 74 % (+ 10 points en une semaine) estiment la réforme « injuste », 62 % (+ 5) « inefficace » pour assurer la pérennité du système de retraites, et 54 % (+ 1) « pas nécessaire ».
« Le rejet de réforme des retraites s’intensifie avec 72 % des Français « opposés » au projet du gouvernement, soit une hausse de 6 points en une semaine, et de 13 points en deux semaines. À l’inverse, 27 % (- 7) y sont « favorables ». « L’opposition à la réforme progresse fortement en une semaine et devient pour la première fois majoritaire chez les retraités (59 %, + 13) », » note l’institut.
En clair, plus les ministres interviennent dans le débat, et plus les Français constatent la justesse des arguments des opposants à cette réforme.
DES MENSONGES ÉHONTÉS ! LA FABLE DE LA DÉMOGRAPHIE…
Car les citoyens ne sont pas idiots, ils réagissent en fonction de ce qu’ils attendent pour leur avenir. Et cela n’est pas qu’une question de générations. Tout le monde est capable de comprendre que, dans l’univers libéral voire ultralibéral, de M. Macron, les salariés seront les sacrifiés.
Et pour faire passer cela, ce monde libéral n’hésite pas à utiliser des arguments fallacieux et mensongers. Ainsi en va-t-il de la référence à la démographie qui mettrait en danger le système de retraite par répartition.
Premier constat : le système par répartition est d’une souplesse inouïe et peut s’adapter aux évolutions démographiques. Contrairement aux systèmes par capitalisation (dont la retraite à points fait partie) qui, pour sa part, ne répond qu’à un seul critère : le rapport des sommes engagées dans les différentes bourses !
Ainsi, l’argument de la démographie et du risque d’effondrement du système en fonction du rapport actifs-retraités dans notre pays : aujourd’hui, il y a 1,7 cotisants pour chaque retraité. En 2070, il ne devrait plus y en avoir que 1,5. C’est apparemment clair comme de l’eau de roche, ainsi que le fut le principe de la terre plate pour les Anciens, convaincus d’une vérité qui semblait leur sautait aux yeux !
Le système par répartition n’est pas limité au ratio entre cotisants et bénéficiaires, mais est déterminé par la part de plus-value dégagée par le travail qui finance les dépenses sociales. En 1945, fut mis en place le système des cotisations sociales (et non pas les « charges » qui est un concept du capital) permettant d’équilibrer les recettes et dépenses dévolues au « social ». Mais assez rapidement, les cotisations sociales étaient amenées à s’amoindrir.
Avec les évolutions technologiques, le travail était de plus en plus assumé par des machines en lieu et place des salariés. La suppression des postes de travail, donc de salaires, donc de cotisations sociales, allaient conduire assez rapidement à un déséquilibre d’autant plus que l’espérance de vie augmentant, les retraités devenaient plus nombreux.
La plupart des démographes sérieux ne nient pas une évolution de ce type, mais ajoutent aussitôt qu’il est très difficile, voire impossible, de faire des projections en la matière sur le « temps long ». C’est pourtant ce que le gouvernement fait pour dramatiser l’avenir du système par répartition et évoquer sa disparition.
Le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) annonce dans son rapport, que le problème des retraites n’est pas lié aux dépenses mais aux ressources. C’est donc bien ce vecteur qu’il faut actionner pour réaliser une réforme juste.
Le système par répartition a donc cette faculté de pouvoir ajuster son fonctionnement en intégrant les transformations dans le monde du travail. Moins de salariés conduit à moins de cotisations sociales ? Oui, et alors ? Grâce à la modernisation et maintenant aux technologies du numérique, la productivité du travail a explosé. Et le fruit de cette augmentation est allé prioritairement aux ressources du capital.
Comment compenser dès lors le recul des cotisations sociales liées aux suppressions d’emplois, à une précarité du salariat ? Il suffit d’élargir l’assiette des cotisations sociales plus fortement aux revenus du capital qui restent, qu’on le veuille ou non, le fruit du travail. Même s’il est réalisé par les robots ! C’est cette piste qu’il faut explorer pour équilibrer durablement le système par répartition.
Ce que propose le gouvernement dans sa réforme, c’est un chemin royal vers un système par capitalisation : ne dit-on pas que le fonds de pension BlackRock à son rond de serviette à l’Élysée au même titre que d’autres cabinets de conseil ? Et BlackRock manœuvre de moins en moins discrètement pour récupérer en partie ou en totalité, les 15 % du PIB que la France consacre aux retraites.
Le site « MrMondialisation » découvre un coin du voile : « Le lien entre ce fonds d’investissement américain et le système de retraites français n’est pas évident à première vue et pourtant,cette réforme est l’occasion idéale pour ramener de nouveaux clients auprès du gestionnaire multinational. Plus précisément : si un gouvernement diminue les cotisations pour la retraite et donc les sommes versées aux personnes concernées,il incite les épargnants des classes supérieures à se tourner vers des fonds de placements privés et BlackRock l’a bien compris.
“Depuis plusieurs années, BlackRock se montre intéressé pour mettre la main sur une partie de l’épargne des actifs français les mieux payés, afin de l’orienter vers l’épargne retraite” rappelle France Info dans un reportage sur le mastodonte de la finance. Et avec Emmanuel Macron, il dispose d’un atout majeur !
L’illusion du travail des seniors
Une des faiblesses évidentes du plan Macron est bien de vouloir faire travailler les salariés jusqu’à 64 ans (en attendant mieux) alors que à l’échelle du pays, seuls 56% des 55–64 ans seraient encore en activité et leur nombre passe de 75,1% pour les 55–59 ans à 35,5% pour les 60–64 ans. Pour cette dernière catégorie d’âge, il y a donc près de 70% des salariés qui relèvent des caisses du chômage !
L’absurdité apparaît immédiatement : cette tranche d’âge va donc se retrouver au chômage deux ans de plus avec cette réforme ! Ce sera donc Pôle Emploi qui devra assumer les « économies » faites par le régime des retraites, puis la solidarité nationale, au travers du RSA !
Les raisons sont multiples mais une d’entre elles est indiscutable : les seniors en bout de carrière ont des salaires plus élevés et peuvent donc être facilement remplacé par des salariés plus jeunes et plus « malléables ». Il n’y a donc aucune raison que les entreprises changent leur gestion des effectifs !
Affirmer aujourd’hui qu’après l’adoption de la réforme des retraites, on traitera du sujet du travail des seniors est une vraie escroquerie : la seule solution pour être crédible, c’est de traiter préalablement cette question et aborder une réforme des retraites APRES avoir résolu ce problème.
AFFRONTER LE PEUPLE
La balle est à présent dans le camp du Président et de ses députés godillots… aidé par Les Républicains qui deviendront donc la béquille de la Macronie s’ils votent la réforme. Les députés favorables sont de plus en plus nerveux car ils sentent bien, dans leur circonscription, qu’imposer une réforme contre la volonté du peuple comporte de multiples dangers.
Geindre comme des couards parce que les électeurs les rabrouent est d’un ridicule total ! La 5e république est ainsi faite, qu’ils pourront voter sans sourciller contre l’opinion de tout un peuple ! Mais à leur risques et périls !
Ce passage en force va encore affaiblir la confiance dans les élus, et ces derniers vont se lamenter si le camp des abstentionnistes grandit d’élections en élections, mettant l’idée même de démocratie en danger. La science politique n’est pas la matière la plus partagée dans notre monde, et le recours à des solutions faciles et radicales peuvent paraître plus adaptées pour se débarrasser d’élus qui ne tiennent pas compte de l’opinion de leurs électeurs…
Retirer ce projet de loi et ouvrir un grand débat sur l’avenir des retraites est la seule solution pour que le désespoir des Français n’aboutisse pas à des choix politiques mettant l’idée même de démocratie en cause.
La galerie photographique de Martin Wilhelm :