C’est l’ouverture de la chasse avant l’heure ! Lundi 13 avril, débutera la chasse aux fraudeurs sur le réseau Soléa.
En plus des contrôleurs et des conducteurs, une bonne partie du personnel administratif sera mobilisé dans les bus et les trams le 13 avril 2015 pour le lancement de l’opération.
Pour trois syndicats de l’entreprise (Unsa, CFTC et Confédération autonome du travail – CAT) l’heure est à l’inquiétude ; ils contestent la forme que prend cette opération avec un premier grief : l’embauche des 20 jeunes en contrat d’avenir qui sont des agents de prévention mais pas des vérificateurs, et qui ne connaissent pas le réseau…
Mais une contestation plus politique se dessine. Dans un communiqué superbement ignoré par L’Alsace et les DNA, la section du Parti Communiste de Mulhouse rappelle que « l’heure n’est pas à la constitution de brigades mobiles et de frappes d’interventions mais à celle de la solidarité et du partage » et souligne qu’avec un tarif par trajet de 1,50 €, l’usager mulhousien paie plus que dans la plupart «des collectivités du grand Est, dans une ville connue pour être une des plus pauvres de France… »
LA GRATUITE, C’EST POSSIBLE ?
Et de demander dans la foulée « les transports collectifs gratuits pour la mobilité de toutes et tous en M2A. »
Il est vrai que 23 villes de France pratiquent cette gratuité et elles n’ont pas pour autant déposé le bilan ! Ainsi à Compiègne, cinq lignes urbaines sont totalement gratuites et couvrent la partie centrale de l’agglomération et une partie des communes environnantes. En complément, cinq autres lignes périurbaines, toujours gratuites, desservent l’ensemble des communes de l’agglomération et permettent par ailleurs aux lycéens domiciliés et scolarisés dans les communes concernées de rejoindre leur établissement sans bourse déliée.
Il est vrai aussi que la gratuité se pratique dans certaines grandes villes et à Paris… mais uniquement quand l’air devient irrespirable ! Faut-il qu’on soit au bord de la catastrophe, ou qu’elle advienne, pour que nos élus deviennent un peu plus raisonnables ? A Paris, à Grenoble, ou ailleurs, des citoyens soulignent le comportement non seulement absurde, mais aussi dangereux de ces « responsables » politiques qui refusent de voir là une question de bon sens et de santé publique.
La communauté d’agglomération du pays d’Aubagne(1) et de l’Etoile, dans les Bouches du Rhône, a instauré la gratuité des transports publics pour tous depuis le 15 mai 2009, dans une visée écologique et sociale, et à la suite d’autres villes moyennes: Colomiers (près de Toulouse) pionnière dans les années 70, plus récemment, Vitré (Ille-et-Vilaine), Châteauroux et Issoudun (Indre), Mayenne (Mayenne), Gap (Hautes-Alpes), Bar-le-Duc (Meuse), Cluses (Haute-Savoie)…
Le réseau Libellus à Castres et à Mazamet est gratuit depuis le 1er octobre 2008. Six mois après le lancement, un premier bilan chiffré confirmait le succès de l’opération. La fréquentation des bus dans la ville de Castres a augmenté de 76 % et plus spectaculaire encore, celle du Mazamétain de 186%.
C’EST DONC POSSIBLE !
Dans son communiqué, le PCF Mulhouse considère que » ce projet pourrait être financé grâce aux économies réalisées sur les frais de billetterie, sur les campagnes coûteuses contre la fraude et l’augmentation du taux du versement transport payé par les entreprises de plus de neuf salariés »
Le Conseil Populaire 68 pour l’abolition des dettes publiques (CP68) a rappelé plusieurs fois qu’on a tendance à oublier (y compris à gauche de la gauche) qu’un autre type de financement est envisageable. Dans un tract diffusé en septembre 2013, à l’occasion de festivités organisées pour annoncer l’ouverture d’une ligne de bus à « haut niveau de service », le CP68 a calculé qu’un moratoire sur les seuls intérêts des dettes des communes de M2A suffirait amplement à financer la gratuité totale des transports en commun sur toute l’agglomération mulhousienne. Autre avantage : l’esquisse d’une plus saine répartition des richesses qui résulterait de cette façon de financer la gratuité ne se ferait pas seulement au détriment des entreprises qui fonctionnent dans l’économie réelle. Elle se ferait d’abord au détriment de la finance parasite et prédatrice, en lui reprenant une (petite) part de la rançon qu’elle exige en permanence des collectivités.
Pour le PCF, « concrètement, l’économie du prix du billet par l’usager est une réponse à l’urgence sociale mulhousienne par du pouvoir d’achat redistribué qui redynamiserait en partie les commerces du centre-ville rendus plus accessibles à un plus grand nombre. C’est aussi une réponse à l’urgence écologique plus adaptée que la circulation alternée, pour faire baisser la pollution de l’air aux particules fines, dangereuse pour la santé. »
Etrange tout de même que cette option n’ait jamais été mise sur la table et discutée publiquement. L’opposition municipale ne pourrait-elle pas mener campagne pour qu’au minimum une étude soit menée sérieusement sur les retombées économiques et écologiques d’une telle mesure ?
Sans risque de se tromper, on peut dire que les retombées seront au moins aussi bénéfiques que celles que Pierre Freyburger a évoquées en confiant à L’Alterpresse 68 quelques éléments de la gestion calamiteuse du dossier des transports en commun de la région mulhousienne depuis 2010.
Une résistance à cette chasse à la fraude est en train de se structurer : La CFTC dénonce la demande faite aux agents de conduite, de se transformer bénévolement et sans que cela soit leur travail, en agents polyvalents de contrôle de titre de transports… et elle demande aux agents de ne rien changer à leur façon de travailler…
Et le PCF de rappeler que sa proposition de gratuité des transports en commun est déjà soutenue par plus de mille signataires du quartier de la Fonderie… Il annonce également le renforcement d’une campagne pour mobiliser la population… L’Alterpresse se fera volontiers l’écho des initiatives envisagées…
Michel Muller
(1) Un ouvrage a été consacré à cette expérience sociale menée à Aubagne : « Voyageurs sans ticket – LIBERTÉ ÉGALITE GRATUITÉ ». Publié aux Editions « Au diable Vauvert ». 15 euros.
Article modifié et enrichi le 15 avril 2015