Le pré­sident Bockel vient d’a­ban­don­ner son poste pour res­ter séna­teur. C’est donc à ses suc­ces­seurs à la tête de M2A qu’il incombe de gérer aujourd’­hui les consé­quences bud­gé­taires des choix désas­treux effec­tués ces dix ou quinze der­nières années. L’an­cienne « gou­ver­nance » de l’ag­glo­mé­ra­tion mul­hou­sienne n’a­vait jamais lais­sé paraître la gra­vi­té de la situa­tion. Elle usait d’un voca­bu­laire anes­thé­siant et refu­sait la transparence.

Sur­prise : les acteurs de la nou­velle « gou­ver­nance » ont désa­voué l’an­cienne en uti­li­sant des termes alar­mistes lors de la phase d’é­la­bo­ra­tion du bud­get 2017 : « l’in­té­gra­li­té des marges de manœuvre est consom­mée » avouent-ils cruel­le­ment. Selon eux, on aurait même atteint « la limite com­mu­né­ment admise d’in­sol­va­bi­li­té ».

Après les aveux, la transparence ?

Le CP68 (Conseil Popu­laire 68 pour l’an­nu­la­tion des dettes publiques), pour­tant sévère à l’é­gard de la ges­tion bocké­lienne, ne s’é­tait jamais per­mis d’é­vo­quer l’exis­tence d’une situa­tion de qua­si faillite. Par contre, pour étayer ses soup­çons, il avait cher­ché à obte­nir des ren­sei­gne­ments qui lui ont tou­jours été refu­sés. Il fait à pré­sent une nou­velle ten­ta­tive, encou­ra­gé par des aveux récents et sur­pre­nants de la nou­velle gou­ver­nance, mar­rie de devoir rehaus­ser le bud­get M2A 2017 à coups de « levier fis­cal ». Dans une lettre ouverte repro­duite ci-des­sous, adres­sée au nou­veau pré­sident de l’ag­glo­mé­ra­tion et à l’ad­joint char­gé des finances (le maire de Wit­ten­heim), le CP68 demande que soient ren­dus publics tous les élé­ments qui peuvent expli­quer les ravages que pro­duisent aujourd’­hui les dettes sur le bud­get M2A.

Des ques­tions non posées

Si les nou­veaux res­pon­sables de l’ag­glo décrivent la situa­tion plus hon­nê­te­ment que leurs pré­dé­ces­seurs, ils n’ex­pli­citent pas les choix qu’ils font pour ten­ter de remé­dier à la situa­tion. Ils actionnent méca­ni­que­ment le « levier fis­cal » et s’en­foncent dans la logique aus­té­ri­taire sans même s’in­ter­ro­ger sur l’exis­tence d’autres possibilités.

Et ils ne se posent pas, par exemple, les ques­tions que sont en droit de se poser les com­munes de Wit­tel­sheim et de la bande rhé­nane (PFRS), aux­quelles on a impo­sé la fusion avec M2A : devront-elles se rési­gner à accep­ter de payer(*) pour une ges­tion pas­sée cala­mi­teuse, sans l’es­poir de béné­fi­cier un jour des ser­vices mutua­li­sés de qua­li­té que devrait offrir M2A, que ce soit dans le domaine des trans­ports en com­mun ou dans celui des ser­vices liés à l’é­cole et à la jeu­nesse ? Vont-elles se rési­gner aux régres­sions aux­quelles pour­raient les condam­ner la plu­part des élus aveu­glés par les pro­messes des lea­ders poli­tiques libéraux ?

Des confu­sions à dissiper

Pour l’ins­tant, la confu­sion est com­plète : beau­coup d’é­lus ont pro­tes­té contre la baisse des dota­tions aux col­lec­ti­vi­tés locales orga­ni­sée par Hol­lande, sans s’a­per­ce­voir qu’ils usent du même type de pro­cé­dé sur leur champ d’in­ter­ven­tion, en se sou­met­tant aux mêmes dik­tats de la finance. Et se sont-ils aper­çus que Fillon s’ap­prê­tait à faire bien pire que Hol­lande en la matière ?… Se sont-ils aper­çus que, dans ce domaine, Macron – la nou­velle idole de cer­tains d’entre eux – est plus proche de Fillon que de Hollande ?!…

Peut-être que sti­mu­lés par la cam­pagne des légis­la­tives qui s’ouvre, cer­tains élus s’ef­for­ce­ront de situer les res­pon­sa­bi­li­tés et de dis­si­per les confu­sions. Cela dure­ra-t-il ?… Au len­de­main du 1er tour des régio­nales en décembre 2015, où le FN avait fait un score plus qu’a­lar­mant, dans une belle una­ni­mi­té, les élus M2A ont juré que « plus rien ne sera comme avant ». Une pro­messe qu’ils avaient déjà oubliée le len­de­main du second tour

(*) Voir l’ar­ticle publié en jan­vier 2016 dans L’Alterpresse68 qui éva­lue quelques-unes des consé­quences finan­cières de la fusion for­cée de M2A et de la com’­com PFRS : Dettes et toxiques bocké­liens pol­luent jusqu’au Rhin.

B. Schaef­fer, le 9 mai 2017

La lettre ouverte au président de M2A

 

LogoCP68A Monsieur F. Jordan,président de M2A (avec copie à Monsieur A. Homé, vice président chargé du budget)

Mon­sieur le pré­sident de M2A,

Dans le docu­ment public dif­fu­sé début mars sous forme de Power Point lors de l’é­la­bo­ra­tion du bud­get pri­mi­tif de M2A, nous croyons avoir détec­té un ton, et même un fond, dif­fé­rents de ceux qui pré­va­laient avec l’ « ancienne gou­ver­nance ». Les graves dif­fi­cul­tés bud­gé­taires qui assaillent la col­lec­ti­vi­té ne sont plus niées.

Cer­tains com­men­taires figu­rant dans ce docu­ment prennent la forme d’a­veux que votre pré­dé­ces­seur aurait dû concé­der depuis long­temps si le sou­ci de la trans­pa­rence l’a­vait habité.

Citons-en quelques uns :

« Une épargne brute insuf­fi­sante sur le bud­get principal… »,

« les contraintes pesant sur le bud­get transport… »,

« M2A se posi­tionne en queue de pelo­ton… [de col­lec­ti­vi­tés com­pa­rables] »,

« Sans le recours au levier fis­cal, la situa­tion serait encore plus ten­due [et] le taux d’é­pargne serait tom­bé à un niveau incom­pa­tible avec le vote d’un bud­get à l’équilibre… »

« … décé­lé­ra­tion des inves­tis­se­ments sur la période … : 2015 = année d’un point bas… »

« … une sol­va­bi­li­té fra­gile et plus dégra­dée que la moyenne… [avec une]… dété­rio­ra­tion de la capa­ci­té de désen­det­te­ment… [qui]… doit ame­ner à consi­dé­rer que l’in­té­gra­li­té des marges de manœuvre est consom­mée…[puis­qu’on a atteint] la limite com­mu­né­ment admise d’in­sol­va­bi­li­té… [en effet] : com­pa­ra­ti­ve­ment aux col­lec­ti­vi­tés simi­laires, le ratio de sol­va­bi­li­té de M2A est posi­tion­né à 14 ans, alors que la moyenne [des col­lec­ti­vi­tés com­pa­rables] est infé­rieure à 5 ans.

Une large dif­fu­sion de l’in­té­gra­li­té de ce docu­ment nous paraît néces­saire pour éclai­rer les citoyens de M2A(1).

Sou­li­gnons-le : ces com­men­taires en forme d’a­lertes s’é­cartent consi­dé­ra­ble­ment des for­mules léni­fiantes aux­quelles nous a habi­tué celui qui reste char­gé des finances de la Ville centre. Ce der­nier a tou­jours pris soin d’as­sou­pir ses audi­toires par des pro­pos vagues et ras­su­rants dont il res­sort, par exemple, que les dettes publiques locales res­tent par­fai­te­ment « maîtrisées » !…

Nous vou­lons croire que cet effort de luci­di­té et de plus grande rigueur dans l’a­na­lyse dont vous avez fait preuve n’est que le pre­mier d’une longue série. C’est peut-être aus­si le signe que s’ouvre une période de ges­tion plus trans­pa­rente de M2A ?

C’est pour­quoi nous espé­rons que vous don­ne­rez suite à une demande que nous avons for­mu­lée en vain jus­qu’à aujourd’­hui : la mise sur la place publique de toutes les don­nées qui concernent un emprunt toxique contrac­té pour un mon­tant de 4,25 mil­lions d’eu­ros avec la banque DEXIA en 2007 et conte­nant des clauses scan­da­leuses au pro­fit de la Royal Bank of Scot­land (d’a­près un lan­ceur d’a­lertes qui a publié ces don­nées dans le quo­ti­dien « Libé­ra­tion » en 2011). Nous soup­çon­nons que cet emprunt a été rené­go­cié durant l’é­té 2015 par les res­pon­sables de la Ville centre qui ont « sécu­ri­sé » simul­ta­né­ment un autre emprunt toxique au détri­ment du contribuable. 

Si nous avons réus­si à contour­ner l’o­mer­ta orga­ni­sée autour du toxique de la ville de Mulhouse(2), nous n’a­vons jamais pu obte­nir de ren­sei­gne­ments pré­cis sur celui qui a pol­lué le bud­get de M2A. Nous comp­tons donc sur vous, Mon­sieur le Pré­sident, pour qu’en­fin tous les élé­ments de ce dos­sier soient ren­dus publics(3).

A en juger par les com­men­taires du Power Point éla­bo­ré en mars der­nier, le toxique et ses effets n’im­pactent pas le bud­get M2A autant que la dette du bud­get trans­port. Il nous paraît donc aus­si néces­saire que vous appor­tiez des éclair­cis­se­ments sur ce sujet. Un ancien conseiller com­mu­nau­taire, M. P. Frey­bur­ger, a four­ni L’Alterpresse68 en mars 2015 quelques indi­ca­tions qui laissent son­geur sur les ori­gines de cette dette, évo­quant des épi­sodes où l’on voit « un sys­tème qui condui­sit à vendre des bijoux de la cou­ronne (le siège de Soléa en l’occurrence) pour assu­rer la tré­so­re­rie immé­diate, puis le rachat du dit-siège selon un mon­tage ban­caire dont les coûts induits pèsent tou­jours sur les finances de l’agglo »(4).

Là encore la trans­pa­rence s’im­pose : les habi­tants de M2A et plus par­ti­cu­liè­re­ment les usa­gers des trans­ports en com­mun doivent savoir exac­te­ment ce qui s’est pas­sé. Un audit est néces­saire, en l’oc­cur­rence, pour déter­mi­ner la par­tie illé­gi­time de cette dette énorme.

Nous ne cachons pas, Mon­sieur le pré­sident, que nous ne par­ta­geons cer­tai­ne­ment pas votre point de vue s’a­gis­sant des réponses à appor­ter aux dif­fi­cul­tés bud­gé­taires de la col­lec­ti­vi­té M2A. Mais nous espé­rons que vous com­pren­drez néan­moins que la clar­té du débat public néces­site l’or­ga­ni­sa­tion de la trans­pa­rence des don­nées à par­tir des­quelles il se déroule.

Le CP68

  1. Pour appor­ter notre contri­bu­tion à cette dif­fu­sion de l’in­for­ma­tion, nous four­nis­sons un lien infor­ma­tique (cli­quez ici) qui per­met d’ac­cé­der à la ver­sion inté­grale de ce Power Point. Par ailleurs, nous deman­de­rons à la revue alter­na­tive « L’Alterpresse68″ une publi­ca­tion de la pré­sente lettre ouverte.

  2. Résul­tat de la rené­go­cia­tion pour la Ville centre : les contri­buables devront ver­ser au total envi­ron 40 mil­lions d’eu­ros pour un capi­tal res­tant dû de 10 mil­lions d’eu­ros ! Quoi qu’en dise l’ad­joint aux finances de Mul­house, la situa­tion bud­gé­taire de cette com­mune en est plom­bée pour long­temps. Voir l’ar­ticle : Dette et fis­ca­li­té à Mul­house : c’est Mai­treau, bon­ne­teau, gogos ! (octobre 2016).

  3. Si la pra­tique de la trans­pa­rence deve­nait conta­gieuse, cela pour­rait peut-être inci­ter cer­tains à lever enfin le voile sur les consé­quences finan­cières d’un troi­sième toxique : celui qui a pol­lué le bud­get du SIVOM de l’ag­glo­mé­ra­tion mul­hou­sienne, pro­ba­ble­ment rené­go­cié par les mêmes per­sonnes au même moment (été 2015). D’a­près une fuite publiée en 2011 par le quo­ti­dien « Libé­ra­tion », ce toxique sous­crit chez DEXIA en 2007, comme le toxique M2A, mais pour un mon­tant double (8,8 mil­lions d’eu­ros), a sur­tout béné­fi­cié à la banque JP MORGAN qui a tou­ché la ran­çon de « sécu­ri­sa­tion ». Quel a été le mon­tant de cette rançon ?

  4. Voir l’ar­ticle publié en mars 2015 : « Bien­ve­nue au club» Entre­tien avec Pierre Freyburger