Alexis Tsipras, nouveau Premier Ministre, vient de faire sa déclaration de politique générale à la « VOULI », le parlement grec, dimanche 8 février. Il y affirme clairement sa position : le suffrage et la volonté du peuple dont lui et son gouvernement procèdent ne sont en aucun cas discutables, et ne peuvent être remis en cause. Il en va de même des engagements pris, lesquels ont justement été validés par la volonté populaire.
Il insiste par ailleurs sur sa volonté de procéder aux réformes structurelles indispensables dans les plus brefs délais. L’une d’entre elles est la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, principalement celles auxquelles se livrent les plus riches et les plus puissants de ses compatriotes.
Il annonce quelques mesures à valeur symbolique, parmi lesquelles la vente de 800 véhicules de fonction de l’état, et une réduction drastique du nombre de policiers commis à sa protection.
Il affirme également sa volonté d’améliorer le sort de ses concitoyens frappés par l’austérité imposée, en s’engageant à réaliser le programme de revalorisations au cœur de sa campagne électorale.
RUPTURE AVEC LA TROIKA
Pour tout cela, lui et son gouvernement ont rompu avec la troika et renoncé au versement de 7 milliards d’euros d’aide prévus par le mémorandum fin février, dans le cadre imposé par celui-ci. En lieu et place, il revendique la mise en œuvre d’un programme-relais permettant de redonner de la viabilité à la dette de son pays, de desserrer l’étreinte sous laquelle il étouffe, de lui permettre de retrouver le chemin de la croissance, et au final, de le mettre dans des conditions lui permettant de rembourser la dette.
Cette déclaration intervient après la décision de la BCE, prise tard dans la nuit du vendredi 6 février, de fermer le robinet des liquidités aux banques grecques, de ne plus reconnaître comme suffisantes les obligations émises en garantie par la banque centrale de Grèce, et de faire dépendre l’ensemble de leurs besoins du programme d’urgence ELA (emergency liquidity admit), à des conditions moins favorables. Elle vient aussi après les démonstrations d’intransigeance et de rigidité affichées par le ministre allemand Schäuble, et le patron de l’Eurogroup, le très technocratique néerlandais Dijsselbloem, lesquels font mine d’oublier que la BCE avait déjà accepté une restructuration de dette par le passé, en 2013, suite à la menace du nouveau gouvernement irlandais de se mettre en défaut de paiement. Mais manifestement, ce qui est martelé comme impossible pour la Grèce ne l’a pas été pour ce pays, sans doute parce qu’il offre aux multinationales des conditions fiscales très avantageuses, et mêmes améliorables par simple négociation.
RESTER OU SORTIR DE L’EURO : TELLE N’EST PAS LA QUESTION
Ces constatations posent la question de fond, qui n’est PAS de se demander si la Grèce doit RESTER dans la zone euro ou en SORTIR. Elle est de dire si on veut AIDER ce pays et son gouvernement à engager ces réformes structurelles qu’on lui réclame de faire.
Si à cette interrogation on répond OUI, comme le bon sens le commande, peut-il y parvenir dans le RENIEMENT des engagements pris devant les électeurs et validés par leur vote ? C’est ce que semblent croire les dirigeants de la zone euro, si l’on analyse leurs décisions et leurs postures.
Ils prennent alors une série de risques, lourds de conséquences pour l’avenir de l’ensemble de la zone euro, et bien entendu pour la Grèce elle-même.
Le premier de ces risques consiste à renforcer l’impression d’un déni et d’un déficit démocratique immenses, au profit d’un pouvoir technocratique sourd et aveugle, au moment où les incertitudes poussent nombre de gens à un repli identitaire favorable aux extrémismes de droite qui y trouvent l’occasion de ratisser de plus en plus large. En dénonçant cette soi-disant extrême-gauche de SYRIZA, on a refusé de souligner que le peuple grec s’est détourné, en votant pour Tsipras, des néo-nazis d’Aube dorée. La meilleure façon de favoriser leur essor serait d’obliger Tsipras à passer sous les fourches caudines de la troika et de se renier. Les ingrédients complémentaires existent, qui ont mis autrefois Hitler sur la route du pouvoir : paupérisation et humiliation nationale.
L’autre risque est évidemment la sortie de la Grèce de la zone euro, et son retour à la drachme. Cette perspective ne pourra qu’affaiblir la monnaie commune et ruiner le semblant de cohésion dont elle dispose encore, au profit, une nouvelle fois, des eurosceptiques, et de tous ceux qui prônent les vertus du repli et du rejet de l’autre.
MESURER LES RISQUES
Cette sortie aurait également des effets calamiteux sur le quotidien des Grecs. Doit-on rappeler à Draghi, Schäuble, Merkel et Dijsselbloem que ce pays est presque entièrement dépendant de ses importations, et que l’inéluctable et rapide dépréciation de la drachme y provoquerait un séisme ? S’ils s’en fichent au vu de son faible poids, ils ont tort. S’ils s’engagent dans un poker menteur, ils font encore une erreur. Pire : une faute capitale. En effet, d’autres nuages, bien plus noirs qu’une dette de 320 milliards d’euros dans une zone qui en accumule 10000 milliards et continue de tolérer des évasions fiscale du même ordre de grandeur, se massent au-dessus d’elle. Ils ont nom CROISSANCE EN BERNE, CHOMAGE, ABSENCE DE PERSPECTIVES, DESTRUCTION DES SOLIDARITES, mais aussi, le mesure-t-on assez ? GUERRE EN UKRAINE et TERRORISME DJIHADISTE.
Michel Servé.
Nous publions ci-après une adresse pour prendre connaissance d’une pétition signée par les principaux dirigeants syndicaux allemands (DGB, Verdi, IG Metall…). L’Alterpresse68 s’y associe sans hésitation. L’arrogance du gouvernement n’est manifestement pas partagée en Allemagne.
http://wp.europa-neu-begruenden.de/griechenland-chance-fuer-europa/la-grece-au-lendemain-des-elections-une-chance-pour-leurope-non-une-menace/