La presse régionale (L’Alsace et les DNA) ont fait état d’une affaire qui fait polémique dans le Sundgau depuis plusieurs jours. L’Education nationale refuse d’ouvrir le cursus bilingue au collège de Dannemarie au motif que seuls onze élèves l’intégreraient à la rentrée de septembre. Il faut rappeler que voilà 6 ans, un cursus bilingue était ouvert à l’école maternelle de Dannemarie et au Regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de Traubach. Ces premiers enfants bilingues, actuellement en CM2, doivent intégrer le collège en septembre. Mais s’ils veulent poursuivre dans la voie bilingue, ils ne pourront le faire dans leur collège de secteur à Dannemarie et l’Education nationale suggère d’inscrire ces enfants au collège d’Altkirch.

Emoi chez les parents et les élus. Car il s’agit là de la première classe qui a bénéficié de cette forme d’enseignement. Depuis, chaque année de nouveaux enfants accèdent à cette formation et ce sont à présent plusieurs dizaines qui seront concernées par l’entrée au collège dans les années à venir.

Des esprits chagrins pourraient dire qu’ouvrir un cursus pour 11 élèves nécessite un investissement trop élevé en ces temps de vaches maigres pour l’Education nationale et que d’autres priorités existent à l’école. Pourtant, les élus affirment que le rectorat a régulièrement parlé d’un seuil de dix élèves minimum. Avec onze, ce seuil est bien atteint.

Avec un bel unanimisme, les délégués du Syndicat mixte pour le Sundgau, qui regroupe 112 communes du Sundgau, ont tous voté une motion pour demander l’ouverture d’une section bilingue au collège de Dannemarie à la rentrée 2015.

Comme le dit malicieusement le journaliste des DNA, ce consensus montre que le débat a évolué sur cette question et que l’argumentation n’en est plus à des arguties du genre, je cite : « pourquoi l’allemand et pas l’alsacien », « c’est élitiste », « mieux vaudrait d’abord bien parler français »… Et d’ajouter que « cette évolution s’explique sans aucun doute par l’imparable comparaison des taux de chômage : 3,8% dans le Bade-Wurttemberg et 3,4% dans le canton de Bâle contre 9,6% dans l’arrondissement d’Altkirch ».

Ces élus, tellement exigeants à l’encontre de l’Education Nationale, ne sont pourtant pas exempts du même reproche. Combien d’entre eux font la promotion du bilinguisme dans leur propre activité municipale ? Combien d’entre eux ont adhéré à la charte régionale des langues minoritaires ? Dans le secteur de Dannemarie, seules deux communes sur les trente-trois ont demandé l’ouverture d’un cursus bilingue dans leurs écoles. Rien n’empêchait les autres d’effectuer la même démarche.

 Bon, ils ont fait le job et une motion va être adressée au recteur de l’académie de Strasbourg qui en tremble déjà.

LA MOBILISATION DANS LE LANGUEDOC-ROUSSILLON

Il est difficile de résister à faire une comparaison avec une autre région confrontée aux réductions de moyens de l’Education nationale qui affecte l’apprentissage des langues.

Parmi les « nouveauté » pour 2015, l’une concerne l’allocation des moyens accordés aux dispositifs linguistiques. Cela conduira à une disparition drastique des ces enseignements dans de nombreux collèges. 49 classes bi-langues allemand-anglais sur les 92 existantes concernant 1000 élèves sur 1800 disparaîtront ; idem pour les bi-langues espagnol-anglais et une réduction drastique de l’offre d’occitan et de catalan…

Nous avons récolté ces informations dans une lettre adressée à la Ministre de l’Eduction nationale par les élus des personnels au Comité technique académique, les organisations syndicales (TOUTES !) de l’Education, les différentes associations de langues vivantes ou anciennes, internationales ou régionales ainsi que les Fédérations de parents d’élèves…

Près d’une vingtaine d’organisations signataires exigent, d’une seule et même voix, la suppression des seuils imposés  et d’assurer le financement « de toutes les classes bi-langues, bilingues, sections de langues européennes et régionales, option de langues anciennes … »

Là où en Alsace on compte sur une poignée d’élus pour faire bouger les choses, ailleurs, en l’espèce dans l’académie de Montpellier, une mobilisation de masse se met en place, intégrant professeurs, élèves, parents d’élèves, associations culturelles…

ENCORE DE VIEUX DEMONS EN ALSACE ?

Nous l’avons constaté maintes fois : le regard sur les langues régionales particulièrement des organisations de gauche, et notamment syndicales et principalement dans l’enseignement, est radicalement différent en Alsace qu’ailleurs en France : alors qu’elles montent au créneau partout ailleurs, en Bretagne, en Occitanie et Pays basque, ici ça coince… Etrange, pour une région qui, par sa culture, ses potentialités en matière linguistique, son positionnement géographique, est une porte d’entrée pour la France vers l’Europe continentale. C’est là que des efforts devraient être démultipliés pour susciter l’apprentissage de l’  « autre », en commençant par sa langue…

On ne peut dès que souscrire à cette conclusion lue dans l’article des DNA que nous voulons bien faire la nôtre : « Si seulement, à l’heure de l’Europe, on s’affranchissait du travers de voir dans la langue régionale millénaire de l’Alsace, la « langue du voisin », voire dans certains cas (de plus en plus rares, heureusement) « la langue de l’ennemi ». La revendication qui consiste à exiger qu’on enseigne l’allemand à forte dose à l’école n’aurait alors que plus de poids. »

 Et donnerait sûrement à la reconnaissance de la région Alsace une autre crédibilité pour faire valoir ses spécificités et ses atouts dans la grande région qui se dessine.

MM