Lundi 27 avril deux militantes de l’Association France Palestine Solidarité (A.F.P.S) sont arrivées à l’aéroport de Bâle Mulhouse, refoulées par les autorités israéliennes.
Tout comme le président de l’A.F.P.S 68, participant à la même mission de coopération économique avec des villages palestiniens, elles ont été placées dès leur leur arrivée à Tel Aviv en centre de rétention durant trois jours, puis sont passées devant le tribunal pour contester leur garde à vue et surtout prévenir une interdiction du territoire israélien pouvant atteindre 10 ans, interdiction déjà subie en 2014 et dont elles avaient alors obtenu la levée.
Le président a lui été autorisé à poursuivre cette mission avec plusieurs militants associatifs.
Les services du Ministère français des affaires étrangères, en particulier le Directeur de Cabinet du Ministre, alertés par l’AFPS, avaient précisé par écrit être intervenus pour faire lever l’interdiction d’entrée par l’entremise de l’Ambassade de France et les services consulaires assistaient à l’audience de contestation de la mesure de refoulement.
Le Directeur de Cabinet, par courrier adressé au Président national de l’AFPS, avait jugé bon de rappeler que la décision d’accueil en Israël relevait toutefois d’une décision souveraine de l’Etat israélien et que la lettre d’invitation dont disposait la mission AFPS, signée par le Consul de France, ou d’invitations de députés israéliens comme c’est fréquemment le cas pour ce type de missions humanitaires, culturelles ou de coopération économique, « ne donnent pas de garantie d’entrer dans le territoire » [israélien, ndlr].
INTERDICTION D’ALLER… EN PALESTINE !
Mais en l’occurrence, il ne s’agissait pas d’une mission en territoire israélien, sauf marginalement, mais bien d’une mission en territoire palestinien occupé, sur le sol de l’Etat palestinien reconnu par la communauté internationale dans sa très grande majorité, membre de l’O.N.U avec le statut de membre observateur.
On sait que le contrôle des points de passage pour accéder aux territoires occupés par Israël relève de son autorité depuis les accords d’Oslo mais les interdictions d’accès aux territoires occupés se multiplient et se systématisent – ne citons que le cas récent et caricatural des deux jeunes musiciens français voulant retourner à Ramallah après une année passée à enseigner au conservatoire Edward Saïd et déclarés « trop dangereux pour la démocratie israélienne » par les services de sécurité.
On sait aussi que le dernier rapport des Chefs de mission de l’Union Européenne appelle Israël à « mettre fin aux pratiques israéliennes discriminatoires en matière de visas restreignant la liberté de circulation des citoyens de l’U.E, y compris l’accès à Jérusalem et aux services consulaires de l’U.E qui s’y trouvent ».
Et n’évoquons que pour mémoire les interdictions systématiques d’entrer dans la bande de Gaza comme viennent de le subir sur la seule période récente des députés de Parlement européens en mission, le Ministre sud africain des Universités et Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme et président du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme…
UNE POLITIQUE DELIBEREE DU GOUVERNEMENT ISRAELIEN
Alors humanitaires, élus de pays démocratiques, militants des Droits de l’Homme, militants associatifs de la coopération internationale, de la solidarité, du soutien aux résistances non violentes en territoires occupés, actifs pour l’aide aux camps de réfugiés, aux paysans empêchés par les colons de récolter les olives dont dépend leur survie économique dans leurs propres champs… tous des « terroristes », tous des menaces pour la sécurité d’Israël ?
Et que dire des interdictions qui deviennent absolues pour toutes forme de secours venant de l’extérieur, qu’il soit médical, alimentaire ou logistique, pour la bande de Gaza où les conditions de survie imposées par le blocus israélien à près de deux millions de Gazaouis sont effrayantes.
On ne comprend que trop bien que cette systématisation constatée des mesures de refoulement vise à interdire les témoignages et les secours, même simplement symboliques, et correspond à une politique délibérée du gouvernement israélien.
Silence et pas de témoins donc des tensions à Jérusalem provoquées par la construction quotidienne de nouvelles colonies et d’appartements, des tentatives de rendre la vie impossible aux autochtones dans certains quartiers palestiniens, des tentatives de judaïsation forcée et des provocations d’intégristes juifs sur l’esplanade des mosquées.
Silence et pas de témoins de la politique du « laisser croupir » (mourir à petit feu serait plus juste…) les Gazaouis, de la colonisations forcées dans le désert du Neguev où les expulsions s’amplifient contre la population bédouine – de nationalité israélienne, rappelons le – et, bien sûr de la colonisation accélérée des Territoires occupés de Cisjordanie où plus de 10% de la population juive israélienne est désormais installée à grands coups de confiscations de terres, d’aides financières de l’Etat israélien, d’occupation militaire, de politiques sécuritaires à grande échelle, d’emprisonnement, voire de cas de tortures avérées, de milliers de Palestiniens dans des conditions totalement arbitraires.
LA RECONNAISSANCE DE L’ETAT PALESTINIEN, ET VITE !
En accueillant il y a deux jours mes deux amies de l’AFPS débarquées du vol d’Easyjet en provenance de Tel Aviv, je pensais à la préconisation du directeur de cabinet de notre ministre des Affaires étrangères recommandant pour l’avenir aux adhérents de l’AFPS de se conformer aux recommandations de la fiche de conseil aux voyageurs éditée par ce ministère à l’intention des touristes : l’humour, même noir, est donc une qualité diplomatique !
Nous savons qu’une course de vitesse est désormais engagée entre une reconnaissance nécessaire de l’Etat de Palestine par la communauté internationale, et d’abord par la France et l’Union Européenne, et cette insupportable politique israélienne de colonisation, d’étouffement, de chape de plomb, d’absence de témoins sur le terrain.
La politique israélienne du fait accompli, de mépris de toute disposition du droit international, du rouleau compresseur colonial, des pratiques d’humiliation au quotidien des Palestiniens par un sionisme agressif s’accompagne donc ouvertement de la volonté d’intimidation et de découragement des bonnes volontés des militants de la solidarité et du soutien aux résistances non violentes.
Elle pourrait bientôt s’avérer contre productive en révélant chaque jour d’avantage la réalité de la politique israélienne.
L’action de tous ceux qui veulent faire savoir et contribuer à soutenir les droits d’un peuple à qui on promet, au mieux, un bantoustan de territoires éclatés et des camps de réfugiés devient donc toujours plus nécessaire.
L’AFPS remercie celles et ceux qui continueront à « menacer la sécurité d’Israël » par leurs actions de coopérations économiques, culturelles, humanitaires, qui continuerons à manifester leur soutien aux paysans expulsés de leurs terres ancestrales par la force brute, aux Gazaouis, aux réfugiés palestiniens des camps, qui continuerons à informer l’opinion publique et les élus conscients de leurs devoirs, à mobiliser les énergies et à organiser les mobilisations citoyennes nécessaires pour rappeler le droit et les Droits, pour combattre l’insupportable volonté israélienne d’imposer le silence pour mieux étouffer un peuple tout entier.
Christian Rubechi