Ce film documentaire passe au crible la proposition de loi sur la sécurité globale. Un examen exhaustif et minutieux y est mené par sept universitaires, chercheurs et spécialistes du droit pénal, de politique criminelle, des données personnelles et de l’espace public.
Ils et elles décryptent et dévoilent les dispositifs répressifs à caractère social, politique et technologique prévus par le texte de loi.
Un texte dont le processus d’élaboration fut déjà remarquable, ne serait-ce que par la concentration et l’orientation des choix qu’il recèle, tout autant que la pauvreté des débats parlementaires qui l’a caractérisée.
D’autant que l’inscription de l’état d’urgence antiterroriste dans la loi ordinaire (le pouvoir prétendant ainsi en finir avec le principe de l’état d’urgence) risque d’inspirer le même type de raisonnement politique, s’agissant de la loi d’urgence sanitaire…
Avec une proposition de loi qui confond et amalgame l’ensemble des personnels chargés du maintien de l’ordre, de la protection des personnes, ou de la préservation des biens, incluant explicitement les sociétés de sécurité privées, on assiste stupéfaits à une mise en sous-traitance auprès du secteur privé des missions régaliennes et des prérogatives de la puissance publique.
La proposition de loi marque également le souci du gouvernement de faire corps avec les forces de l’ordre, en élaborant ouvertement une loi sur sa requête expresse, notamment celle des syndicats de police.
Le projet politique à caractère panoptique qui en serait issu (surveiller-punir-surveiller) est invisibilisé par la fabrique de la loi, qui illustre chaque jour la passivité, sinon la complaisance des parlementaires à l’égard de l’exécutif, et le caractère extrêmement technique, voire opaque, de la disposition de loi, que des citoyens lambdas seraient bien en peine de comprendre dans toutes ses dimensions.
Le seul lieu où la critique opère encore est donc constitué par l’espace public où défilent les protestataires depuis plusieurs semaines déjà, parmi lesquels figure une catégorie professionnelle susceptible d’y être influente : celle des journalistes, qui contestent pour eux-mêmes la teneur de l’article 24, lequel attente à la liberté d’expression, et en l’occurrence à celle de filmer librement les forces de l’ordre.
Cet article étant l’arbre qui cache la forêt privative d’un large éventail de droits essentiels, qui semblent se dérober chaque jour devant nous, dans un contexte où ils se délitent de longue date, a fortiori depuis l’instauration de l’état d’urgence sanitaire.
Outre la surveillance de masse, et l’intimidation policière, rendue possible par l’omniprésence de la technologie (ou “techno-police”), le projet de loi consacrerait alors le dévoiement de la chaine pénale, par la répression rendue possible du chef d”‘intention de nuire“, imputation impossible à caractériser, et grosse d’innombrables erreurs judiciaires à venir.
Une disposition sans équivalent dans le Code pénal, puisque l’on ne saurait punir pénalement sur la base d’un présupposé. Encore que le “délit d’intrusion sur un campus universitaire” punit déjà sur le fondement d’une « intention de ».
L’excellent documentaire de Karine Parrot et Stéphane Elmadjian, diffusable gracieusement, et visible ci-dessous, permet de mesurer précisément l’ensemble des enjeux démocratiques qui sont désormais en sursis, au regard de cette funeste proposition de loi…
A découvrir en +. Nos confrères de Lundi matin sont allés à la rencontre de Karine Parrot, coréalisatrice, afin de mieux connaitre la genèse du projet.
Le site des réalisateurs est ici