Pas de trouble « manifestement illicite », ni de « dommage imminent » à ce que l’UMP s’autobaptise « Les Républicains », si l’on en croit du moins le tribunal de grande instance de Pais statuant en référé, c’est à dire en urgence, mardi 26 mai.
Il n’a donc pas suffi aux avocats des 144 citoyens français et de 4 associations et partis politiques contestant ce droit à ce nouveau nom pour le parti présidé par Nicolas Sarkozy d’évoquer Valmy et le Vercors ou de rappeler que la République est « un combat de tous les instants » contre « les vices privés qui minent les vertus publiques » et qu’ « on ne se sert pas piteusement de sa générosité [de la République] ni « qu’ on ne saurait abuser honteusement du bien public » pour convaincre les juges qu’il y avait effectivement péril grave et imminent. dans ce changement de nom.
Captation d’héritage
Dans sa plaidoirie le premier avocat des demandeurs rappelait que « les républicains » est une « marque hors commerce » car le mot appartient à tous les citoyens; il dénonçait « les dérives observées chez ceux qui oublient si vite les principes de notre République, « les comportements si peu républicains de ceux qui cachent leurs turpitudes et leur goût pour l’argent facile derrière les leçons proférées du haut de leurs estrades », les « difficultés de transmettre l’idéal républicain à des jeunes qui ne comprennent pas cette dichotomie entre la vertu lumineuse professée à grand jour et les petits arrangements entre copains/coquins consentis dans les sombres alcôves du pouvoir ».
Il rappelait également un site « Nous sommes les Républicains » par référence explicite à « Je suis Charlie ».
Il évoquait quelques tribunes d’intellectuels connus dénonçant « la captation d’héritage » et la confusion dans les jeunes générations scolarisées si « l’enseignement des valeurs républicaines » se confond avec celles d’un parti, l« ‘appropriation partisane historiquement fausse et politiquement ambiguë », l’affirmation d’un monopole qui « rejette tous les autres hors de ce nom lumineux ».
Il citait M. sBAYROU expliquant qu’à l’avenir on sera « anti – républicain » si l’on dénonce la politique voulue ou menée par l’UMP.
L’avocat pointait que les défilés de la garde républicaine ou les compagnies républicaines de sécurité pourraient désormais être respectivement assimilées à la police d’un parti politique ou à la garde prétorienne d’un petit César et que la légion d’honneur pourrait désormais être assimilée à une breloque délivrée par un parti pour récompenser de généreux donateurs.
La sauce Sarkozy
Ses confrères rappelaient de leur côté Jules FAVRE lors du procès d’un canut en 1835, s’écriant « Je suis républicain! [cette] opinion est notre patrimoine; elle nous appartient » ou GAMBETTA défendant devant les tribunaux impériaux des hommes poursuivis pour sédition [n.d.l.r: pas pour terrorisme…]: « Ah , ce n’est donc pas assez que d’avoir chassé les républicains de la République ».
Ils dénonçaient la lettre de M. Nicolas SARKOZY à ses « chers amis » pour justifier le changement de nom de l’UMP dans laquelle il s’approprie la République définie par lui par la Liberté, l’Autorité, le Mérite, l’Effort, la Laïcité, l’Unité et donc a contrario pas par le « laxisme, le nivellement, l’assistanat, le prosélytisme et l’intégrisme, l’addition des communautarismes « .
Et de rappeler que les mots d’Egalité et de Fraternité n’apparaissaient pas dans l’énumération de N..SARKOZY.
Comment dire la gêne devant ce jugement rejetant donc ces arguments et ne considérant pas comme « démontrés » » le trouble manifestement illicite » ni le « dommage imminent »?
Pas par la non prise en compte des arguments mis en avant par les avocats de citoyens, de partis politiques, d’associations, justes mais historiquement datés et si convenus pour de nouvelles générations.
Ni par l’évocation de la dénonciation par ces mêmes avocats dans leurs plaidoiries de l’utilisation mercantile désormais possible des vocables « les républicains » et « républicain », puisqu’une agence pourra déposer le vocable « républicains » comme marque commerciale protégée.
Où sont l’Egalité et la Fraternité chez les « Néo-Républicains »
Ni même par l’évocation au fil des plaidoiries, convenue, des célèbres Rolex marques de réussite sociale, des patrons du CAC 40 et l’absence dans la lettre de M. Sarkozy tellement significatif, de deux des valeurs fondatrices de notre République que sont l’Egalité et la Fraternité.
Peut être craindre que ce jugement – non définitif par ailleurs et appel a déjà été interjeté – relève d’une guerre idéologique et médiatique déjà perdue par les Républicains, les vrais, contre les Républicains du sondage, de l’autoritarisme, de la combine, de la Rolex, du mensonge permanent, de la ségrégation sociale.…?
Mais dire surtout que la vraie bataille doit être menée en rappelant, comme l’a fait un des avocats des vrais Républicains, par le rappel de notre Constitution qui dispose que « Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale » définis par la Déclaration de 1789 et « les principes particulièrement nécessaires à notre temps » issus du Programme du Conseil national de la Résistance en 1944.
Un de ces avocats, en introduction à sa plaidoirie déclarait « le simple mot de République déclenche un frisson d’émotion ».
Il rappelait aussi que Stephane Hessel était un ami de nombre de ceux qui ont introduit ce référé.
Alors, oui, la filiation est évidente de la République aux Indignés, à la Grèce et à l’Espagne où s’inventent des chemins politiques nouveaux pour nos vieilles valeurs républicaines, les vraies…
Et personne ne les confisquera, même verbalement.
Ce jugement est décidemment sans importance, aucune.…
Christian Rubechi.