tusk

On est à Bruxelles, jeu­di 25 juin 2015, énième réunion de l’EUROGROUP et des chefs d’états, qui débattent de la dette grecque.

L’apostrophe est pro­fé­rée par Donald Tusk (ci-des­sus) Polo­nais de son état, pré­sident du Conseil de l’Europe depuis 2014. Une siné­cure, comme celle de Madame Lagarde, « indem­ni­sée 550000 euros par an, nets d’impôt, pour ses fonc­tions au FMI, comme celle de Mon­sieur Jun­cker, pré­sident de la Com­mis­sion euro­péenne, ex-inamo­vible pre­mier ministre du Luxem­bourg, expert en opti­mi­sa­tion fis­cale au ser­vice des mul­ti­na­tio­nales dis­po­sant de « boites aux lettres » dans son pays, comme d’autres…beaucoup d’autres.

Le ton employé par Tusk est celui de la morgue et du dédain. Comme est pate­line l’accolade dont use et abuse Jun­cker envers ce jeune Pre­mier ministre grec qui a encore tant à apprendre.

La soli­tude de Tsi­pras devant Mer­khol­lande… et les autres

La réponse de Tsi­pras fuse : « la Grèce compte 1,5 mil­lions de chô­meurs, 3 mil­lions de pauvres, des mil­liers de familles qui ne sur­vivent que grâce à la retraite de leurs aînés. C’est ça, le jeu ? »

Elle glisse sur ces mes­sieurs et cette dame, se dilue. Il est seul, Tsi­pras. Pas un repré­sen­tant de ces états par­te­naires ne pipe mot. Où sont les Irlan­dais, les Por­tu­gais, les Espa­gnols, tous pas­sés à la mou­li­nette avant les Grecs ? Pas les citoyens, pas les élec­teurs, non, mais ceux qui sont cen­sé les repré­sen­ter, les « responsables ».

Oui, le jeu, c’est ça, en effet. Celui des « ins­ti­tu­tions », l’Allemagne de Mer­kel et Schäuble, la Hol­lande de Dijs­sel­bloem, la fin­lande de…Passons.

Elles vont leur mon­trer, à ces extré­mistes de gauche !!! Et d’abord sur le plan séman­tique, puisque l’adjectif « radi­cal » a été pro­mu syno­nyme d’ « extré­miste ». De « rouge » au cou­teau entre les dents, de « bête » qu’il faut affa­mer, et main­te­nant, achever !

Et de nous expli­quer, à nous les igno­rants, les infan­ti­li­sés du PAF et des édi­to­riaux, que nous vivons dans un monde en noir et blanc, avec d’un côté les bons, et de l’autre, les nui­sibles. Com­bien la mort de la « bête » sera source d’avancées déci­sives vers une zone euro plus homo­gène, plus fédé­ra­liste, plus…N’est-ce pas, Wolf­gang (Schäuble), toi qui n’es pas de Prusse, mais de…Fribourg en Bris­gau, mais qui, pour­tant, psy­cho­ri­gide comme tu l’es, singes si fort l’ancêtre Von Bismarck.

Et après, com­bien il sera plus aisé de venir à bout d’autres « bêtes », hein ! « Star­ving the beast », voi­là le cre­do des ultra-libé­raux au détour de la décade 90, quand enfin la « Recon­quis­ta » des pos­sé­dants com­men­çait à por­ter ses fruits, grâce à un mou­ve­ment en cisaille par­fai­te­ment coor­don­né : réduire les res­sources des états par la baisse de la fis­ca­li­té, et les obli­ger à tailler dans leurs dépenses de pro­tec­tion sociale !

Sommes-nous si exem­plaires en matière de fiscalité?

Coor­don­né, disions-nous, mais avec un « hic », au moins jusqu’en 2006. La fis­ca­li­té, on l’a bais­sée, oui. Pas la nôtre bien sûr, pas celle des ano­nymes exclus du « bou­clier fis­cal » et dis­pen­sés de l’ISF. Mais l’autre, qui bri­dait la com­pé­ti­ti­vi­té. On a crée des exemp­tions, des « niches », des « para­dis », des « boites pos­tales » ( ah l’amendement Copé qui défis­ca­lise les pro­fits tirés de la ces­sion de filiales à l’étranger, lequel coûte 20 mil­liards annuels au fisc national).

Mais les dépenses de l’état pour les pro­tec­tions sociales ont fait de la résis­tance. Il y a eu les béné­fi­ciaires, les syn­di­cats, les grèves, les manifs…Dépensant presque autant et encais­sant moins, la « bête » a creu­sé sa dette publique, celle de laquelle on s’était acco­mo­dé avant.

Le fias­co des « sub­primes » en 2007, grosse salo­pe­rie dans laquelle s’étaient jeté les banques, sans autre sou­ci que d’encaisser le jack­po, a fait le reste en deve­nant crise ban­caire en 2008 par l’effet de l’aventurisme, de l’avidité et de la tech­no­lo­gie numé­rique mon­dia­li­sée, auto­ri­sant l’élaboration de « pro­duits » finan­ciers à haut risque.

La « bête », zone euro en tête, a donc sau­vé les banques pour notre salut à tous. Une pre­mière fois en 2008–2009, puis une autre, en 2012–2013. Pour­quoi une autre, au fait ? Parce que, échau­dées par les pro­duits toxiques, elles s’étaient repliées sur les obli­ga­tions d’état, notam­ment celles émises par l’état grec, assor­ties d’un ren­de­ment plus éle­vé, conforme aux pro­blèmes de tré­so­re­rie de ce pays. Jusqu’au jour où sa situa­tion a enfin sau­té aux yeux de ceux qui, en le rece­vant dans le sys­tème de la mon­naie unique, les avaient tenus bien fer­més. Il s’en est sui­vi le pre­mier mémo­ran­dum, qui a entraî­né la chute du PIB, le chô­mage de masse, la pau­vre­té et la réces­sion. Aus­si­tôt, les « agences » de « nota­tion » ont rava­lé ces obli­ga­tions au rang de pro­duits dou­teux. Déjà bien endet­tés, les états ont joué les « bonnes filles ». Elles les ont rache­tées aux banques pri­vées, trans­for­mant leurs pertes d pri­vées en dette publique.

Le cercle vicieux tourne tou­jours, en une forme de pali­no­die tra­gi­que­ment déri­soire, où « nos » diri­geants font preuve, soit d’une impuis­sante absence (n’est-ce pas, la France ?), soit de leur impli­ca­tion active dans la « recon­quis­ta » des pos­sé­dants. Une pali­no­die faite de menaces, de pres­sions, d’insensibilité abso­lue à la souffrance,de pas en avant sui­vis de nou­velles exi­gences, de volon­té d’humilier un peuple tout entier. Et tout ça, pen­dant que la pla­nète se déchire, sous le poids des pol­lu­tions, des migra­tions de la peur et de la misère, des ter­ro­rismes, de tous ces drames qui pèsent si peu dans une réunion d’Eurogroup, d’Euroworking group, de Com­mis­sion, de « Som­mets », avec à la clé la mon­tée de la xéno­pho­bie, de l’extrème-droite, des racismes, sur fond de dés­in­for­ma­tion et de repli sur soi.

Game is over, Mis­ter Tusk !!! Un homme de votre qua­li­té, occu­pant votre place, aurait mieux fait de se taire.

Michel Ser­vé