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Le débat sur le référendum en Grèce a, une fois encore, démontré l’aggravation du conflit entre les intérêts des peuples et ceux des « Institutions » regroupées au sein de la fameuse et toujours active « Troïka ».

Dans un article intitulé « Non, Oui, guerre et paix », paru dans Médiapart le 4 juillet, Makis Malafékas donne un éclairage bien utile à la compréhension des réels enjeux. Rappelant « que c’est une erreur de penser qu’il s’agit juste d’une affaire de pognon ». Effectivement, la Grèce représente à peine plus de 2% du PIB de la zone Euro et est tout à fait supportable par les autres Etats.

Il s’agit donc d’autre chose, selon Makis Malafékas : « L’enjeu de l’affrontement est l’hégémonie absolue (ou pas) d’une superstructure historique spécifique. La partie grecque veut obtenir « quelques chose », les autres tiennent justement à ce qu’elle n’obtienne rien. (…) Seule l’humiliation complète, l’anéantissement de l’expérience Syriza à tous les niveaux peut apaiser l’insécurité existentielle d’un système qui est tout à fait conscient de son immoralité. (…) La défaite de Syriza doit être totale, au point que personne en Europe n’entreprenne un tel projet de gauche pour au moins une génération »…

Politiques et médias sur le champ de bataille…

Les plus de 61% de soutien à Alexis Tsipras sont en réalité une vraie défaite pour ceux qui sont entrés en campagne contre le gouvernement grec. Comme dirait l’autre,  gagner une bataille n’est pas gagner la guerre. Or, celle-ci continue dans une proportion nouvelle et inédite dans le monde capitaliste.

L’intrusion éhontée des gouvernements européens dans la campagne du referendum grec pour faire triompher le « oui » a plutôt été contreproductive. Pourtant, ils n’ont pas lésiné sur les moyens.

Ils ont distiller la peur de la sortie de l’Europe, prédit les pires des conséquences pour les grecs, dénigrer et diffamer un premier ministre et un gouvernement qui sont pourtant les premiers dans l’histoire du pays, a entreprendre de réelles réformes pour créer un état grec.

A l’exception d’une petite poignée de médias, l’armada des journaux écrits, des télés et des radios, a réagi comme un seul homme aux « éléments de communication » diffusés par Bruxelles. L’Union européenne a à sa disposition dans la capitale belge, une kyrielle de journalistes écrivant pour des organes de presse de tous bords, qui est à la dévotion des institutions. La campagne menée par la rédaction et les lecteurs de Libération pour se plaindre de l’alignement du correspondant du journal sur les thèses de la Troïka est une preuve de cette perversion du journalisme. Les auditeurs de France-Inter sont familiers, depuis des années, de papiers d’un Quentin Dickinson qui est un « attaché de presse » de la Commission avant d’être journaliste.

Pourtant, ils auraient dû être échaudé : lors de la campagne pour le referendum en France en 2005, tout ce beau monde a milité souvent d’une manière agressive voir insultante à l’égard des opposants, pour le « oui ». Avec le même succès que cette fois-ci en Grèce…

Mais, comme dans une guerre, ils pensent toujours gagner la prochaine bataille…

La social-démocratie plus agressive que la droite

Evidemment, toutes les forces politiques « de gouvernement », sont des acteurs de cette campagne. Le fameux « TINA » de Margaret Thatcher (There is no alternative, “il n’y a pas d’autres choix”) est un slogan partagé par la droite et la social-démocratie qui le décline chacun à sa manière.

Mais il est intéressant de constater que très souvent les sociaux-démocrates sont plus agressifs et vindicatifs que la droite.

Ainsi, Sigmar Gabriel, président du SPD allemand, assène dimanche soir après le résultat : « Tsipras a cassé les derniers ponts avec l’Europe ». Pourquoi ? Parce qu’il a consulté son peuple ?

Martin Schulz, président du Parlement européen et issu du SPD, qui certes ne brille pas particulièrement par la profondeur de sa réflexion, veut commettre un coup d’Etat en Grèce en considérant que le gouvernement Tsipras devrait être remplacé par une « gouvernement de techniciens » (dans son cerveau, cela veut dire « technocrates »).

Le parfois si souvent sage Hubert Védrine n’hésite pas à faire part de son dépit devant le vote grec, dimanche soir sur France-Info, en jetant un méprisant « les Grecs doivent sortir de l’euro puisqu’ils l’ont ainsi voté… ».

Si la social-démocratie est plus agressive que la droite, c’est qu’elle a plus à perdre. Elle est en train, du moins dans les pays du Sud, d’être lâchée par ses électeurs et militants, surtout les plus jeunes. Là où la vraie gauche a su repenser la manière de faire de la politique, la jeunesse retrouve le chemin de l’investissement citoyen. Le PASOK, si représentatif de la social-démocratie « gouvernante » a été balayé en Grèce, le PS espagnol est en passe de voir Podemos lui ravir sa place…

Une gauche « radicale » ? Ou plutôt la gauche qui retrouve ses valeurs fondamentales et qui n’est pas totalement inféodée au Moloch de la finance…

Construire la solidarité

Il est sympathique de gambader place de la République à Paris, le dimanche 5 juillet après le résultat à Athènes. Mais c’est un peu court… Les Grecs qui ont voté « non » sont restés sobres car conscients qu’ils entrent dans une  nouvelle phase de la bataille contre la finance et ses divers affidés. Et que ceux-ci disposent encore d’atouts non négligeables pour imposer leur objectif.

Dès ce lundi, la campagne politique et médiatique s’est à nouveau enclenchée, sur le même ton et avec un niveau d’agressivité encore plus élevé. C’est la sortie de la Grèce de l’Euro qui est à présent brandie et ce n’est pas que de l’esbroufe. Les Schäuble et consorts sont bien conscients que la zone Euro telle qu’elle est structurée est fragile et qu’il faut la réformer. Pour lui, la sortie des « petits » pays et donc « petits » clients de l’Allemagne, n’est pas une catastrophe, bien au contraire.

Et ceux qui conseillent à la Grèce de sortir de l’Euro sont les meilleurs alliés du ministre des finances allemands.

Le fait que Syriza ne veut pas sortir de l’Europe mais contribuer à construire une « autre » Europe, doit obtenir plus de soutien de la part des forces progressistes des autres pays. Il ne suffit pas d’exprimer sa solidarité mais bien de contribuer à créer des liens nouveaux entre les citoyens et la politique.

Car si en Grèce, la politique a pris le pas sur les marchés, nous n’en sommes pas là dans la quasi-totalité des pays européens. Et en France particulièrement…

Michel Muller

http://blogs.mediapart.fr/blog/makis-malafekas/040715/non-oui-guerre-et-paix