téléchargement (3)

Jean-Georges Trouillet, 37 ans, vice-pré­sident d’Unser Land, sera tête de liste pour sa for­ma­tion aux pro­chaines élec­tions régio­nales. Dans ses conclu­sions des Uni­ver­si­tés d’été du mou­ve­ment auto­no­miste qui se sont dérou­lés le 19 sep­tembre à Séles­tat, il trace les grandes lignes de la « Plate-forme du Mou­ve­ment alsa­cien », le pro­gramme élec­to­ral pour sa formation.

Loin de se can­ton­ner sur les seuls aspects régio­na­listes, Jean-Georges Trouillet dénonce la nou­velle région comme une double inco­hé­rence : pour une part l’Alsace se défi­nit géo­gra­phi­que­ment, éco­no­mi­que­ment et cultu­rel­le­ment et, d’autre part, cette réforme va à l’encontre de la démo­cra­tie locale, du pou­voir au peuple que reven­dique Unser Land.

Seul par­ti en lice à affir­mer clai­re­ment sa volon­té de mettre en cause la fusion des régions et ce par tous les moyens pos­sibles, Jean-Georges Trouillet insiste : « L’opposition à la nou­velle région ne signi­fie pas que les actuels Comi­tés régio­naux sont la pana­cée. Si nous sommes contre l’ACAL ce n’est pas pour en res­ter au sta­tu­quo, c’est pour faire mieux ».

téléchargement (4)

De g. à dr.: Nadia Hoog, Jean-Georges Trouillet, Andrée Munchenbach

Et d’énoncer quelques aspects du pro­gramme tel que main­te­nir et moder­ni­ser le droit local, res­tau­rer une effi­ca­ci­té éco­no­mique mena­cée par le jaco­bi­nisme, s’appuyer sur les PME plu­tôt que sur les grands groupes pour y arri­ver, prendre en compte la dimen­sion éco­lo­gique pour favo­ri­ser les pro­duc­tions et la consom­ma­tion locale…

L’autonomie donc comme but ET moyen : pour Unser Land ces élec­tions per­met­tront aux Alsa­ciens de s’exprimer. Se pré­sen­ter était donc, selon J.-G. Trouillet un « devoir sacré » pour mener le com­bat de pré­ser­ver l’Alsace de cette réforme néfaste. Loin des affir­ma­tions de P. Richert qui clame urbi et orbi qu’il n’y aura pas de retour en arrière, Unser Land affirme sa volon­té de faire plier ceux qui ont impo­sé cette réforme. Lucide, son vice-pré­sident concède « nous n’y arri­ve­rons pas seuls » et se déclare ouvert à toutes les pro­po­si­tions pour faire une « Union » pour ne pas lais­ser dis­pa­raître l’Alsace.

UNE AMBIANCE STUDIEUSE

Unser Land peut affi­cher une réus­site cer­taine de ses Uni­ver­si­tés d’été. Réus­site dans la par­ti­ci­pa­tion avec un nombre impor­tant de mili­tantes et de mili­tants issus des deux dépar­te­ments pré­sents dans la salle. Réus­site éga­le­ment des débats ini­tiés par quatre tables-rondes qui ont déve­lop­pés des thèmes des­ti­nés à l’élaboration du pro­gramme d’Unser Land pour les élec­tions régionales.

La pré­ser­va­tion des pou­voirs locaux, de la culture et de la langue, de l’enseignement de l’histoire de l’Alsace mais éga­le­ment la ques­tion épi­neuse du droit local. Selon Jean-Marie Woehr­ling, ce droit peut être fra­gi­li­sé au sein de la « grande région Est » et il faut savoir que son main­tien ou sa modi­fi­ca­tion dépend du Par­le­ment et du gou­ver­ne­ment. Le Conseil consti­tu­tion­nel relève qu’il a été certes main­te­nu au sein de la Consti­tu­tion mais comme une excep­tion sup­po­sée être provisoire.

Ces constats ont ouvert un second débat sur les moyens dont l’Alsace devrait se doter pour être « attrac­tive et ouverte au monde, fière de ses racines ». Conscient que la reven­di­ca­tion d’autonomie pour­rait être com­prise comme un « repli iden­ti­taire », Unser Land a invi­té des inter­ve­nants prô­nant le contraire : valo­ri­ser ses atouts (éco­no­miques, géo­gra­phiques, cultu­rels, lin­guis­tiques…) pour s’ouvrir à des coopé­ra­tions mul­tiples béné­fiques pour la région.

Guillaume Ref­fay a pu faire part de l’intérêt des cir­cuits éco­no­miques locaux et de l’utilisation de mon­naies locales com­plé­men­taires pour faci­li­ter ce mode de pro­duc­tion et de consommation.

Cette volon­té d’aborder des ques­tions socié­tales par­fois déran­geantes et inter­pe­lant de toute évi­dence une par­tie de l’auditoire, s’est clai­re­ment affir­mée avec les débats sur la démo­cra­tie et les ques­tions migratoires.

DE LA CONTESTATION AUX PROPOSITIONS

Un ingé­nieur alsa­cien, Roland Bil­ger, rési­dant à Zurich, a pré­sen­té le fonc­tion­ne­ment de la démo­cra­tie en Suisse et par­ti­cu­liè­re­ment ce qui rele­vait de l’autonomie locale des can­tons et com­munes. Alors qu’on résume trop sou­vent la démo­cra­tie hel­vé­tique au seul réfé­ren­dum d’initiative popu­laire, l’exposé a per­mis de mieux cer­ner l’autonomie dont dis­posent les can­tons et les com­munes essen­tiel­le­ment dans la fis­ca­li­té et la ges­tion de leurs finances. Il est éga­le­ment rap­pe­lé que toute modi­fi­ca­tion consti­tu­tion­nelle est sys­té­ma­ti­que­ment sou­mise à réfé­ren­dum. La citoyen­ne­té et l’octroi de la natio­na­li­té suisse sont de la com­pé­tence de la com­mune, le can­ton et l’Etat fédé­ral ava­li­sant cette déci­sion com­mu­nale. Les nom­breuses ques­tions témoi­gnaient d’une volon­té de recher­cher de nou­velles pistes en matière de démo­cra­tie et de tirer des ensei­gne­ments d’autres expériences.

Deux inter­ve­nants abor­daient le pro­blème des migrants et de l’immigration. Ernest Win­stein, théo­lo­gien et his­to­rien, du Cercle René Schi­cke­lé, insis­tait beau­coup sur le néces­saire accueil des migrants alors que l’extrême-droite et la droite ont des posi­tions dic­tées par des cri­tères idéo­lo­giques, pour eux l’humanitaire, la prise en compte de l’être humain, pas­sant au second plan.

Un socio­logue, édu­ca­teur dans les quar­tiers de Reims, Hami­dou N’Diaye, a par­ti­cu­liè­re­ment étu­dié l’intégration de la popu­la­tion immi­grée à Reims et en Alsace. Les deux expo­sés sus­citent maintes réac­tions qui montrent que ce débat pré­sent dans la socié­té, n’épargne pas les par­tis poli­tiques. Entre ceux qui pensent que Unser Land n’a pas voca­tion à par­ler de l’immigration et qu’il faut lais­ser cela à l’Etat cen­tral, une majo­ri­té et la direc­tion du par­ti affirme clai­re­ment qu’il faut se posi­tion­ner sur l’immigration pour se démar­quer du Front Natio­nal qui, lui, est clair là-dessus.

ELARGIR LE FRONT

Les alliés d’Unser Land qui feront par­tie de la liste de la « grande région Est » étaient pré­sents : le Par­ti Lor­rain et le Par­ti Mosel­lan, l’Alliance Eco­lo­giste Indé­pen­dante de Cham­pagne-Ardenne plus par­ti­cu­liè­re­ment. Une volon­té de ne pas appa­raître posi­tion­né selon les cri­tères habi­tuels gauche-droite est affir­mée pour démon­trer un esprit d’ouverture pour accueillir des per­sonnes venant de divers horizons.

Mais les trois per­son­na­li­tés qui ont fait le « buzz » lors du der­nier débat étaient les trois anciens pré­si­dents du Conseil géné­ral, MM. Goet­schy, Weber et Butt­ner. Tous trois, avec des argu­ments divers, sou­tiennent Unser Land et sont les trois pre­miers noms à figu­rer sur la liste du Comi­té de sou­tien ! Jean-Jacques Weber, dans une lettre à la for­mu­la­tion bien sen­tie, dénonce, entre autres, « Richert et les Répu­bli­cains, de même que leurs alliés, (qui) sont hélas, déjà à genoux, les mains ten­dues, et nous bercent d’illusions. Eric Strau­mann, ( l’actuel  pré­sident du Conseil dépar­te­men­tal du Haut-Rhin, ndlr) sait bien que ni Sar­ko­zy ni Jupé ne réta­bli­raient les limites admi­nis­tra­tives de l’Alsace s’ils gagnaient: est-ce qu’il se trompe ou est-ce qu’il nous ment? »

Mais c’est l’écrivain et ancien avo­cat Pierre Kretz, qui rap­pelle qu’il est de gauche, qui est le plus convain­cant dans son argu­men­ta­tion. Taclant M. Butt­ner qui, il est vrai, s’est lan­cé dans une longue logor­rhée oppor­tu­niste et nom­bri­liste, M. Kretz rap­pelle que la « Grande Région  ACAL» est en train de faire émer­ger une conscience poli­tique en Alsace et qu’il faut don­ner aux Alsa­ciens l’occasion de se faire entendre. Il dénonce l’affirmation de M. Richert : « Nous n’avons plus le choix » en rap­pe­lant que faire de la poli­tique c’est jus­te­ment se doter des moyens pour avoir le choix, sinon « il faut chan­ger de métier ».

Il fait part de son espoir de voir Unser Land « créer l’événement au soir du 6 décembre » avec des résul­tats impor­tants. Mais pour cela, ajoute-t-il, UL ne peut res­ter sur ce qu’il maî­trise bien, l’histoire, la culture, la langue, il faut élar­gir en par­lant de démo­cra­tie, de dif­fé­rents thèmes citoyens… Appel enten­du comme l’a démon­tré l’intervention de clô­ture de Jean-Georges Trouillet.

Il sera entou­ré d’Andrée Mun­chen­bach pour le Bas-Rhin, qui a été la che­ville ouvrière de cette Uni­ver­si­té et de Nadia Hoog, tête de liste pour le Haut-Rhin et qui avait fait une entrée remar­quée en poli­tique lors des élec­tions dépar­te­men­tales en mars 2015 avec un score de 16% dans le can­ton Col­mar 1 pour sa pre­mière cam­pagne électorale.

Michel Mul­ler

http://blogs.mediapart.fr/blog/michel-seelig/020915/la-fin-du-droit-local

https://www.youtube.com/watch?v=4ne-AbAO774