Dès le 30 décembre 2015, L’Alterpresse alertait les lecteurs sur les risques qui pesaient sur l’avenir du Régime d’assurance-maladie d’Alsace-Moselle.
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Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Eh bien, le conseil d’administration, sous l’impulsion de son président Daniel Lorthiois, ainsi que l’Intersyndicale, ont lancé toute une série d’initiative pour alerter les élus locaux et territoriaux alsaciens et mosellans pour qu’ils s’engagent à défendre cet important acquis de la population dans nos départements.
Petit rappel
Dans les trois départements s’appliquent encore un régime complémentaire d’assurance-maladie mise en place par les autorités prussiennes en 1883, premier pays au monde à instaurer un système de ce type. Bien avant la Sécurité Sociale en France créée en 1945. Les Alsaciens-Mosellans continuèrent alors de bénéficier de cet acquit social qui se transforma en couverture complémentaire à l’assurance maladie générale.
C’est pourquoi les assurés sont mieux remboursés en Alsace-Moselle que dans le reste de la France : ce qui reste à charge pour un patient est de 10% des soins alors qu’ailleurs cela peut monter jusqu’à 45%.
Les raisons pour maintenir et développer le régime local
En 2013, une loi impose l’instauration d’un régime complémentaire pour tous les salariés qui doivent souscrire à une mutuelle, une assurance, une caisse complémentaire. En clair, à des opérateurs privés, les assurances se pourlèchent déjà les babines !
- Le régime local d’assurance maladie est un régime obligatoire qui concerne 2,1 millions de bénéficiaires : salariés, chômeurs, invalides, retraités ainsi que leurs ayants-droits. Le dispositif prévu par la loi ne couvre lui que les salariés en emploi, pas leurs ayants-droits, ni les chômeurs et les retraités qui devront se payer un contrat individuel plus coûteux et entièrement à leur charge.
- Le régime local est financé par les salariés, les retraités et les chômeurs avec une cotisation à un taux unique de 1,5% assis sur l’intégralité du revenu sans limite de plafond. Les retraités et chômeurs à revenus modestes sont exonérés. Il est basé sur la solidarité avec un bémol : les employeurs ne cotisent pas. Le coût de la complémentaire prévue par la loi sera différent d’une entreprise à l’autre en fonction de l’opérateur choisi. Les cotisations seront forfaitaires, indépendantes du revenu. Il n’y a donc plus de solidarité puisque les salaires les plus bas paieront le même montant que les hauts revenus. Seule avancée : la cotisation serait payée à 50% par le salarié, à 50% par l’entreprise.
- Le Régime local est géré par un conseil d’administration de 25 membres dont 23 sont issus des organisations syndicales. La rigueur de gestion permet au régime d’être équilibré et de détenir des réserves conséquentes. Et surtout, le coût de gestion est seulement de 1,2% des rentrées. Car adossé à la Sécurité Sociale, il en utilise les services pour collecter les cotisations comme pour servir les prestations. Les assurances complémentaires, mutuelles, elles, ont des frais de gestion de… 20% en moyenne !
Voilà trois exemples qui justifieraient à eux seuls l’importance de maintenir le Régime local, sans oublier évidemment les meilleures couvertures des remboursements que nous avons déjà évoqué.
Le régime local peut assumer les prestations contenues dans la loi
Le Conseil d’administration et l’intersyndicale CFDT-CFTC-CGC-CGT-UNSA proposent d’intégrer les prestations de la loi de 2013 dans le régime local et d’appliquer la cotisation prise en charge à 50% par les employeurs et 50% par les salariés, ce qui n’est pas le cas dans le régime local.
Le patronat alsacien-mosellan n’en veut pas. Sa position est renforcée par le rapport parlementaire pondu par quatre députés et sénateurs des départements concernés. Les arguments : il y aurait « atteinte au droit à la concurrence puisque les employeurs (…) se retrouveraient privés de la liberté de choisir l’opérateur de la complémentaire ». Et d’en rajouter un peu plus loin : « Les assureurs verraient soustraire au champ de la concurrence une part de marché significative induise par le monopole que détiendraient le régime local en Alsace-Moselle » ! Ces arguments sont tout simplement ahurissants car on pourrait même l’appliquer au régime général de la Sécurité Social, obligatoire et ne relevant pas des règles du marché. En clair : dorénavant pour ces élus Les Républicains et du Parti Socialiste, la santé est une simple marchandise ! Sur ce point donc également, ils enterrent la solidarité.
Pas un particularisme régional ! Des milliards à récupérer par les marchés financiers !
Quelques beaux penseurs ont osé affirmer que la défense de ce régime local relevait de la défense d’un « particularisme local ». L’intersyndicale comme le Conseil d’administration mettent les points sur les I : « Nous pensons que les avantages du système d’assurance-maladie d’Alsace-Moselle peuvent servir de référence à une évolution de la Sécurité sociale dans toute la France ». Car il prouve qu’on peut mieux rembourser sans pour autant accumuler des déficits.
Raymond Ruck, secrétaire régional de la CGT et membre de l’Intersyndicale, précise que le régime local « démontre qu’il est possible de recourir à la seule Sécurité Sociale pour prendre en charge d’une manière solidaire et universelle la totalité des frais de santé ». Et ainsi ne plus avoir recours à de multiples caisses complémentaires pour avoir une couverture sociale suffisante.
Mauvais exemples que tout cela évidemment pour les tenants de la privatisation de la protection sociale : le budget des cotisations de la Sécurité sociale était, en 2014, de 344,3 milliards d’euros pour le régime général et de 472,9 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base. C’est cette manne qui est visée par les marchés financiers qui voudraient les soustraire à un système qui est basé sur la solidarité et géré avec cette finalité.
Une pétition, des motions : les choses bougent !
L’application de la loi est retardée de 6 mois en Alsace-Moselle pour examiner les compatibilités avec le régime local. Apparemment, le Ministère de la Santé qui doit décider quelle voie choisir dès le 1er juillet 2016, ne soutiendrait pas le régime local.
Mais la messe n’est pas dite : le Conseil d’administration et l’Intersyndicale veulent mobiliser la population. La presse nationale (par ex. L’Humanité), régionale, les médias audio-visuels (radio MNE bien avant tous les autres), rendent compte des conférences de presse et cite abondamment Daniel Lorthiois, le président du CA, et les propositions de l’Intersyndicale. Ils font état de la lettre envoyée à François Hollande et qui dit notamment ceci : « L’histoire devra-t-elle retenir que c’est sous votre mandature qu’a été enterré notre régime solidaire, qui fonctionne, qui est apprécié par les familles et l’ensemble de la population ».
Mais l’actualité nous apprend malheureusement que le Président de la République est prêt à enterrer de nombreux acquis sociaux : c’est donc bien par une mobilisation citoyenne que le Régime sera sauvé.
C’est pourquoi le président du Conseil d’administration a envoyé à tous les maires d’Alsace-Moselle, une lettre demandant le vote d’une motion par les conseils municipaux pour soutenir le maintien et le développement du Régime local.
Une note de synthèse a été éditée pour bien exposer les enjeux. Une plaquette, avec des informations plus détaillés, a été éditée avec le même objectif. Vous pouvez les consulter sur le site internet du régime local et vous trouverez toutes les explications nécessaires et indispensables : http://www.regime-local.fr/-Actualites,123-.html
L’Intersyndicale soumet une pétition à signer avec le même objectif que le Conseil d’administration.
C’est aux citoyens d’agir à présent : demander à vos élus d’adopter la motion, signer les pétitions qui vous seront soumises.
http://www.petitions24.net/pour_un_regime_local_dalsace_moselle_redistributif_et_solidaire
Les contre-vérités des quatre parlementaires
Devant la mobilisation, la panique commence à gagner les fossoyeurs du régime local. Ainsi, les quatre parlementaires (Philippe Bies, député du Bas-Rhin PS, Denis Jacquat, député de la Moselle LR, André Reichardt, sénateur du Bas-Rhin LR, Patricia Schillinger, sénatrice du Haut-Rhin PS) auteur du rapport, se manifestent et écrivent à leur tour à tous les maires pour affirmer que le Régime local « n’est pas en danger » contrairement aux « allégations de son président ».
Dans une note explicative, ils doivent pourtant rappeler que lors des auditions « il est apparu qu’une évolution du régime local, tant d’un point du vue des prestations garanties que de son financement, était souhaitée par nombre d’acteurs locaux ». Ils rajoutent en outre : « Cette piste d’évolution est également celle vers laquelle la mission souhaitait s’orienter initialement ». Alors, pourquoi ne pas suivre la volonté des acteurs locaux et leurs propres conclusions ?
Ils se sont souvenus d’une décision du Conseil constitutionnel de 2011 qui disait « que les dispositions du droit local peuvent demeurer en vigueur tant qu’elles n’ont pas été remplacées ou harmonisées avec le droit commun ».
Il y aurait donc un risque d’anticonstitutionalité à développer le régime d’assurance-maladie Alsace-Moselle ! Ce que dément une note du Conseil d’Etat de mai 2014 qui conclut son examen ainsi : « A condition de ne pas en modifier les caractéristiques constitutives actuelles, le RLAM devrait être adapté (par voie législative et réglementaire) afin d’assurer des garanties équivalentes, tant en termes de prestations que de financement, à celles prévues par l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale. Une telle adaptation pourrait être considérée au niveau constitutionnel comme un aménagement ayant pour seul effet de maintenir le niveau actuel d’avantages dont bénéficient les salariés d’Alsace-Moselle, compte tenu des nouvelles règles législatives nationales en matière de couverture complémentaire santé obligatoire. Cette harmonisation ne soulèverait par ailleurs aucune difficulté au regard du droit de la concurrence. »
http://www.regime-local.fr/IMG/pdf/note_mission_juridique_du_conseil_d_Etat_24-05-14.pdf
Rappelons que la décision à laquelle se réfèrent la « bande des quatre » parlementaires portait sur l’autorisation du travail le dimanche (affaire Somodia) et est considérée comme contestable tant sur le fond que sur la forme.
Plus important : Daniel Lorthiois affirme fort justement que le maintien du statuquo préconisé par le rapport, lui, peut être considéré comme anticonstitutionnel puisque la part des Alsaciens cotisants au régime local sera plus élevée par rapport aux autres assurés sociaux ne relevant pas du régime local. Et pourra être traité à ce titre avec la même logique que celle qui a prévalu dans l’affaire Somodia.
L’argument juridique que les parlementaires évoquent est fallacieux. Faudrait-il fouler au pied une volonté populaire très large et une opinion qui tient à son régime local ?
Imaginons que pour les mêmes raisons, le concordat serait remis en cause. La droite alsacienne et les socialistes enterreraient donc ce dispositif au motif qu’il pourrait être anticonstitutionnel ? Je parie ma chemise qu’ils trouveront les arguments pour justifier son maintien. Alors, un petit effort et vous trouverez les arguments pour convaincre la Ministre d’écouter le peuple plutôt que ses représentants un tantinet opportunistes, une fois de plus.
Unser Land, le Parti Communiste, le Parti de Gauche, soutiennent clairement le maintien et le développement du Régime local. Et que disent ceux qui sont élus sous une étiquette « Majorité alsacienne » ? Et ceux élus sur la base d’une « gauche » qui doit défendre la solidarité ? Voilà un beau sujet pour faire tomber les masques.
Michel Muller