Nous vous proposons un récit de choses vues en territoire Israélo-palestinien, réalisé au cours d’une mission effectuée très récemment par un groupe local de l’association « France Palestine Solidarité Alsace ». S’y retrouvaient Christian Rubechi, collaborateur de l’Alterpresse68, ainsi qu’Elise, Irène, Mireille, Romuald et Sabine. Dans ce témoignage brut, que nous vous livrons in-extenso, sont restitués quelques enjeux du drame politique et humain palestinien.

DrapeauPalestine

Remarques préa­lables: il serait las­sant de men­tion­ner au long de cette petite chro­nique de quelques jours de tou­risme toutes les colo­nies illé­gales (au regard du droit inter­na­tio­nal au moins) vues, presque tou­jours situées au som­met de col­lines, au bout de routes contrô­lées mili­tai­re­ment, qui gran­dissent régu­liè­re­ment et offrent à la vue leur archi­tec­ture mani­fes­te­ment ins­pi­rée de for­ti­fi­ca­tions moyen­âgeuses… les nom­breux check-points et postes de contrôles mili­taires pas­sés…, l’intrication ser­rée des zonages A, B et C qui marquent les degrés de contrôle par l’armée israé­lienne des trois zones sous auto­ri­té théo­rique de l’Autorité pales­ti­nienne depuis les accords d’Oslo.

Il n’a pas paru per­ti­nent non plus d’é­vo­quer dans ces quelques pages les sites tou­ris­tiques visi­tés, reli­gieux ou pro­fanes, ni de pré­sen­ter des consi­dé­ra­tions de géo­po­li­tique, ni de pré­tendre ana­ly­ser les immenses colères et frus­tra­tions qui s’accumulent dans cette région du monde.

Il ne s’agit donc que de rap­por­ter quelques impres­sions per­son­nelles nées lors d’un court voyage, quelques pro­pos enten­dus, quelques réa­li­tés de l’occupation israé­lienne vécues au quo­ti­dien par des Palestiniens.

On aura tout de même com­pris que cette petite chro­nique n’est pas celle d’un sio­niste convain­cu (ni a for­tio­ri d’un anti­sé­mite, même si par les temps qui courent il semble que cer­tains veuillent abso­lu­ment qu’être l’un soit obli­ga­toi­re­ment être l’autre)…

L’absence de noms et de pré­ci­sions se com­pren­dront aisément.

 

Jeru­sa­lem Est: vieille ville, quar­tiers arabes, juifs, arméniens….

 De nom­breux Israé­liens cir­culent dans les ruelles du souk revê­tus de gilets de pro­tec­tion contre d’éventuelles agres­sions à l’arme blanche ; « l’Intifada des cou­teaux » a fait à ce jour plus de 20 morts israé­liens (et plus de 200 Palestiniens).

Forte pré­sence poli­cière et mili­taire, quelques familles israé­liennes accom­pa­gnées de gardes pri­vés armés, mais tout le monde semble vaquer à ses occu­pa­tions personnelles…

En soi­rée, échanges avec un prêtre catho­lique et évo­ca­tion de la situa­tion actuelle dans la vieille ville et à proxi­mi­té dans le quar­tier arabe de Sil­wan : deux mai­sons détruites il y a quelques jours, les enfants avaient lan­cé des pierres… deux mai­sons confis­quées (volées ?) au béné­fice de colons au pré­texte que les occu­pants pales­ti­niens – depuis 1948 – ne pou­vaient pré­sen­ter de titres de pro­prié­té. Les occu­pants étaient pro­ba­ble­ment des réfu­giés de cette guerre.

Infor­ma­tions par une asso­cia­tion israé­lienne sur les fouilles archéo­lo­giques enga­gées depuis quelques années par la socié­té israé­lienne man­da­tée par le gou­ver­ne­ment sur le chan­tier de la cité de David, au pied de la vieille ville. On connaît l’importance dans le dis­cours offi­ciel israé­lien des réfé­rences à l’histoire biblique et la preuve de la pré­sence du palais de David serait évi­dem­ment un argu­ment impor­tant dans la jus­ti­fi­ca­tion his­to­rique des pré­ten­tions israé­liennes sur cette par­tie de Jéru­sa­lem Est.

Les seuls ves­tiges datés avec cer­ti­tude à ce jour (sceaux d’un per­son­nage attes­té dans la Bible) sont du 6ème siècle avant notre ère ; le palais sup­po­sé devrait dater du dixième siècle avant notre ère. Les fouilles continuent.

A proxi­mi­té, dans un quar­tier arabe et sur l’emplacement d’un ancien par­king, autres fouilles archéo­lo­giques pour­sui­vies dans les mêmes condi­tions : ves­tiges divers mais rien qui puisse fon­der quelques pré­ten­tions à un ancien site « juif ». Là encore les ves­tiges byzan­tins et d’époque musul­mane (Omeyades, Fati­mides, Mame­luks…) ne semblent pas exploi­tés par les archéo­logues israé­liens mais sont sto­ckés ; pire, les condi­tions pour des fouilles pro­fes­sion­nelles – l’exploitation par couches suc­ces­sives pour des rai­sons de data­tion notam­ment, ne semblent pas être res­pec­tées par les archéo­logues israé­liens char­gés des fouilles.

Un com­plexe tou­ris­tique devrait être bâti sur l’emplacement de ces fouilles.

Un recours devant la Cour suprême israé­lienne (2008) a confir­mé la pos­si­bi­li­té de l’excavation en cours mais à l’époque le pro­jet de com­plexe n’était pas élaboré.

Il s’inscrit par ailleurs dans le grand pro­jet d’aménagement tou­ris­tique glo­bal (par­king pour les auto­cars de tou­risme et funi­cu­laire per­mettent d’accéder direc­te­ment aux sites impor­tants – mont Sion, Mont des Oli­viers, entrée de la Vieille Ville …) com­bi­né avec l’aménagement des anciens égouts romains qui devrait per­mettre aux tou­ristes d’accéder direc­te­ment aux sites de la Vieille Ville, sans même voir les quar­tiers arabes de la col­line (près de 30 000 habi­tants) appa­rem­ment jugés trop proches de la par­tie juive et du Mont du Temple.

Dans cette logique, l’association nous expose les tech­niques d’acquisition de mai­sons arabes dans cette par­tie de Jéru­sa­lem (non pas de gré à gré indi­vi­duel, mais une asso­cia­tion israé­lienne repère et achète les mai­sons, sou­vent par prête – noms inter­po­sés et l’entremise d’intermédiaires – par­fois pales­ti­niens) ; on nous pré­cise que par­fois il arrive que de faux titres de pro­prié­té soient oppo­sés aux occu­pants actuels arabes, par­fois eux-mêmes réfu­giés de 48.
Les mai­sons « juives » sont faciles à iden­ti­fier : dra­peau israé­lien et sys­tèmes de sécu­ri­té sophistiqués.
En contre­bas 88 mai­sons font déjà l’objet – plus sim­ple­ment – d’ordres de démo­li­tion exé­cu­toires mais sans terme pré­cis pour l’exécution. La pres­sion inter­na­tio­nale peut avoir son utilité…

Iro­nie (?) cer­taines de ces mai­sons sont occu­pées par des juifs yémé­nites ins­tal­lés là après leur rejet des quar­tiers juifs sépharades.

Sur un mur une grande ins­crip­tion avec un vers du poète natio­nal pales­ti­nien, Mah­moud Dar­wich: « Ma mai­son n’est pas une valise et je ne suis pas un voyageur ».

Quelques cas d’enfants arrê­tés dans le quar­tier (de 11 à 18 ans) ; un enfant de 12 ans empri­son­né depuis 3 mois (contrai­re­ment aux conven­tions inter­na­tio­nales sur les droits de l’enfant) pour ten­ta­tive de « stab­bing », agres­sion au couteau.

Une asso­cia­tion arabe s’est créée dans la quar­tier pour tenir les enfants éloi­gnés de la rue.

 

Vieille ville d’Akko, quar­tier arabe (Saint Jean d’acre – Israel).

Les Arabes, 40% de la popu­la­tion de la ville, sont concen­trés dans la vieille ville dont ils repré­sentent plus de 90 % de la popu­la­tion, en front de mer essentiellement.

Clas­sée au patri­moine mon­dial de l’UNESCO la vieille ville fait désor­mais l’objet de pro­jets immo­bi­liers et tou­ris­tiques israé­liens importants.

L’implantation d’habitants juifs est réa­li­sée par la construc­tion de loge­ments étu­diants gra­tuits, réser­vés à des étu­diants juifs bour­siers et par les ten­ta­tives d’expropriation d’une tren­taine de familles arabes qui occupent des mai­sons anciennes situées au cœur de l’aménagement tou­ris­tique projeté.

La tren­taine de familles concer­nées, mena­cées d’expulsion, ont obte­nu en jus­tice un droit au main­tien et la pos­si­bi­li­té d’acquérir ces loge­ments, pro­prié­té depuis 1948 de struc­tures d’Etat.

En 1948 l’Etat israé­lien a confis­qué ces loge­ments qu’il gère depuis par l’intermédiaire de la municipalité.

Ces occu­pants pales­ti­niens sont des familles de réfu­giés arri­vés en 1948 qui ont pris pos­ses­sion, sans titres, de loge­ments aban­don­nés par les occu­pants pales­ti­niens au moment de la Nak­ba, la « grande  catas­trophe » de 48.

Cette vic­toire judi­ciaire (pro­vi­soire ?) a néces­si­té une forte mobi­li­sa­tion citoyenne durant 76 jours. Reste aux habi­tants à trou­ver les finan­ce­ments néces­saires aux acqui­si­tions mais la mobi­li­sa­tion semble efficace.

Sous l’administration otto­mane les titres de pro­prié­té étaient très géné­ra­le­ment cou­tu­miers et donc non écrits pour l’essentiel.

Mais même les éven­tuels titres de pro­prié­té, et même ceux recon­nus sous le man­dat bri­tan­nique, ne sont géné­ra­le­ment pas recon­nus par l’Etat israé­lien, ni dans cette ville et ni ailleurs.

Des écoles ont été construites par la muni­ci­pa­li­té au béné­fice prin­ci­pal de quar­tiers juifs.

Une plainte des habi­tants devant le Minis­tère de l’Education natio­nale leur a don­né en par­tie satis­fac­tion et a per­mis l’ouverture d’une école sup­plé­men­taire pour le quar­tier arabe.

 

Vers Jeri­cho et la val­lée du Jour­dain (Cis­jor­da­nie) :

Devant le Monas­tère de Saint Georges (désert de Judée) des bédouins nous informent de l’intervention toute récente de sol­dats et d’un char pour la démo­li­tion d’un vil­lage bédouin (cam­pe­ment?) à proximité.

Pas­sage devant des cap­ta­tions d’eau et des pom­pages réser­vées aux colo­nies à proxi­mi­té ; nous sommes en Cis­jor­da­nie, non en Israël.

Une ving­taine de pro­me­neurs israé­liens, colons, en groupe et armés.

Autres sta­tions de pom­page et cap­ta­tion de sources; l’eau est réser­vée aux colonies.

Pré­sence de colons armés qui pro­fitent d’un plan d’eau – des enfants arabes s’y baignent.

Deux colons nous saluent aima­ble­ment. Je réponds mais n’avance pas vers eux; l’un est armé d’une mitraillette.

Nos inter­lo­cu­teurs arabes nous pré­sentent la situation:

La val­lée du Jour­dain repré­sente 30% du ter­ri­toire de la Cis­jor­da­nie. Elle est la base agri­cole de l’Etat pales­ti­nien (agrumes, maraî­chage, éle­vage). De 320 000 habi­tants avant 1967 elle est tom­bée à 55 000 habitants.

Depuis les accords d’Oslo les confis­ca­tions (vols?) de terres, l’implantation sys­té­ma­tique de colo­nies – 37, soit près de 10 000 colons – , les des­truc­tions de mai­sons, les pri­va­tions du droit à l’eau ou la pra­tique de sa vente à des prix de vente dis­cri­mi­na­toires – près de 10 fois plus cher que pour les colo­nies – les inter­dic­tions de cir­cu­la­tion et les contrôles aux check-points, les agres­sions régu­lières par les colons – au moment de la récolte des olives de pré­fé­rence –   les divi­sions en zones A et B (5% des terres) et C sous contrôle mili­taire israé­lien (95% res­tants) expliquent évi­dem­ment lar­ge­ment cette immigration.

Nos inter­lo­cu­teurs sou­lignent l’absence d’infrastructures et « l’abandon de fait par l’Autorité pales­ti­nienne » de la val­lée du Jourdain.

Ils détaillent la stra­té­gie israé­lienne, carte à l’appui: ter­mi­ner la construc­tion du mur (près de 300 kilo­mètres res­tent à construire le long de la val­lée du Jour­dain) tout en inten­si­fiant les actions contrai­gnant les habi­tants à par­tir pour dis­po­ser d’un ter­ri­toire « sécu­ri­sé » et vidé de pré­sence pales­ti­nienne signi­fi­ca­tive. A noter que 10 000 ouvriers pales­ti­niens tra­vaillent actuel­le­ment dans les colo­nies de la val­lée du Jourdain.

 

Naza­reth  (Israël) :

Nos inter­lo­cu­teurs nous pré­sentent la situa­tion poli­tique de la plus grande ville arabe d’Israël his­to­ri­que­ment diri­gée par un Front démo­cra­tique, coa­li­tion de par­tis à l’origine de « Hadash » (juive et arabe) dont les repré­sen­tants, asso­ciés à deux petits par­tis arabes, comptent actuel­le­ment treize dépu­tés à la Knesset.

La ville était diri­gée depuis 1975 par un maire appar­te­nant au par­ti PPP (communiste).Un conflit en 2013 et l’annulation des élec­tions ont abou­ti à des dif­fi­cul­tés impor­tantes de ges­tion et à l’élection d’un maire « indé­pen­dant », jugé proche des inté­rêts israéliens.

Le rejet récent du bud­get pour­rait conduire les ins­tances gou­ver­ne­men­tales à prendre en charge la ges­tion directe de la ville basse, arabe, dont les 90000 habi­tants sont concen­trés sur 2000 hec­tares et où les 50 000 habi­tants de la ville haute, juive, dis­posent de 5000 hectares.

Le rap­pro­che­ment des deux ins­tances muni­ci­pales devrait dépendre de la majo­ri­té atten­due d’un conseil muni­ci­pal mixte (ce type de solu­tion est appli­qué dans d’autres villes à ges­tion muni­ci­pale « mixte », comme Jaf­fa par exemple).

Le choix de mode de ges­tion dépen­dra en fait de la majo­ri­té atten­due dans un conseil muni­ci­pal « mixte » (à majo­ri­té juive ou pas).

Un dépu­té arabe de la Knes­set se pré­sente comme un mili­tant des droits de l’homme et évoque son rap­port récent recen­sant près de 50 lois à carac­tère dis­cri­mi­na­toire pour les arabes israé­liens (sur la reli­gion, la langue, l’éducation, la vie cultu­relle, l’accueil de femmes ayant accou­ché dans les hôpi­taux) et notam­ment pour Nazareth.

Il faut rap­pe­ler que trois dépu­tés arabes de la Knes­set font actuel­le­ment l’objet de pro­cé­dures d’exclusion du Par­le­ment israé­lien – non abou­ties à ce jour – pour avoir ten­té d’intervenir dans l’affaire des corps de jeunes « mar­tyrs » (refus du gou­ver­ne­ment israé­lien de rendre les corps de trois jeunes pales­ti­niens à leur famille, abat­tus lors d’attaques au cou­teau contre des Israéliens.

Notre inter­lo­cu­teur men­tionne des pro­pos ouver­te­ment racistes enten­dus dans l’enceinte du Par­le­ment israé­lien contre les dépu­tés arabes, que ceux du pre­mier ministre ne déparent : « les dépu­tés arabes sont des Daesch ».

Le repré­sen­tant du syn­di­cat His­tra­douth pour la région de Naza­reth (élu sur une liste poli­tique PPP) nous four­nit ulté­rieu­re­ment quelques chiffres sur la situa­tion sociale et éco­no­mique locales (dont ceux du chô­mage: 20 à 30% dans les villes arabes israé­liennes – de 15 à 20% à Naza­reth – et 7 à 8% pour les villes juives).

Il rap­pelle l’absence d’investissements dans les villes et vil­lages arabes et les poli­tiques publiques d’incitations fis­cales et d’orientation des sub­ven­tions vers les zones éco­no­miques juives. Il insiste sur le carac­tère de villes « dor­toirs » des villes arabes dont les habi­tants sont obli­gés de cher­cher une acti­vi­té jusqu’à Tel Aviv.

Il nous confirme que les tra­vailleurs pales­ti­niens dans les colo­nies, en Cis­jor­da­nie donc, ne sont pas orga­ni­sés et tra­vaillent sou­vent sans per­mis et illé­ga­le­ment donc. Ils ne relèvent pas de son syndicat.

 

Naplouse (Cis­jor­da­nie) :

En route, pre­mier check-point fer­mé aux tou­ristes, deuxième fer­mé pour tout le monde, troi­sième ouvert; aucune expli­ca­tion, une heure de détour.

Pas­sage à Qal­kiya : bar­be­lés, murs, dis­po­si­tifs de sécu­ri­té élec­tro­niques de type cap­teurs de mou­ve­ments, bande de sable pour détec­ter les empreintes et traces de véhicules.

Détour pour accé­der à Naplouse, la route directe étant réser­vée à une colonie.

Sur la façade de l’église de la Sama­ri­taine une mosaïque repré­sente un prêtre, tué en 1979 pour avoir défen­du aux sol­dats israé­liens l’accès de l’église; traces du bom­bar­de­ment de 2002 lors de la deuxième Intifada.

Le tom­beau de Joseph, lieu saint reven­di­qué éga­le­ment par les juifs, donne lieu à des affron­te­ments régu­liers avec les colons qui viennent y prier sous pro­tec­tion mili­taire  la veille de notre visite un mil­lier de colons et de mili­taires, comme chaque semaine ou presque, ont pro­vo­qué des inci­dents (bles­sés palestiniens).

Visite dans l’un des camps de réfu­giés proches; entre­tiens avec des mili­tants asso­cia­tifs pales­ti­niens enga­gés dans des acti­vi­tés pour les plus pauvres, les han­di­ca­pés, les fils et filles de com­bat­tants pales­ti­niens (67 tués, « mar­tyrs », depuis 2000, 35 pri­son­niers dont 10 à vie.

Une affiche repré­sente un enfant tué le 23 novembre 2015 trou­vé en pos­ses­sion d’un canif.

Un autre, 14 ans, condam­né à 14 ans de pri­son pour « faits de résis­tance active ».

Les rues sont jon­chées d’ordures, le dés­in­ves­tis­se­ment crois­sant de l’agence de l’ONU (UNRWA) est poin­té par nos inter­lo­cu­teurs qui qua­li­fient cette agence de « deuxième visage de l’occupation ».

Trois méde­cins pour les 34 000 habi­tants des camps de Naplouse.

En vieille ville, nom­breuses plaques com­mé­mo­ra­tives pour les 40 morts de 2002 et 2004.

Sur un mur de la grand place une ins­crip­tion « Resist to exist ».

Entre­tiens avec deux étu­diantes qui pré­sentent rapi­de­ment le sys­tème uni­ver­si­taire pales­ti­nien (cher mal­gré les bourses accor­dées par l’Arabie saoudite).

L’une dit « Cer­tains jours je remer­cie Dieu d’être là et cer­tains autres je me demande pour­quoi j’y suis ».

Pour venir à notre ren­dez-vous, elle a voya­gé trois heures en voi­ture pour un tra­jet nor­mal de 30 minutes ; aléas des check-points…

Elle évoque les 150 ans qui furent néces­saires pour l’indépendance de l’Algérie.

Elle rap­pelle la volon­té de beau­coup de jeunes de par­tir mais évoque les dif­fi­cul­tés à envi­sa­ger la France comme pays d’accueil « à cause de l’interdiction du hijab ».

Elles qua­li­fient toutes deux Mar­wan Bar­ghou­ti, diri­geant pales­ti­nien de pre­mier plan condam­né à la pri­son à vie, de « héros du peuple palestinien ».

 

Tul­ka­rem (Cis­jor­da­nie)

Camps de réfu­giés à l’entrée (25 000 habitants).

Ici a débu­té la construc­tion du mur le 5 avril 2002, selon un tra­cé qui ne res­pecte pas la « ligne verte », contrai­re­ment aux accords et obli­ga­tion inter­na­tio­nales ; annexion de 51 vil­lages et de 73 000 habi­tants résul­tant des 300 kilo­mètres de mur construits.

On nous raconte la des­truc­tion de mai­sons et on nous montre celles qui devraient l’être « bien­tôt », les ordres de démo­li­tions ayant été délivrés.

Trois vil­lages proches, une grande zone com­mer­ciale (un ali­gne­ment de bou­tiques), trois impor­tants forages dans la nappe phréa­tique, annexés par Israël, ont dû être res­ti­tués après modi­fi­ca­tion du tra­cé du mur suite à une déci­sion du Tri­bu­nal inter­na­tio­nal de la Haye sur plainte des habitants…non sans des­truc­tion préa­lable par l’Etat israé­lien de forages et de deux cents magasins.

On nous raconte la confis­ca­tion de 150 hec­tares, la construc­tion d’un camp mili­taire israé­lien et d’un impor­tant check-point fran­chi chaque jour par 10 à 12 000 tra­vailleurs palestiniens.

Lorsque nous rejoi­gnons notre hôtel à Ramal­lah nous voyons une dou­zaine d’enfants face à un camp de réfu­giés jeter des pierres en direc­tion de mili­taires israé­liens ; l’un des enfants est cagou­lé. L’entrée prin­ci­pale de Ramal­lah est donc bloquée…petit détour.

 

Ramal­lah (Cis­jor­da­nie)

Non pré­vu ini­tia­le­ment mais hasard du calen­drier, nous assis­tons à la confé­rence natio­nale du mou­ve­ment Boy­cott, dés­in­ves­tis­se­ment, sanc­tions (B.D.S).

Près de 400 par­ti­ci­pants écoutent les inter­ven­tions d’acteurs poli­tiques pales­ti­niens majeurs, d’associations et repré­sen­tants de la socié­té civile pales­ti­nienne ; dif­fu­sion de mes­sages vidéo de repré­sen­tants de BDS dans le monde (Amé­rique du Sud, Europe, Afrique du Sud, Etats – Unis).

Cou­ver­ture média­tique importante.

On sait à quel point BDS, direc­te­ment ins­pi­ré des boy­cotts de sou­tien aux luttes anti – apar­theid menées par l’ANC en Afrique du Sud, inquiète le gou­ver­ne­ment israé­lien. BDS a enre­gis­tré d’importants suc­cès sur la der­nière période (cam­pagne Orange, démé­na­ge­ment de l’usine Sodas­tream, dés­in­ves­tis­se­ments de nom­breux fonds de pen­sion, ces­sa­tions d’activité d’importantes socié­tés dans les ter­ri­toires occu­pés, voire en Israël, note inter­pré­ta­tive de la Com­mis­sion euro­péenne impo­sant l’étiquetage dif­fé­ren­cié des pro­duits issus des colo­nies et abu­si­ve­ment com­mer­cia­li­sés comme pro­duits israéliens….).

Mal­gré un impact éco­no­mique direct qui reste limi­té (mais qui croît régu­liè­re­ment) ce mou­ve­ment est consi­dé­ré comme de la plus haute impor­tance par tous les acteurs palestiniens.

N’en voyons pour preuve que les décla­ra­tions du pre­mier ministre israé­lien et l’organisation qu’il vient de mettre sur pied – y com­pris en France – pour le com­battre, les menaces phy­siques pro­fé­rées récem­ment par un vice – ministre israé­lien ……et la répres­sion active dont sont vic­times les mili­tants du BDS dans notre propre pays (cir­cu­laire Alliot Marie, condam­na­tions pénales de mili­tants – dont les 12 de Mul­house condam­nés récem­ment par la Cour de Cas­sa­tion, pro­jet de décret Valls annon­cé récem­ment au Conseil des ins­ti­tu­tions juives de France par ce der­nier et pré­voyant l’assimilation du l’antisionisme à de l’antisémitisme péna­le­ment sanctionné).

 

Neguev

Contrôle mili­taire des pas­se­ports dans le bus; nous pas­sons devant la nou­velle usine Sodas­tream qui a quit­té les ter­ri­toires occu­pés suite à la cam­pagne BDS. Il semble qu’elle doive être reprise par un fonds d’investissement chi­nois et de nou­veau relo­ca­li­sée. Les ouvriers pales­ti­niens qui ont sui­vi l’usine n’ont pas vu leurs auto­ri­sa­tions de tra­vail sur le nou­veau site confirmées.

Nous étions pas­sés peu de temps aupa­ra­vant devant une pri­son où sont déte­nus des pri­son­niers poli­tiques pales­ti­niens (plus de 6000 en tout à ce jour, dont plus de 300 déte­nus « admi­nis­tra­tifs », c’est-à-dire déte­nus sans juge­ment, à qui on ne com­mu­nique pas les charges pesant sur eux et dont la déten­tion est renou­ve­lable par périodes maxi­males de 6 mois… un nombre de fois indé­ter­mi­né) ; à noter que ce régime a été repris par l’Etat israé­lien du régime appli­qué lors du man­dat bri­tan­nique par les Anglais.

Entre­tiens avec des repré­sen­tants asso­cia­tifs bédouins, citoyens israéliens.

Ils disent l’histoire de ces popu­la­tions semi-nomades entre terres proches de la bande de Gaza et Neguev.

La pro­prié­té des terres est attes­tée par la cou­tume orale recon­nue par les Otto­mans comme par les Bri­tan­niques, et même par l’Agence juive qui a acquis des terres avant 1948.

En 1948 Israël s’est appro­priée la tota­li­té des terres. Les 112 000 habi­tants de la région ont fait alors l’objet de mesures d’expulsion et se sont réfu­giés en Jor­da­nie et à Gaza.

L’armée a pro­cé­dé à des mesures d’intimidation, et par­fois à des exé­cu­tions ; la région a été sous loi mar­tiale jusqu’en 1966, l’acquisition de tous les biens, même de pre­mière néces­si­té se fai­sait obli­ga­toi­re­ment dans des maga­sins gérés par l’armée et la contre­bande était pas­sible de la peine de mort.

Nos inter­lo­cu­teurs évoquent le sys­tème des réserves indiennes mises en place par le gou­ver­ne­ment des Etats-Unis au 19ème siècle.

La popu­la­tion, tom­bée à 12 000 per­sonnes, est depuis remon­tée à 250 000.

Désor­mais 100 000 d’entre eux vivent dans des vil­lages « offi­ciels » construits par les Israé­liens dans les années 70 et les autres  dans des vil­lages « non recon­nus » par les autorités.

Les pre­miers comptent par­mi les plus pauvres en Israël en termes d’infrastructures et de ser­vices ; ils sont qua­li­fiés de « town­ships » par nos interlocuteurs.

Les seconds sont régu­liè­re­ment rasés sur ordre de l’Etat israé­lien qui refuse de vendre aux bédouins le moindre lopin de terre. Ceux-ci ne peuvent donc plus exer­cer leur acti­vi­té agri­cole ancestrale.

Toutes les terres sont exploi­tées par de grandes fermes israé­liennes, for­te­ment sub­ven­tion­nées et béné­fi­ciant de la part de l’Etat des ser­vices adap­tés (eau, électricité…).

Israël a réel­le­ment cher­ché à inté­grer ces popu­la­tions à par­tir des années 70 en les inci­tant, notam­ment à effec­tuer leur ser­vice mili­taire, en par­ti­cu­lier dans des uni­tés spé­cia­li­sées dans la recon­nais­sance (on ne peut s’empêcher de pen­ser aux « scouts » indiens des wes­terns hollywoodiens).

Sans grand suc­cès, et actuel­le­ment seuls 270 bédouins servent sous les drapeaux.

Le « plan Pra­wer » en cours de dis­cus­sions gou­ver­ne­men­tales et par­le­men­taire vise à fina­li­ser leur inté­gra­tion et ain­si à rompre l’unité cultu­relle et géo­gra­phique des popu­la­tions arabes de la bande de Gaza à la Cis­jor­da­nie ; sans moyens par­ti­cu­liers et sans concer­ta­tion aucune avec les ins­tances repré­sen­ta­tives dont se sont dotées ces popu­la­tions, il n’apporte à ce jour aucun élé­ment de solu­tion aux conflits en cours (en 2013 ont eu lieu mani­fes­ta­tions et révoltes, les vil­lages détruits sont recons­truits par les habitants…).

La loi mar­tiale a été rem­pla­cée par les mesures sécu­ri­taires en vigueur désor­mais dans tout Israël, ce qui semble stric­te­ment reve­nir au même pour les popu­la­tions concernées.

Citoyens israé­liens de plein droit, ils ont accès à l’Université et la troi­sième géné­ra­tion de bédouins, édu­quée, mène volon­tiers le com­bat sur le plan juri­dique pour leurs droits his­to­riques et culturels.

Dans l’un des 46 vil­lages mena­cés actuel­le­ment de des­truc­tion, nous ren­con­trons des vil­la­geois qui attendent la mise à exé­cu­tion des mesures d’expulsion et de des­truc­tion du vil­lage, leurs recours juri­diques ayant été reje­tés depuis une déci­sion de la Cour suprême israé­lienne de 2015.

En route pour Beth­léem (Cis­jor­da­nie) nous voyons les habi­tuelles colo­nies sur les hau­teurs, les patrouilles, contrôles mili­taires, engins blin­dés, postes de contrôles et leurs équi­pe­ments en caméras….

Une scène attire notre atten­tion : quatre ado­les­cents se désha­billent, mis en joue par quatre sol­dats abri­tés der­rière un muret ; for­ma­li­té impo­sée pour pou­voir ren­trer chez eux….

 

Beth­léem (Cis­jor­da­nie)

Le mur enserre le tom­beau de Rachel. Il est cou­vert de graf­fi­tis, sou­vent humo­ris­tiques (« Wall street », « Apar­theid ave­nue » « Make Hum­mus, not walls »), de fresques, de témoi­gnages per­son­nels liés aux situa­tions de guerre vécues.

Nous pour­sui­vons vers Beit Jel­la (17 000 habi­tants) où un repré­sen­tant de la muni­ci­pa­li­té nous reçoit.

Il expose, plans et cadastre à l’appui, le méca­nisme de la confis­ca­tion des terres agri­coles en cours par la pour­suite des colo­ni­sa­tions et sur­tout de la pour­suite de la construc­tion du mur afin de rat­ta­cher les grandes colo­nies de Gush Atsyon et Gilo à Jéru­sa­lem pour que les popu­la­tions juives soient à terme reliées, les popu­la­tion arabes iso­lées, et qu’une conti­nui­té ter­ri­to­riale « juive » favo­rise la réa­li­sa­tion du « Grand Jerusalem ».

Le com­bat juri­dique devant la Cour suprême a don­né lieu à un juge­ment nuan­cé : recon­nais­sance par cette der­nière que le tra­cé du mur ne res­pecte pas l’a­li­gne­ment légal de la « ligne verte »….mais recon­nais­sance de la totale liber­té de l’armée de pour­suivre la construc­tion pour « rai­sons de sécurité ».

Une ving­taine d’autres pro­cé­dures sont en cours devant diverses ins­tances mais un inter­lo­cu­teur a sou­li­gné que tant que la jus­tice serait ren­due pour les ter­ri­toires occu­pés par des tri­bu­naux israé­liens et sous contrôle militaire….

A ce jour le ter­ri­toire admi­nis­tra­tif de Beit Jal­la ne compte plus que 432 hec­tares (zone C et donc sous contrôle mili­taire israé­lien) ; il en comp­tait 1450 en 1912.

La construc­tion du mur a donc repris ; oli­viers mil­lé­naires arra­chés, pro­tes­ta­tions et mani­fes­ta­tions des habi­tants qui n’ont rien chan­gé… 400 familles vont perdre pro­chai­ne­ment tout accès à leurs terres qui seront situées der­rière le mur.

Des auto­ri­sa­tions mili­taires – dis­cré­tion­naires – pour l’accès à leurs terres et champs seront sans doute pos­sibles ; dans quelles condi­tions et jusqu’à quand ?

Beit Jal­la est située à 2 kilo­mètres à vol d’oiseau du centre de Jéru­sa­lem (9 par la route); ils n’obtiendront pro­ba­ble­ment pas l’autorisation de s’y rendre.

Le mou­ve­ment d’émigration d’habitants, déjà signi­fi­ca­tif, s’amplifiera : but recherché ?

Sur un site tou­ris­tique, un guide nous raconte sa situa­tion per­son­nelle : pales­ti­nien, il a per­du son tra­vail lors de la deuxième Inti­fa­da et donc a dû se recon­ver­tir. Les tour-ope­ra­tors, israé­liens – 90% de la clien­tèle – ne tra­vaillent qu’avec des guides israé­liens pour leurs acti­vi­tés dans les ter­ri­toires occu­pés. Il ne peut se rendre à Jéru­sa­lem. Il rêve de pou­voir voyager.

 

Hebron (Cis­jor­da­nie)

Nous arri­vons à Hebron après un détour par le vil­lage de Wadi Fukin où des mis­sions d’associations diverses (dont l’Association France Pales­tine d’Alsace) coopèrent depuis des années à de nom­breux pro­jets de déve­lop­pe­ment éco­no­mique (ate­lier de condi­tion­ne­ment de fruits séchés, aide à l’acquisition de pompes pour l’eau…), nous allons sur le site de plan­ta­tion récente d’oliviers finan­cés dans ce cadre : la colo­nie voi­sine avance vite. Les oli­viers seront-ils arra­chés comme nombre d’autres avant ?

Les 400 000 habi­tants d’Hebron dans la plus vaste région de Cis­jor­da­nie (900 000 habi­tants, soit le tiers de la popu­la­tion totale) sont sou­mis par Israël a un régime par­ti­cu­lier : cinq colo­nies ins­tal­lées au cœur de la vieille ville arabe, de nom­breuses autres qui l’encerclent, une pré­sence au quo­ti­dien de 2 à 4000 sol­dats, des postes de contrôle jusqu’aux abords immé­diats de la mos­quée qui abrite les tom­beaux de patriarches, reven­di­qués par deux reli­gions, juive et musulmane…

Depuis près de vingt ans les affron­te­ments sont fré­quents. La mos­quée est désor­mais scin­dée en deux par­ties depuis la tue­rie de 1994 où un Juif fana­tique a ouvert le feu sur les fidèles.

L’accord impo­sé par les auto­ri­tés israé­liennes per­met depuis l’accès 15 jours par an aux Juifs de la par­tie musul­mane de la mos­quée (contin­gent lar­ge­ment dépas­sé de fait nous dit-on) ; la par­tie juive du bâti­ment reste inac­ces­sible aux musulmans.

A la sor­tie, contrôles mili­taires et vue de la rue qui conduit vers la hau­teur proche où des mai­sons sont encore occu­pées par des habi­tants arabes.

Par­tout des dra­peaux israé­liens flottent sur cette par­tie de la ville arabe (mai­sons, poteaux télégraphiques…).

Dans la rue voi­sine du souk, des grilles pro­tègent les pas­sants contre les jets de détri­tus et de pierres lan­cés par les colons des mai­sons surplombantes.

Sur un mur une ins­crip­tion : « Free Israël ».

Que rajou­ter ?

Peut-être rap­pe­ler sim­ple­ment l’épilogue du livre* de Shlo­mo Sand, pro­fes­seur d’histoire contem­po­raine à l’université de Tel-Aviv, qui s’interroge sur le droit aujourd’hui des habi­tants non juifs de cette terre et qui répond en évo­quant l’histoire du ter­rain sur lequel est bâtie l’université ain­si que le bureau même où il tra­vaille : un impor­tant vil­lage arabe dont la vie s’est éteinte le 30 mars 1948 s’y trouvait.

Ce jour-là, les habi­tants se sont enfuis devant les actions de forces mili­taires israéliennes.

La majo­ri­té d’entre eux se sont dis­per­sés dans le monde entier. 

Plus de 700 000 per­sonnes ont ain­si été déra­ci­nées au cours de la Nak­ba et spo­liées de leurs mai­sons et de leurs terres, sans aucune com­pen­sa­tion ou dédom­ma­ge­ment. Beau­coup d’entre elles et leurs des­cen­dants vivent encore dans des camps de réfu­giés dis­sé­mi­nés au Moyen – Orient.

Sur ces ter­rains on trouve aus­si désor­mais des musées dont celui d’Eretz Israël qui pré­sente « toute l’histoire du pays et de sa culture ».

Ce « musée de la Terre d’Israël », ori­gi­nel­le­ment dénom­mé « du Pays », est géné­ra­le­ment diri­gé depuis les années 80 par des géné­raux en retraite.

Schlo­mo Sand rap­pelle que les col­lec­tions du musée, dont celles de l’ethnographie et du folk­lore, ne font aucune réfé­rence à l’origine de l’édifice, ni aux « modes de vie » des occu­pants pré­cé­dents de ces terres. 

* Shlo­mo Sand: « Com­ment la terre d’Is­raël fut inven­tée » – Champs/Flammarion.

 http://www.pdfarchive.info/pdf/S/Sa/Sand_Shlomo_-_Comment_la_terre_d_Israel_fut_inventee.pdf

Chris­tian RUBECHI