Après avoir fait la une des journaux, la Catalogne semble être retombée dans l’ombre. Pourtant, les actions se multiplient et une touriste catalane de passage à Mulhouse a souhaité partager avec nous sa vision des choses.
En France, alors que l’état centralisateur impose aux territoires sa seule vision des choses, comment ne pas trouver un écho aux paroles de Rosa Maria ? Quand l’État bafoue ses propres institutions, reniant la démocratie comme lors du passage en force du GCO, ne sommes-nous pas nous aussi un peu catalans ?
Mais trêve de bavardages, nous vous souhaitons avant tout une bonne lecture et n’hésitez pas à laisser des commentaires !
Lettre d’une Catalane
Le 23 août dernier, comme en tant d’autres jours de cet été 2018, plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées devant la prison de Mas d’Enric, près de Tarragone (Catalogne), pour chanter, faire de la musique et manger ensemble, en solidarité avec Carme Forcadell, l’ex-présidente du Parlement catalan, en prison préventive dans ce centre depuis 5 mois. Des rassemblements similaires ont régulièrement lieu devant deux autres prisons où sont enfermés 6 ex-ministres du gouvernement catalan. Leur délit : avoir fait appliquer le mandat reçu des citoyens de Catalogne et exprimé dans les urnes, lors du référendum d’autodétermination du 1er octobre dernier.
Cette volonté, représentée par une majorité absolue de députés au Parlement catalan, est fortement réprimée par l’Etat espagnol : ses forces de l’ordre (Guardia Civil et Police Nationale) et son pouvoir judiciaire se sentent investis de la mission supérieure de préserver l’unité de l’Espagne, quitte à bafouer les droits et les libertés et à falsifier ou manipuler, si nécessaire, la réalité (en avril dernier, la justice allemande en a révélé un exemple en démontant le délit de rébellion attribué à l’ex-président Puigdemont, actuellement en exil en Belgique).
Le bilan de cette répression est lourd : plus de 1000 blessés par les forces de l’ordre selon l’ordre des médecins de Catalogne, 9 responsables politiques en prison et 7 en exil, et plus de 900 citoyens mis en examen (maires, conseillers municipaux, enseignants, humoristes, pompiers, restaurateurs, mécaniciens,…).
Le droit à l’autodétermination des peuples est reconnu internationalement par la Charte des Nations Unies et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté par les Nations Unies dont l’application au fil des ans s’est précisée et ne s’est plus limitée aux seuls cas des anciennes colonies. Les Etats membres de l’ONU doivent adopter ce droit à partir du moment qu’ils acceptent les normes des Nations Unies comme normes supérieures à leur ordre juridique propre : dans le cas espagnol, cela est inscrit dans la Constitution. Selon les enquêtes, entre 70 et 80 % des Catalans pensent que la Catalogne a le droit de célébrer un référendum d’autodétermination.
Le droit à l’autodétermination est un point clé des revendications d’une partie importante de la société catalane, principalement (mais pas exclusivement), du mouvement indépendantiste qui a vu ces 10 dernières années tripler le soutien qui lui est accordé (selon les enquêtes, autour du 50 % de l’électorat pourrait voter pour le oui dans un référendum d’autodétermination). La raison à cette croissance est à chercher dans la négation permanente de l’Etat espagnol à prendre en compte les revendications catalanes, dans son insistante volonté recentralisatrice et dans les attaques continues sur des thèmes sensibles comme la langue, l’enseignement et les questions sociales : le Conseil constitutionnel espagnol a suspendu ces dernières années plus de 40 lois catalanes (sur la précarité énergétique, le droit au logement, le changement climatique, etc.).
Comme indépendantistes, nous souhaitons une république catalane (la monarchie ne nous représente pas) dont la qualité démocratique soit clairement supérieure à celle dont fait preuve chaque jour l’Etat espagnol, solidaire avec les autres nations et qui fasse de ses citoyens, indépendamment de leurs origines, des êtres libres de pouvoir décider eux-mêmes de l’avenir de la Catalogne. Nous sommes convaincus qu’aucun Etat ne peut obliger un peuple à en faire partie. Si vous me demandez quelle est la principale raison pour laquelle j’aspire à l’indépendance de la Catalogne, je vous répondrais sans hésiter : par dignité, car comme beaucoup de Catalans, je me sens constamment méprisée dans l’Etat espagnol.
Mais la société catalane est bien sûr plurielle et une partie des Catalans veut rester dans l’Etat espagnol. Dans le système de libertés auquel nous aspirons, la solution au problème catalan ne peut être que celle déjà appliquée par des démocraties plus avancées que l’espagnole (Canada/Québec, Royaume Uni/Ecosse) : le référendum d’autodétermination.
Sabadell, 31 août 2018
Rosa M. Gené-Montserrat
Membre de ANC (Assemblea Nacional Catalana)
Un point de vue intéressant sur cette crise. Merci à l’auteure!