Nous savons trop bien qu’informer n’est pas chose facile. Que les pressions sont nombreuses. Que des journalistes honnêtes essaient tant bien que mal de donner l’information la plus juste possible. Et qui appliquent le précepte de Hubert Beuve-Méry, fondateur du journal Le Monde : « l’objectivité n’existe pas, l’honnêteté si ». Une majorité des rédacteurs de L’Alsace relève de cette catégorie.
Cela est d’autant plus important de relever quand le journal régional quitte le domaine de l’information pour aller sur le terrain du conditionnement des esprits, bref, de la vulgaire propagande…
C’est le cas d’un article paru dans l’édition du 16 novembre, sous la plume de Laurent Bodin, dont nous avons déjà souvent dû relever la déontologie « à géométrie variable »… Il rend compte d’une « visite organisée » par la direction de Stocamine dans les galeries où sont enfouies les pires des saloperies que l’industrie peut générer, les déchets ultimes toxiques et très dangereux. Nous en avons déjà souvent parlé ici entre autres dans l’article
http://lalterprls.cluster011.ovh.net/stocamine-enfouir-presque/
et dans l’émission Un autre son de cloche sur radio MNE
https://www.mixcloud.com/radio-mne/un-autre-son-de-cloche-02112016/
Préparer l’ouverture de l’enquête publique
Pour ceux qui croiraient qu’il y a là souci de transparence et d’information de la part de la direction de Stocamine, il faut déchanter. En réalité, cette visite organisée est destiné à accompagner le lancement d’une enquête publique qui se déroulera jusqu’au 15 décembre dans plusieurs communes du bassin potassique (Cernay, Kingersheim, Lutterbach, Pfastatt, Reiningue, Richwiller, Staffelfelden, Wittelsheim et Wittenheim). Il s’agit de demander aux citoyens de donner leur accord pour que les saloperies qui sont au fonds ne soient plus déstocker comme cela est prévu mais qu’il seront ensevelis pour l’éternité dans le sous-sol alsacien.
Les risques sont énormes, vous le lirez ou l’écouterez en utilisant les liens joints à cet article. La nappe phréatique la plus grande d’Europe sera un jour contaminée, la seule incertitude réside dans l’époque où cette catastrophe surviendra.
Ce qui pose déjà la question du périmètre des citoyens consultés : pourquoi s’arrêter à ces communes ? Parce qu’elles seront les plus touchées quand des gaz s’échapperont des failles décelées lors de la sortie à l’air libre des fumées suite à l’incendie qui s’est déclaré dans les galeries. Ce qui a motivé l’arrêt du stockage et la décision de déstocker.
Le fidèle télégraphiste de la direction
L’article de L’Alsace est en fait le ramassis des arguments de la direction pour que les citoyens donnent leur accord à ce qui serait un véritable scandale sanitaire. Une des « vérités » assénées depuis des mois par M. Collet, liquidateur de l’entreprise Stocamine, est la détérioration plus rapide que prévu des galeries. Et le journaliste de reprendre pour argent comptant : « Le résultat est bel et bien (sic) que le déstockage des déchets, soit 93% des produits contenant du mercure, pourrait ne pas aller à son terme ». Car le ministère de l’Environnement à ordonné que 93% de ces produits mercuriaux soient évacués car ils sont extrêmement dangereux. Ce qui représente à peine 2.270 tonnes des 42.000 tonnes de déchets divers stockés à 550 m de profondeur. Plus grave encore, l’inspecteur Apave (société privée, créé par le patronat conseiller des entreprises et des collectivités dans les domaines de maîtrise des risques techniques, humains et environnementaux) déclare nonchalamment que « le jeu (le déstockage de la totalité) ne vaut pas la chandelle pour quelques kilos de mercure… ». Quand l’Organisation mondiale de la Santé alerte sur le mercure en rappelant que
« L’exposition au mercure, même à de petites quantités, peut causer de graves problèmes de santé »
http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs361/fr/
on s’interroge sur la pertinence et le but réel des analyses de l’Apave !
« Ouvrir un débat : vous n’y pensez-pas ! »
Qu’un journaliste fasse un reportage sur un sujet aussi important, toute proportion gardée un peu comme les dangers potentiels de la centrale nucléaire de Fessenheim, est non seulement légitime mais relève du devoir élémentaire de la presse.
Mais alors, on fait un vrai article et on ouvre le débat. Pourquoi, M. Bodin, n’avez-vous pas donné la parole, en parallèle, à ces associations et syndicats qui depuis des dizaines d’années dénoncent inlassablement les risques que cet enfouissement fait courir non seulement à la population du bassin potassique mais à toute la région et au-delà puisque la nappe phréatique rhénane concerne tout la vallée du Rhin jusqu’à Rotterdam ?
Pourquoi reprendre pour argent comptant, les affirmations d’ « experts » cités dans le texte de l’enquête publique qui disent que le risque (donc risque il y a !) sera retardé de 1.000 ans grâce à des barrages ceinturant le lieu de stockage ? Pourquoi ne pas rappeler qu’à l’origine, des « experts » affirmaient qu’on serait tranquille pendant… 10.000 ans ! Et que d’autres experts considèrent que c’est entre 35 à 70 ans que les premiers risques sont envisageables !
Cet article n’a donc qu’un but : rassurer les gens, inciter à voter pour l’enfouissement que veut imposer la direction de Stocamine, (enfouissement qui effectivement revient moins cher que le déstockage) et ainsi accepter que des générations futures subissent l’accident quasi-inéluctable ?
Signez la pétition !
Il y a un danger que la population ne se déplace pas suffisamment pour s’exprimer. D’autre part, l’acceptation actée par les habitants d’une dizaine de commune alors que les dangers concernent tout l’espace rhénan n’aurait aucune signification.
Les associations qui militent pour une extraction totale des déchets, qui rapportent que des mineurs connaissant bien (et pour cause) la structure géologique des galeries estiment qu’ils sont confrontés à des éboulements tels qu’ils les ont toujours connus et qui sont maîtrisables, lancent une pétition pour mobiliser plus largement. On ne peut que vous inviter à la signer. http://www.destocamine.fr/
Et profitez du lien que vous offre L’Alterpresse : ce n’est pas M. Bodin qui le révélera, cela ne fait pas partie de sa déontologie… librement autodéterminée, bien évidemment…
Michel Muller