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Chaque semaine, à Mulhouse, des centaines de personnes, beaucoup de familles, se rassemblent dans des émouvantes manifestations pour un cessez-le-feu et la paix en Palestine. Le véritable génocide opéré par le gouvernement israélien dans la bande de Gaza, mais également les centaines de meurtres et milliers de blessés dans la population palestinienne en Cisjordanie, sont de plus en plus condamnés dans le monde entier.

Si on peut expliquer la « soif de vengeance » durant quelques jours après le massacre opéré par le Hamas en Israël, on peine à expliquer ces expulsions de tout un peuple de son territoire, de ses massacres d’une population qui sont de véritables crimes de guerre.

D’autant plus que le but de cette guerre selon Israël serait « d’éliminer le Hamas ». Or, on sait bien que chaque bombe qui tue va contribuer à générer une nouvelle génération de militantes et de militants palestiniens qui rejoindront les rangs des combattants pour la libération de la Palestine : la haine engendre la haine, à la violence répondra la violence.

Bien que M. Netanyahou assure qu’il ne veut pas réoccuper la bande de Gaza, à quoi rime de raser toutes les constructions, toute habitation capable d’accueillir des populations. Et ce d’autant plus que les objectifs de « démanteler les réseaux du Hamas » et de « détruire leurs abris » qui n’ont pas été découvert dans l’hôpital anéanti par les bombes israéliennes, relèvent à chaque jour qui passe d’une intox digne de Colin Powell et ses fameuses « armes chimiques » dont Saddam Hussein devait faire usage en Irak… tout cela pour justifier la guerre que voulait mener les USA !

Nous ne rejoignons pas les médias officiels qui n’y voient que la « barbarie du Hamas » et « les excès de l’extrême-droite israélienne ». Si, parfois, la folie peut conduire à des drames, cela est rarement le cas dans les guerres de ce type : la plupart du temps, ce sont bien des intérêts géopolitiques qui en sont les vraies raisons. Doivent-ils pour autant, justifier le génocide d’un peuple ?

Quand les intérêts des grandes puissances se croisent au Moyen-Orient…

Le journal L’Humanité, dont on ne louera jamais assez la qualité du travail rédactionnel, a réalisé une enquête pour tenter de trouver des raisons suffisantes pour déclencher ces massacres au Moyen-Orient. Et parallèlement, comprendre ce qui se cache derrière la colonisation forcée des territoires palestiniens par des religieux fanatiques, armés par l’armée israélienne, et qui flinguent à tour de bras les paysans palestiniens… pour venir s’installer sur leur terre et dans leur maison.

La carte que nous publions est explicite et donne une première explication : l’excellent site Les Clés du Moyen-Orient fait des études approfondies sur la région. Il nous fournit cette carte qui montre d’une part, les sites d’extraction pétrolière et gazière ainsi que le réseau de pipe-lines existant et ceux qui sont en projet.

On voit que les énergies fossiles ne sont pas uniquement cantonnées dans les Émirats ou en Arabie Saoudite, mais que Israël en dispose également. Un des principaux sites se trouve… au large de la bande de Gaza. Ces ressources sont difficilement exploitables tant qu’il y aura des risques de conflit.

Découvert en 1999 dans les eaux territoriales palestiniennes, le gisement de Gaza Marine contiendrait plus de 30 milliards de m3 de gaz naturel. Pour les Palestiniens, il pourrait représenter, selon le site Middle East Eye, « un revenu annuel compris entre 700 et 800 millions de dollars ».

La télévision israélienne Channel 13 a révélé le jeudi 4 mai 2023, qu’Israël et l’Autorité palestinienne mèneraient des « discussions secrètes » autour de l’exploitation du champ gazier baptisé Gaza Marine, située à 30 km de la côte de l’enclave palestinienne que le Hamas (et non pas l’AP) contrôle.

Les grandes puissances ont un besoin impérieux d’énergies fossiles ou nucléaires

Les grandes puissances industrielles ne peuvent se contenter des maigres kilowattheures que leur livre les éoliennes disséminées ici et là ou les champs de panneaux solaires… On laisse ça au vil peuple…

Une grande partie de leur puissance dépend de la quantité et du prix de l’énergie disponible. On sait que l’Allemagne a bâti son économie sur le gaz russe qu’elle recevait en abondance et à prix intéressant grâce à des accords bilatéraux et des pipe-lines qui les livraient à domicile (Nord Stream 1 et 2). Cette situation indisposait monumentalement les USA et quelques pays du nord de l’Europe qui n’ont eu de cesse de faire stopper cette situation jusqu’à faire exploser Nord Stream 2. La déclaration de guerre de la Russie à l’Ukraine a bien fait les choses. Les robinets de l’Est se sont fermés.

L’Allemagne, et l’Europe en général, ne peut se contenter du gaz de schiste US très cher et complexe à utiliser. Ils sont donc à la recherche de nouvelles sources d’approvisionnement.

En septembre dernier, Mme Van der Leyen, présidente de la Commission européenne et ancienne ministre allemande, annonçait tout sourire, en compagnie du Premier ministre indien Modi et avec la bénédiction de Joseph Biden, président des USA, un projet appelé : « Partenariat pour l’investissement mondial dans les infrastructures ». Un peu opaque, ce titre, non… ?

Le journaliste de l’Humanité, Pierre Barbancey, a mené son enquête : ce projet pourrait « accélérer de 40% les échanges commerciaux entre l’Inde et l’Europe et contribuer à normaliser les relations entre Israël et les Etats du Golfe ».

Les fameux accords d’Abraham

En réalité, il s’agit de contrer le plan chinois des « routes de la soie » qui doit relier l’Asie de l’Est et le Moyen-Orient à la mer Méditerranée en passant par l’Iran, l’Irak, jusqu’aux ports syriens.

Le plan des Occidentaux, lui, veut établir un corridor économique reliant l’Inde, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, la Jordanie, Israël et l’Union européenne. Avec une marchandise particulièrement convoitée et au centre du projet : le gaz et le pétrole ! En juin 2022, Ursula Van der Leyen (une grande voyageuse !) rencontre au Caire, le ministre égyptien du pétrole et la ministre israélienne de l’Energie. Ils négocient de concert un accord tripartie sur le gaz liquéfié et un développement d’infrastructures pour faire de l’Egypte un hub gazier régional.

Et la présidente de la Commission européenne évoque un autre projet (nous sommes en juin 2022), la construction du gazoduc Eastmed qui relierait les champs gaziers israéliens et chypriotes à la Grèce, puis l’Italie, traversant les eaux contestées entre la Grèce, la Turquie et Chypre. De quoi alerter le président turc Erdogan qui n’est pas invité au tour de table ! Mme Van der Leyen ne manque pas d’indiquer que le port israélien d’Eilat serait un point stratégique pour les exportations du gaz et du pétrole des pays du Golfe vers l’Europe !

A la tribune des Nations-Unies, le 22 septembre 2023, nous rapporte l’Humanité, « le Premier ministre israélien brandissait une carte intitulée le « Nouveau Moyen Orient » sur laquelle il avait tracé au marqueur rouge, une ligne partant de l’Asie, passant par Israël et se terminant en Europe. »

Netanyahou exultait : « Nous allons établir un nouveau corridor (…) qui connectera l’Asie et l’Europe, en passant par les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite, la Jordanie et Israël ». La Palestine et son Etat n’était évidemment pas citée !

Les accords d’Abraham ont été signés à la fin de la présidence Trump, le 15 septembre 2020, par les Émirats arabes unis et Bahreïn avec Israël. Ils se sont concrétisés depuis par un ensemble de gestes diplomatiques (visites officielles croisées, forums politiques en alternance dans le Golfe et en Israël ), d’accords sécuritaires et de promesses économiques.

Après l’attaque du Hamas et le déluge de feu qu’Israël déverse sur la bande de Gaza, il sera difficile pour les pays arabes de continuer à faire des affaires avec le gouvernement de M. Netanyahou. Au grand dam de l’Union européenne qui voit ses plans fortement contrariés. Est-ce cela qui explique l’étonnant soutien des gouvernements européens à cet acharnement et les actions timides des pays arabes.

Les opinions publiques ont un rôle à jouer

Que ce soit en Europe, aux Etats-Unis ou dans les pays arabes, c’est bien des populations que vient l’indignation la plus sincère. Sans excuser pour rien au monde, les attaques du Hamas, la situation dramatique du peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie a été à nouveau révélé.

Tous ces gouvernements ne jurent aujourd’hui que par la solution à deux Etats. Mais en 1974 déjà, (sans remonter à 1937), la résolution194 des Nations unies appelle à « deux États, Israël et la Palestine… côte à côte à l’intérieur de frontières sûres et reconnues » La dernière résolution sur ce point,  en novembre 2013, est adoptée par 165 voix contre 6, avec 6 abstentions , Israël et les États-Unis ayant voté contre

Selon cette résolution, les frontières de l’État de Palestine seraient « fondées sur les frontières d’avant 1967 », comprenant donc la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est avec la vieille ville. Durant le sommet arabe de Fès de 1982, le concept est adopté des dirigeants palestiniens.

Plusieurs évènements tentent d’instaurer la solution à deux États : la conférence de Madrid (1991), les accords d’Oslo (1993), le sommet de Camp-David (2000), le sommet de Taba (début 2001), l’Initiative de paix arabe (2002), proposée au sommet de la Ligue arabe 2002, une autre tentative de paix échoue en 2013-2014.

Mais pourquoi l’ensemble de la « communauté internationale » ferait cette-fois ci ce qu’elle n’a jamais fait avant : faire respecter les résolutions votées à l’ONU. Et imposer à Israël de les respecter. Un pays à lui tout seul pourrait le faire : les USA qui tiennent à bout de bras l’existence du pays en le finançant depuis sa création en 1948.

Les plus de 15.000 morts palestiniens auxquels il faut associer les victimes israéliennes, représentent-ils un « prix » suffisant pour contraindre le gouvernement d’Israël a enfin accepté un vrai Etat palestinien ?

Et inciter Joseph Biden, en difficulté avec ses électeurs aux USA, à imposer à son ami Benjamin Netanyahou l’existence réelle d’un Etat palestinien ?

Reste à savoir qui, du côté palestinien, serait à même de négocier la création d’un Etat en bonne et due forme : peut être que dans les geôles israéliennes existent une de ces figures capables de réunifier le peuple palestinien et de parler en son nom. Là aussi, c’est Tel Aviv qui a la réponse.

La réussite des grandes ambitions européennes, israéliennes et arabes contenues dans les projets d’infrastructures commerciales et énergétiques ne sera réellement garantie que dans un climat de paix et de respect du peuple palestinien. Ce dernier nous le rappelle, à ses dépens…

https://www.revueconflits.com/du-gaz-en-palestine/