Les pics de pollution ont parfois des conséquences étonnantes! Ainsi, dans l’Ile-de-France, un pic de pollution conduit à la gratuité des transports en commun. Objectif: réduire le nombre de voiture dans la cité! Ainsi reconnaît-on que la voiture est une des principales causes de la pollution qui encrasse les poumons des habitants… Pourquoi alors ne pas instaurer la gratuité permanente des transports pour agir en amont de la pollution? Pas possible économiquement? Ici, nous prouvons le contraire…

La semaine der­nière, à Paris, je suis tom­bé en pleine alerte « pol­lu­tion » et j’ai béné­fi­cié des mesures prises par les auto­ri­tés. Oui, « béné­fi­cié », puisque grâce à l’accumulation des par­ti­cules fines, les trans­ports en com­mun étaient gra­tuits ! La cir­cu­la­tion alter­née, plu­tôt bien sui­vie par une popu­la­tion pas tou­jours très docile quand il s’agit de la bagnole, a déga­gé les rues pari­siennes même si l’horrible péri­phé­rique qui enserre la ville comme un cor­set étouf­fant était comme d’habitude bouché…

Il y a là une énorme absur­di­té. On en est à se féli­ci­ter de la pol­lu­tion, voire espé­rer qu’elle dure un peu, car cela rend les trans­ports en com­mun gra­tuits ! Quand on connaît l’importance du réseau de trans­port dans une aire urbaine de 12 mil­lions d’habitants et le bud­get que cela repré­sente pour les familles, (une carte Navi­go coûte jusqu’à 64 euros par mois et par per­sonne sur la tota­li­té de la région), on com­prend que la gra­tui­té des trans­ports est une bonne nouvelle.

Voyage en Absurdie…

Pour­tant, n’est-ce pas d’une pro­fonde débi­li­té d’attendre pour appli­quer cette mesure qu’un pic de pol­lu­tion pré­sente un risque grave pour la popu­la­tion ? Alors que l’on sait que les voi­tures indi­vi­duelles sont une des causes de cette pol­lu­tion et que l’écrasante tota­li­té des auto­mo­bi­listes sont seuls dans leurs véhi­cules à savou­rer les bou­chons dans les artères de notre capitale.

Pour­quoi ne pas pra­ti­quer la gra­tui­té des trans­ports publics en per­ma­nence pour réduire le nombre de voi­tures et ain­si lut­ter contre la pol­lu­tion avant qu’elle ne vienne s’attaquer aux bronches des Parisiens ?

Evi­dem­ment, tout le monde va se dire : mais qui va payer cela ? Com­ment la RATP pour­rait-elle être financée ?

D’abord, d’autres villes pra­tiquent la gra­tui­té des trans­ports en com­mun sans qu’elles ne se soient rui­nées. Niort et ses 100.000 habi­tants de l’agglomération pas­se­ront à la gra­tui­té le 1er jan­vier 2017.

Ensuite, la gra­tui­té per­met­trait de faire des éco­no­mies aux régies de trans­ports ne serait-ce que le coût des por­tillons, de leur entre­tien, des agents contrô­leurs… et on éli­mi­ne­rait le coût de la fraude !

Un rap­port séna­to­rial éva­lue le coût glo­bal de la pollution

Un rap­port d’une com­mis­sion d’enquête du Sénat paru en juillet 2015, a fait, pour la pre­mière fois,   une éva­lua­tion de la charge éco­no­mique et finan­cière de la mau­vaise qua­li­té de l’air. Les doctes séna­teurs arrivent à un coût qu’ils consi­dèrent comme un mini­mum, de 101,3 mil­liards d’euros pour la France ! Deux fois plus que le tabac !

On peut y lire : « La pol­lu­tion n’est pas qu’une aber­ra­tion sani­taire, c’est aus­si une aber­ra­tion éco­no­mique », en rap­pe­lant qu’elle est à l’origine de 42.000 à 45.000 décès pré­ma­tu­rés par an en France ! Bron­chite chro­nique, asthme, can­cer du pou­mon, acci­dent vas­cu­laire céré­bral, infarc­tus du myo­carde font par­tie du pal­ma­rès des pol­lueurs ! Le coût qui est asso­cié à ces patho­lo­gies n’est pas suf­fi­sam­ment appré­hen­dé par les pou­voirs publics et les entre­prises,  concluent les sénateurs.

Comme preuve, ils rap­pellent que le coût sani­taire de la pol­lu­tion est com­pris entre 68 et 97 mil­liards d’euros dont 3 mil­liards pour l’impact sur la Sécu­ri­té sociale : 650.000 jour­nées d’arrêt de tra­vail seraient pres­crites chaque année du fait de la mau­vaise qua­li­té de l’air. Et des argu­ments de ce type, il y en a à la pelle, allez lire ce rap­port, vous le trou­ve­rez aisé­ment sur le réseau.

Donc, la pol­lu­tion coûte cher, très cher, à la col­lec­ti­vi­té natio­nale mais ce coût est répar­ti sur de mul­tiples bud­gets, ce qui ne le rend visible.

Le coût de la pol­lu­tion peut payer les trans­ports gratuits…

Regar­dons main­te­nant ce que coûte, par exemple, le plus grand réseau de trans­port urbain de France, celui du Syn­di­cat des trans­ports de l’Ile-de-France. Le chiffre d’affaires de la RATP est de 5,556 mil­liards d’euros en 2015. Les col­lec­ti­vi­tés locales contri­buent à hau­teur de près d’1 mil­liard au fonc­tion­ne­ment du réseau mais vont par­ti­ci­per, entre 2016 et 2020, à hau­teur de plus de 4 mil­liards aux inves­tis­se­ments… Les citoyens paient deux fois : par leur billet mais aus­si par leurs impôts…

Avec à peine 10% du coût de la pol­lu­tion, on pour­rait finan­cer la gra­tui­té des trans­ports en com­mun de l’Ile-de-France ! Mais curieu­se­ment, la Com­mis­sion d’enquête du Sénat n’intègre pas cette solu­tion dans les pro­po­si­tions qu’elle fait pour amé­lio­rer la situation…

Réduire d’une manière auto­ri­taire s’il le faut, la cir­cu­la­tion des voi­tures en ville en offrant un réseau de trans­ports publics per­for­mants et gra­tuit, semble encore au-des­sus des forces des tenants de l’orthodoxie éco­no­mique… sauf en cas de pol­lu­tion grave !

Une sug­ges­tion : au lieu de faire de la M2A comme un champ d’affrontement entre élus, pour­quoi ne pas lui confier une étude sur la gra­tui­té des trans­ports de la région mul­hou­sienne ? Le séna­teur Bockel n’aurait-il pas lu le rap­port de ces col­lègues trop pré­oc­cu­pé par sa succession ?

Michel Mul­ler