Un de nos fidèles et perspicaces lecteurs, nous envoie le texte suivant sur le conflit au Moyen-Orient. Il reprend des informations parues sur le site de Médiapart et certaines plus personnelles;  nous les publions volontiers car nous restons attachés au pluralisme dans le débat public. 

Mer­ci donc à Pierre Doli­vet d’avoir atti­ré notre atten­tion en nous envoyant ces élé­ments intro­duits par le texte sui­vant : « Car ce qui se passe à Alep et au Moyen-Orient en géné­ral n’est rien d’autre qu’une guerre d’in­fluence pour récu­pé­rer à bon compte le gaz, le pétrole et la domi­na­tion ter­ri­to­riale. Comme ce fut le cas au XIXème sicèle avec le décou­page de l’A­frique, du sac du Palis Impé­rial de Chine et d’autres joyeu­se­tés. N’im­porte quel jour­na­liste, ou pré­ten­du­ment comme tel, pour­ra vous le confir­mer ou éven­tuel­le­ment expliquer.

Voi­là une contri­bu­tion, rele­vée dans les colonnes de « Media­part » qui me semble bien plus proche de ce qui se dit ou se raconte sur les chaînes hertziennes. » 

En pré­am­bule

La Syrie est en guerre depuis 5 ans. Il est inutile d’es­sayer de dire qui a pro­vo­qué qui, ou pire que tout, essayer de pré­tendre qu’un côté est moral et l’autre pas. C’est inutile – aus­si inutile de dire que l’on ne sou­hai­tait pas que l’ar­mée rouge batte Hit­ler au motif que Sta­line était un meur­trier, car Sta­line était bien un meurtrier.

Les grands évé­ne­ments de l’his­toire de l’hu­ma­ni­té sont por­teuses de tra­gé­die, et par­fois il faut faire des choix sur un autre cri­tère que « quel­qu’un de bien ».

Il faut consi­dé­rer l’is­sue pos­sible, à savoir si la défaite de Daesh est plus impor­tante que la défaite d’As­sad. Mais il faut aus­si regar­der la situa­tion géné­rale : pour­quoi l’empire veut-il le départ d’As­sad ? Quel régime aurait-il impo­sé en Syrie ? L’Irak et la Lybie sont-ils l’exemple ?

Les acteurs

L’état Syrien est un état laïc et la popu­la­tion est mul­ti-confes­sion­nelle

Le régime de Bachar El Assad est une dic­ta­ture où 15 à 20 000 per­sonnes auraient dis­pa­ru dans les pri­sons du régime, par­fois tor­tu­rées à mort. D’autres esti­ma­tions parlent de bien davan­tage, jusqu’à 10 fois plus.

La guerre en Syrie a com­men­cé en 2011. Il s’agit au départ d’une rébel­lion, à laquelle s’est jointe plus tard Daesh opé­rant en Irak.

Très vite, une coa­li­tion USA / OTAN, est inter­ve­nue mili­tai­re­ment pour ren­ver­ser El Assad en sou­te­nant la rébel­lion, au nom des droits de l’homme. La France fait par­tie de cette coalition.

Cette inter­ven­tion a pris la forme d’un sou­tien en armes aux rebelles et aus­si d’un enga­ge­ment mili­taire aérien sur le ter­ri­toire Syrien. Le tout accom­pa­gné d’une cam­pagne de pro­pa­gande sur les crimes d’El Assad, afin de jus­ti­fier cette ingé­rence (hors man­dat de l’ONU). De plus, les Etats-Unis auraient oeu­vré acti­ve­ment et secrè­te­ment au déclen­che­ment des troubles ini­tiaux (voir cette tra­duc­tion d’un article de Ame­ri­can Herald Tri­bune).

La Rus­sie s’est tenue à l’écart de cette guerre pen­dant 4 ans, jusqu’à sep­tembre 2015, date à laquelle le régime Syrien a deman­dé son aide. L’engagement russe est essen­tiel­le­ment aérien, mais des conseillers russes sont pré­sents en Syrie.

La Tur­quie inter­vient mili­tai­re­ment en 2016 pour occu­per le nord du ter­ri­toire Syrien, en zone Kurde. Elle est par ailleurs impli­quée dans le sou­tien à Daesh, notam­ment en écou­lant le pétrole exploi­té par Daesh

D’autres acteurs inter­viennent de manière plus ou moins marginale :

  • l’Arabie Saou­dite et le Qatar en temps que finan­ciers de Daesh et pour­voyeurs d’idéologie (école cora­niques etc.)
  • le Hez­bol­lah liba­nais et l’Iran qui sou­tiennent l’axe Russo-Syrie
  • Israël qui fait des incur­sions aériennes en Syrie contre le Hez­bol­lah, et qui sou­tien­drait secrè­te­ment Daesh
  • les kurdes, au nord de la Syrie, qui ont pro­cla­mé leur indé­pen­dance et reven­diquent un état Kurde à che­val sur Turquie-Syrie-Irak

Les rai­sons du conflit

Les Etats-Unis ont un but géo­po­li­tique.

  • Dans cette vidéo, H. Clin­ton explique com­ment les USA ont uti­li­sé l’arme reli­gieuse Wah­ha­bite avec les Saou­diens pour com­battre la Rus­sie en Afgha­nis­tan. Cette méthode sera réuti­li­sée une seconde fois, créant la guerre Tchét­chène sur le ter­ri­toire russe. Puis elle sera uti­li­sée une troi­sième fois dans un plan plus vaste, com­pre­nant la Syrie, pour consti­tuer une « cein­ture Isla­mique » autour de la Rus­sie et remo­de­ler le moyen orient.
  • Dans cette vidéo Wes­ley Clark, ex patron de l’OTAN, révèle ce plan, éla­bo­ré en 2001 sous l’administration Bush et pro­lon­gé par l’administration Oba­ma. Il consiste à liqui­der l’Irak, la Lybie, le Sou­dan, la Syrie, la Soma­lie et l’Iran, qui sont autant de régimes réfrac­taires à l’hégémonie US. L’objectif est pro­ba­ble­ment d’instituer des états (éven­tuel­le­ment redé­cou­pés), dociles et reli­gieux, propres à mena­cer la Russie.
  • Cette vidéo, montre que Daesh est une créa­tion US, confir­mant les révé­la­tions wiki­leaks. Celui qui parle est le Géné­ral Flynn, ancien patron de l’espionnage mili­taire US (DIA) et main­te­nant conseiller de Trump.

Les russes craignent une nou­velle guerre Tchét­chène chez eux; ils veulent donc contre­car­rer le plan US de cein­ture isla­mique, qu’ils consi­dèrent comme une menace mor­telle pour eux.

Enfin cette vidéo montre quels sont les inté­rêts com­mer­ciaux, liés aux gazo­ducs et oléo­ducs, impli­quant notam­ment le Qatar et l’Iran.

La Tur­quie, qui mène une lutte de longue date contre les kurdes de son ter­ri­toire, trouve dans ce conflit une occa­sion de frap­per la par­tie kurde Syrienne, mais c’est une inter­ven­tion d’opportunisme, étran­gère au déclen­che­ment de la guerre.

La bataille d’Alep

Seconde ville Syrienne et car­re­four stra­té­gique, Alep a été le théâtre du conflit dès le début, en 2012.

Il s’est consti­tué à l’Ouest une zone sous contrôle gou­ver­ne­men­tal Syrien, tan­dis que la par­tie Est est sous contrôle rebelle.

Cette situa­tion a per­du­ré jusqu’à ce que la zone rebelle à l’Est soit encer­clée, avec ses 100 000 ou 200 000 habi­tants, en sep­tembre 2016, avant de tom­ber le 15 décembre 2016.

  1. L’OTAN et nos médias nous disent que ce sont des “rebelles modé­rés” qui se battent contre Assad à l’EST. En fait c’est Al Nos­tra, proche de Daesh qui occupe cette par­tie de la ville. Al Nos­tra, la branche mili­taire d’Al Qae­da dont Fabius disait « qu’ils font du bon bou­lot ». Ce sont des membres d’Al Nos­tra qui ont égor­gé un gamin de 12 ans et publié cette igno­mi­nie sur le net. Ils ont pris le contrôle des rebelles et ins­ti­tué la cha­ria à Alep EST. Ces gens là sont armés par les EU et l’UE.
  2. Les civils qui sont à l’EST d’A­lep sont pris en otage par les ter­ro­ristes. Ils ne peuvent pas s’é­chap­per pour la rai­son que si une per­sonne s’échappe pour se réfu­gier à l’ouest, les ter­ro­ristes usent de repré­sailles contre leur famille ou amis. Le chan­tage les obligent à res­ter sur place. Ces civils sont coin­cés comme des rats pri­son­niers à Alep EST. C’est ce qu’on appelle les bou­cliers humains. Il a été rap­por­té des cas de civils abat­tus par les ter­ro­ristes lors des trêves huma­ni­taires, alors qu’ils uti­li­saient les cor­ri­dors pré­vus pour leur éva­cua­tion. Aucune des trêves orga­ni­sées, le plus sou­vent à la demande de la coa­li­tion, n’a per­mis l’évacuation des civils vou­lant fuir.
  3. Assad et Pou­tine pour libé­rer Alep EST bom­bardent cette par­tie de la ville, qui abrite les ter­ro­ristes et les otages civils inno­cents, qui sont entre les mains d’Al Nos­tra armés par les amé­ri­cains. Ils tuent donc au pas­sage des gens qui non seule­ment sont mar­ty­ri­sés par les ter­ro­ristes, mais qui subissent l’as­saut sur la ville.
  4. Les per­sonnes tuées pen­dant ces bom­bar­de­ments servent d’a­li­bi aux médias occi­den­taux pour dire que Assad et Pou­tine tuent des civils et sont des monstres, pen­dant que les amé­ri­cains pro­tègent les pre­neurs d’o­tage ter­ro­ristes. C’est d’une grande per­ver­si­té, d’autant que les médias passent sous silence les bom­bar­de­ment effec­tués au mor­tier par les “rebelles” sur la par­tie OUEST, plus peuplée.

On peut aus­si remar­quer l’absence d’in­di­gna­tion média­tique sur les opé­ra­tions de l’OTAN à Mos­soul en Irak (où c’est une artille­rie fran­çaise qui bom­barde et tue des civils), qui sont pour­tant de même nature que celles d’Assad à Alep.

  1. La recon­quête d’Alep en novembre et décembre 2016 a été pré­sen­tée par la pro­pa­gande occi­den­tale comme un mas­sacre des civils. Il a même été ques­tion de géno­cide. De son coté l’ONU fai­sait état de 85 vic­times… Cette pro­pa­gande mas­sive a mené au point que des mani­fes­ta­tions de sou­tien à la popu­la­tion “mas­sa­crée” d’Alep ont eu lieu notam­ment en France, avec extinc­tion de la tour Eif­fel, le jour où Alep fêtait sa libération !

La fin de cette bataille et de ce siège est très impor­tante au plan poli­tique et mili­taire. Pour autant la fin du conflit n’est pas en vue, même si depuis l’intervention russe on voit Daesh et les autres bandes armées rebelles recu­ler sur tous les fronts.

Les syriens

On estime à 400 000 le nombre de morts de cette guerre, tan­dis que le nombre de syriens dépla­cés dépasse lar­ge­ment le million.

Les forces loya­listes au régime d’Assad, mènent cette guerre depuis main­te­nant 4 ans; pour­tant ce régime ne s’est tou­jours pas effon­dré. La rai­son est que le peuple Syrien sou­tient Assad, parce qu’il repré­sente la péren­ni­té de l’Etat face au chaos que repré­sente Daesh.

C’est donc davan­tage un sou­tien à l’Etat qu’un sou­tien au diri­geant, et c’est aus­si un désa­veu à l’ingérence exté­rieure.

La posi­tion de Mélenchon

Contrai­re­ment aux allé­ga­tions de ses adver­saires, Il ne sou­tient pas Pou­tine incon­di­tion­nel­le­ment.

En géo­po­li­tique la notion de sou­tien est rela­tive. Ain­si, De Gaulle a pac­ti­sé avec Sta­line contre les amé­ri­cains et vice-ver­sa, par­fois dans le même temps !

À cause de Sar­ko­zy et Hol­lande, la France se retrouve inféo­dée à l’im­pé­ria­lisme US.

Mélen­chon consi­dère qu’il faut rééqui­li­brer la balance pour reve­nir à l’é­tat anté­rieur d’une France indé­pen­dante.

Il ne sou­tient pas Pou­tine bien au contraire car cer­tains de ses amis – le pré­sident du front de gauche russe – sont en pri­son. Il consi­dère que la Rus­sie, en tant que pays, devrait être un par­te­naire incon­tour­nable dans l’intérêt de la France.

Mélen­chon ne veut pas de rap­port de force avec la rus­sie et accuse l’europe de mener une poli­tique de pro­vo­ca­tion envers la rus­sie . Il agit de la sorte pour évi­ter une guerre qui pour­rait se déclen­cher en Europe.

Voir cette vidéo où Mélen­chon s’exprime sur la guerre, sur la Syrie et sur Alep

https://blogs.mediapart.fr/marcopol/blog/161216/la-syrie-alep-et-melenchon