On se souvient d’une double métaphore qui avait fait florès sur les ondes dans les décennies précédant la fin du bloc soviétique : « l’hôte de la Maison Blanche et le maître du Kremlin » était une formule rabâchée par les journalistes pour désigner les dirigeants respectifs des Etats-Unis et de l’URSS.
Au-delà de la réalité, et même si un Ronald Reagan n’était nullement moins autoritaire qu’un Gorbatchev, l’expression ressassée à souhait suggérait en filigrane qu’aux postes de commande des deux grandes puissances se trouvaient de part et d’autre un « gentil » et un « méchant », un champion de la liberté scrupuleusement respectueux de la démocratie face à un dictateur autocrate et tyrannique : la formule se suffisait à elle-même et dispensait son utilisateur de toute analyse plus poussée.
Difficile, au vu du résultat des dernières présidentielles états-uniennes, de recycler le procédé, mais on n’est à l’abri de rien …
Le « patron »
Dans un registre similaire, l’utilisation fréquente, par la presse écrite et parlée, du terme « patron de la CGT » pour désigner le secrétaire général de cette organisation mérite qu’on s’y arrête. Philippe Martinez n’est d’ailleurs pas le seul à être qualifié de la sorte, Jean-Claude Mailly, Laurent Berger, ses homologues de FO et de la CFDT, se voient affublés du même vocable.
Le choix du terme de « patron » pourrait sembler neutre, celui-ci pouvant passer pour un simple synonyme de « responsable », mais il n’est inoffensif qu’en apparence, car il s’y rattache des notions sous-jacentes et suggèrent des associations.
En effet, il renvoie immanquablement au fait qu’un patron est, le plus souvent, propriétaire de sa boutique et de ce fait seul maître à bord, en ces temps de maigre capacité d’intervention des salariés sur leurs lieux de travail : ce qui laisse à entendre que Philippe Martinez ferait de la CGT ce qu’il entend, et qu’il y dispose de tous les pouvoirs : bref, qu’à l’instar d’un chef d’entreprise, il règnerait sans partage.
En un mot, que les organisations syndicales sont dépourvues des règles démocratiques qu’elles revendiquent pourtant ailleurs.
Autre conséquence : puisque les dirigeants syndicaux sont des patrons, quel crédit peut-on encore leur accorder quand ils prétendent en combattre d’autres, les vrais et bien réels, ceux qui ont appelé de leurs vœux toutes les régressions sociales qui ne cessent de déferler ?
N’est-ce pas entacher un tant soit peu de doute leur volonté de contrer sincèrement ceux qui partagent le même rang hiérarchiquement supérieur, ce qu’atteste l’emploi d’une définition terminologique commune ?
Dirigeant syndical, un patron comme un autre, en somme : écho de l’élu politique voué à rejoindre les « tous pourris ».
Le choix des mots n’est décidément pas innocent.
Daniel MURINGER
Des militants de l’UD du Maine-et-Loire se sont penchés il y a trois ans sur les mots sources de brouillage idéologiques, tels les « charges » sociales en place de « cotisations ».
Après un premier volume, en voici un deuxième, et on savourera les deux exemples ci-dessous.
Les deux volumes sont disponibles à l’adresse ci-dessous, au prix de 2 euros par exemplaire.
UD CGT Angers 14, place Louis Imbach 49 000 Angers
02 41 25 3615
A commander en masse, tant le coût est dérisoire !
Extraits
PRIVILEGHIES: Un mot à double sens
Si vous êtes un lecteur assidu des hebdomadaires français,vous trouverez aisément la rengaine suivante :« Privilégiés ; ceux que la France subit ! ».
Qui sont-ils ? C’est bien connu : tout d’abord les fonctionnairesavec leurs salaires garanti, les assistés de tout poil avec les « bénéficiaires » des minima sociaux, les accidentés du travail qui l’ont bien cherché, et les chômeurs qui n’ont pas cherché etc., la liste est longue.
Les privilégiés pullulent.
Et puis il y a une deuxième catégorie : ce sont les ceusses qui savent bien se servir de l’oseille produite par nos soins.
Gardons toujours au fond de notre poche les chiffres suivants :
- 1 % de la population mondiale possède 50,1 % des ressources globales. Autrement dit
- 1 % possède autant que les 99 % restant.
- 10 % possèdent 86 % du gâteau.
- 50 % possèdent que dalle.
- les 40 % restant se « partagent » 14 % du gâteau.
L’argent ne fait pas le bonheur ? – Rendez-le !
Serons-nous obligés d’aller le chercher ?
CLIENT
Dénomination qui précède ou accompagne les privatisations d’un service public. Les dites privatisations se font au nom de la libre concurrence qui mettra fin à une situation de monopole en permettant une baisse des tarifs pour le consommateur.
C’est ainsi que les utilisateurs devenus clients ont puconstater combien la baisse liée à la libre concurrencese traduisait en fait par de fortes hausses qui pèsentde plus en plus sur leur budget.
Les actionnaires quant à eux se frottent les mains d’avoirautant de nouveaux clients.
Et si nous redevenions des usagers ?
Ouvrage édité par l’Union départementale CGT 49 (Maine et Loire) et la Commission Culturelle – Textes : Henri Uzureau, Jean Leroy – Graphisme et dessins : Collectif Au fond à gauche (Guillaume Lanneau – Bruno Charzat)- 2014.