« S’il déclare l’indépendance, le président catalan pourrait “finir” comme un de ses prédécesseurs ayant proclamé un Etat catalan ». Ces odieux propos du porte-parole du Parti Popular au pouvoir à Madrid, M. Casado, fait référence à Luis Companys qui a proclamé un « Etat catalan » le 6 octobre 1934, fut immédiatement arrêté puis fusillé en 1940 par Franco..
L’Espagne ne s’est évidemment pas débarrassée de tous les nostalgiques du franquisme et certains d’entre eux gouvernent le pays en n’ayant rien oublié des méthodes de leur Caudillo comme l’ont prouvé la violence des interventions policières pour empêcher la tenue du référendum.
Mais n’est-il pas étonnant qu’un affolement, certes et heureusement moins brutal, s’est emparé de toute l’Europe y compris en France devant l’annonce d’une éventuelle indépendance de la Catalogne. Comme si ces sept millions et demi de Catalans allaient mettre l’Europe à feu et à sang.
Tout comme le gouvernement espagnol, les instances européennes ne veulent pas voir le mouvement qui commence à s’étendre dans toute l’Europe.
Depuis deux siècles environ, les Etats-Nations ont été la matrice dans laquelle les citoyens s’organisaient. Mais ces Etats-Nations se sont construits au fil des années, bien souvent à la suite de conflits voire de guerres, et les frontières ont bougé sans arrêts.
Si aujourd’hui, au sein même de l’Europe, des mouvements indépendantistes se développent, est-ce uniquement l’émergence d’égoïsme régionaux ou l’expression d’un nationalisme de mauvais aloi ?
Nous sommes dans une crise de la démocratie. De moins en moins de citoyens votent, une grande majorité n’attend plus grand-chose des partis politiques et la population doute fortement de la capacité de leur gouvernement d’améliorer les choses.
En Espagne, il n’y a pas de majorité pour le Partido Popular, M. Rajoy gouverne en étant minoritaire ! Les Pays-Bas ont mis deux ans pour former un gouvernement car les électeurs n’ont donné une majorité à un parti. En France, M. Macron a recueilli moins de 20% de voix des inscrits au 1er tour de l’élection présidentielle et pourtant sa majorité n’hésite pas à considérer que « les Français » lui ont donné un mandat pour sa politique ! Y croient-ils eux-mêmes…
La démocratie représentative est dans une impasse et suscite de plus en plus de rejet.
Et l’Etat-Nation qui sert de cadre à cette démocratie représentative en crise, s’affaiblit. On peut se poser légitimement la question : les Etats nations qui ont pris le relais des régimes monarchiques, sont-ils immuables et éternels ? Une population ou une partie d’entre elles a-t-elle le droit de considérer que le cadre démocratique dans lequel elle vit ne lui plaît plus et en désire un autre ?
Faut-il blâmer ces peuples flamands, écossais, lombards, catalans, qui pensent ainsi ? Faut-il dialoguer avec eux ou bien faut-il les mettre à genoux, les contraindre, les menacer. « Si vous n’êtes pas gentils, on vous vire de l’Europe » ? tonne M. Juncker…
Il faut donc utiliser l’autoritarisme, voire la violence, pour maintenir les choses dans l’ordre. On peut raisonnablement penser que, désormais, la survie de l’Etat-nation est peut-être en question.
Peut-il survivre à une mondialisation effrénée qui bouleverse tout ce que les Etats Nations ont pu construire comme protection de leurs peuples ? Peut-il survivre pris entre la tenaille des décisions supranationales européennes et la volonté de plus en plus fortes des populations de vouloir être acteur de leur avenir et non seulement subir les décisions prises loin, très loin, de là où ils vivent, travaillent, s’amusent, se cultivent, s’aiment…
A ne pas vouloir ou pouvoir prendre en compte ces aspirations, les Etats-Nations auront de moins en moins d’attrait pour les citoyens.
La réponse est-elle dans la création de nouveaux Etats-Nations en démantelant ceux qui existent ? Ce n’est pas la voie qui est choisie partout.
Par exemple en Alsace : la constitution d’une région Machin-Truc qu’on appelle Grand Est a courroucé la majorité de nos concitoyens. Car c’est l’exemple même d’une décision de l’Etat-Nation sans la prise en compte une seule seconde des aspirations des populations. « On le fait car c’est notre bon vouloir » dit le président. Et quand une majorité d’Alsaciens demandent le retour à leur région,( pas à leur indépendance !), le gouvernement central répond qu’il n’est pas question de revenir sur la loi qui a créé le Machin-Truc.
Et voilà comment la démocratie de notre pays est ressentie : comme le fait du prince ! Croit-on vraiment que cela peut continuer indéfiniment ? Je crois qu’il n’y a qu’un moyen de se faire entendre au Palais de l’Elysée : que le peuple alsacien proclame son indépendance et les yeux du monde entier seront rivés sur l’Alsace…
Une pub pareille, cela ne se refuse pas !
Michel Muller