Dans le cadre des rencontres Voisins solidaires du Rhin supérieur, l’Alterpresse68 consacre une série d’articles sur les travaux qui se sont déroulés sur les deux jours, les 22 et 23 septembre dernier. Moment particulier : une conférence a été consacrée à des exemples concrets de « transition ». Dans tous les domaines (économie, social, santé, environnement, agriculture, alimentation…) des expériences sont conduites et ont donné lieu à des échanges forts intéressants et pertinents. De quoi tirer des enseignements des uns et des autres…
Laura Strauel relate le déroulement de cette conférence.
Dans un second article ci-dessous, André Barnoin réagit à la suite de la conférence consacrée aux chômeurs de plus de 45 ans…
La transition, c’est possible, mais comment ?
Die sozial-ökologische Transformation ist möglich, aber wie ?
Avec Gregory Baïotto, Vallée de Munster en Transition et Niklas Mischkowski, Gemeinwohlökonomie Freiburg
La Vallée de Munster en Transition est une association à but non lucratif fondée en 2012 portée par de multiples initiatives citoyennes. Grégory Baïotto a partagé avec nous le récit de ses expériences en terme d’intelligence collective qu’il a réalisées au travers de ses années de vie associative. Selon lui, la Vallée de Munster en Transition a entamé son réel épanouissement depuis la formulation d’un but partagé par l’ensemble de ses acteurs/trices : « être capable d’accueillir des crises et de développer son écologie intérieure »
Autour de cet objectif, s’articule une multitude de projets à la fois libres et cohérents entre eux. L’association se veut un outil et non un chef de file ; ainsi elle soutient un grand nombre de groupes autonomes menant des initiatives aussi variées qu’indispensables, telles l’habitat et l’énergie, l‘économie sociale et solidaire, l’agriculture et l’alimentation, la santé, le bien-être et la vision positive, la mobilité, l’éducation, la fête etc.
La Vallée de Munster en Transition promeut le changement et l’innovation par et pour la citoyenne et le citoyen. Ce qui lui est important, c’est la responsabilisation de chacune/chacun, afin de pouvoir réellement s’approprier la transition.
Pour aller plus loin : http://munstertransition.org ;
Rob Hopkins, Serge Mongeau, Michel Durand : Le Manuel de transition ;
Le premier mouvement citoyen de « Ville en Transition » à TOTNES (Grande-Bretagne) ;
http://www.transitionfrance.fr/
Niklas Mischkowski a présenté le concept de la Gemeinwohl-Ökonomie – éq. l’économie du (bien) commun – un mouvement né en 2011 sur le territoire germanophone et qui s’étend aujourd’hui à une grande partie de l’Europe et de l’Amérique Latine.
Ce concept ingénieux, s’inscrivant dans la révolution douce, veut engendrer un processus démocratique et participatif allant vers une économie mondiale écologique et humaine. En s’appuyant sur une coopération socio-politico-économique (particuliers– élus-entreprises) il a pour objectif de replacer l’économie au service du bien-être commun.
Concrètement cela se traduit par l’élaboration d’un bilan d’entreprise selon cinq critères : la dignité humaine, la solidarité, la durabilité écologique, la justice sociale ainsi que la participation démocratique et la transparence.
Ce « bilan du bien-être commun » (Gemeinwohlbilanz) est publié et, s’il est positif, donnera lieu à des avantages économiques (marché, impôts, crédits…) lorsque, à terme, le concept sera reconnu sur le plan politique. Afin d’atteindre leur objectif, les délégations régionales de la GWÖ démarchent pour une coopération à la fois avec des entreprises (PME et autres) et des élus locaux (communes, com-com, régions). Actuellement ce sont 2 000 entreprises dans le monde – 400 en Allemagne – qui font dresser un « bilan du bien-être commun ». Les régions Baden-Württemberg et Süd-Tirol (Italie) ainsi que les villes Stuttgart et Valencia (Espagne) sont également partenaires.
Pour aller plus loin : http://freiburg.gwoe.net/ (allemand)
Christian Felber : Gemeinwohlökonomie ou L’économie Citoyenne
Ce qui a marqué les esprits (notamment celui de Roger Winterhalter et le mien) c’est la complémentarité des deux témoignages, positionnés à des niveaux différents (citoyen et économiste) et œuvrant pour une même cause, celle de l’épanouissement humain, environnemental, mais aussi économique. On en retiendra l’importance d’une implication de chacun/e – sans jugement de valeur – et d’une coopération entre les domaines professionnels et les classes sociales. Rappelons-nous : l’union fait la force !
Laura Strauel
ETRE CHOMEUR EN ALLEMAGNE : UN EXEMPLE POUR LA FRANCE ?
Une des conférences lors des journées « Voisins solidaires » était consacrée au « Chômage des plus de 45 ans ». Thème hautement intéressant car on a coutume de traiter le chômage dans sa globalité et cela se comprend. Parfois on aborde la question sous l’angle du chômage des jeunes mais rarement le sort de ceux qui n’ont pas d’emploi et qui ne sont ni jeunes, ni seniors… Or, cette tranche d’âge souffre peut être plus que beaucoup d’autres de la situation dans laquelle elle se trouve quand elle est projetée dans le chômage. Les représentants allemands lors de l’initiative Voisins solidaires ont évoqué leur expérience en la matière… expérience oh combien précieuse pour les Français qui ont élu un président qui voit dans le modèle social allemand l’exemple à suivre.
André Barnoin, responsable du Groupe de Chômeurs et Précaires de la Maison de la Citoyenneté Mondiale de Mulhouse, réagit après avoir suivi cette conférence:
« Quelques fois, dans la presse, on évoque à travers « L’enfer du miracle allemand », comment un pays prospère peut organiser l’ostracisme d’une part importante de sa population en lui faisant porter la responsabilité de son malheur, tout en lui ôtant les moyens de prendre son destin en mains, tout cela par absence de partage équitable de la richesse produite entre détenteurs du capital et créateurs de cette richesse, c’est-à-dire les salariés et celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre, quel que soit leur statut économique et administratif.. .
La situation vécue par des millions de chômeurs et « travailleurs pauvres « allemands a été confirmée sans ambiguïté lors du colloque « Voisins Solidaires » qui a eu lieu au PAX de Mulhouse ce vendredi 22 septembre. Parmi les invités allemands, suisses et français, un retraité syndicaliste de Ver.Di nous a fait part de son expérience personnelle qui contredit radicalement les affirmations intéressées des médias français (qui appartiennent presque tous à des milliardaires, allez savoir pourquoi..;) et des hommes politiques acharnés à poursuivre une politique dévastatrice de droits sociaux sans aucune contrepartie positive pour l’ensemble de la population hormis la frange la plus fortunée.
Pour ceux-là, Macron est un véritable Père Noël, à défaut de l’être pour les salariés menacés de perdre leur activité, et le syndicaliste en question a bien insisté sur le parallèle entre les mesures Harz IV appliquées depuis des années chez eux, et les dernières réformes entreprises par Macron. Il a dit avec force qu’il espérait que les syndicats et le mouvement social français seraient plus combatifs qu’ils ont pu l’être eux-mêmes pour s’opposer à ces réformes catastrophiques et il a appelé de ses voeux une convergence internationale accrue des luttes en direction des instances européennes. Notons que cette réforme menée à la hussarde, l’a été par une coalition de socialistes (SPD) et d’écologistes (Grünen), ce qui ne nous dépayse pas trop !
Allons bon ! Voilà que les Allemands eux-mêmes se montrent « fainéants, cyniques et extrêmes », comme je n’ai pas manqué de le souligner lors de mon intervention au titre de représentant d’une association de grincheux français, le MNCP (Mouvement des Nuls Cyniques et Paresseux) et on ne peut même pas m’opposer l’argument de la contagion du pessimisme hexagonal, puisque dans le cas qui nous occupe, nos voisins ont le bénéfice de l’antériorité en matière de régression sociale et de grincements concomitants, pas trop relayés par leur presse non plus, mais qui sont tout de même audibles à qui a l’oreille fine…!
Cela n’enlève rien à la nécessité d’aider par tous les moyens possibles les personnes en butte à la précarité, et qu’on ne peut laisser se débattre seules face à l’urgence et à la kafkaïsation des services sociaux . Mais on ne pourra indéfiniment éluder la cause première des difficultés que rencontre une part de plus en plus importante de la population partout dans le monde, c’est le mantra de la « baisse du coût du travail », qui est en fait l’appauvrissement continu de ceux qui ont le « privilège » d’occuper un emploi rémunéré jusqu’à ce qu’ils consentent à travailler au tarif éthiopien, qui est en train de détrôner le Chinois qui est devenu trop exigeant, le bougre ! afin d’augmenter sans cesse les marges des « apporteurs de capitaux » à qui tout est permis et qui se comportent comme des enfants gâtés jamais assez dorlotés.
Il est trop facile de faire porter la responsabilité de l’insécurité sociale sur les comportements individuels. La responsabilité de ceux qui prennent la décision d »abaisser la protection des travailleurs n’est jamais questionnée, ni pointée du doigt, et pourtant c’est bien eux qui ont le pouvoir de prendre des décisions qui engagent la vie de tout le monde, alors que nous n’avons aucun pouvoir sur la leur. Et je note enfin que si ces messieurs-dames sont prompts à faire la morale tous azimuts, ils savent fort bien nous rappeler que le monde des affaires est « amoral », donc peut se permettre de dévaster la vie des autres au nom du principe que « les affaires sont les affaires », mais qu’il ne faut en aucun cas faire appel à leur conscience ni à leur solidarité, sponsorisant les uns mais étranglant les autres, et qu’ils ne se montrent « généreux » et « bienveillants » , que sous la peur d’une déflagration sociale généralisée.
A ce stade de ma réflexion, je crois qu’il est grand temps que le monde associatif sans lequel la France ne serait plus depuis longtemps qu’une jungle vouée à la domination sans partage des puissances d’argent, se montre plus offensive vis-à-vis de ceux qui tiennent les clés du coffre et distribuent au compte-goutte les moyens de sa survie à la majorité de la population, tout en exposant les 1% des plus favorisés au risque de se faire éclater la panse à force de se gaver… Et je ne tiens en aucun cas à ramasser les boyaux épars de ces goinfres shootés à la finance, même en cas de réquisition de l’autorité publique !
Il n’y a pas de fatalité, il n’y a que des fatalistes !
( Je crois que c’est de moi, mais si quelqu’un l’a dit avant, je veux bien lui payer des droits d’auteur ! )
André Barnoin, dit Dédé