Toute la presse en parle- FR3 Alsace, Radio Bleu Alsace, 20minutes.fr, portail.free.fr, et j’en passe, en débutant
par Reporterre- qui a lancé l’affaire, après deux ans d’études, mesures et autres enquêtes,
Ou, mais de quoi parlent ces sources diverses et variées, chambre d’écho de cet article foncier? D’une épidémie
de décès (techniquement, on dit épizootie quand on parle d’animaux, mais tout le monde ne connaît pasami.
e lecteur.trice, tu es gâté.e sur le site de l’Alterpresse, tu enrichis même ton lexique!)

PRÉCISION.

Une lec­ture cur­sive de l’ar­ticle «Le ranz des vaches» pour­rait lais­ser l’im­pres­sion que le jour­nal en ligne Reporterre
aurait décou­vert l’af­faire de cet empoi­son­ne­ment sur des vaches- qui n’a­vaient rien deman­dé, elles- et aurait dévoi­lé à
l’at­ten­tion de son lec­to­rat ébau­bi, et pas­sa­ble­ment cho­qué, cette atteinte à l’en­vi­ron­ne­ment, de même que la sourde
menace qui pèse sur notre ali­men­ta­tion ‚voire même sur notre flux vital.
Rien ne serait plus erro­né, et ce pour deux raisons: 

1°) c’est grâce aux connais­sances scien­ti­fiques et à l’engagement
de Michael Loe­ckx que cette affaire a pu être ini­tiée et mise en route (je n’o­mets pas le fait qu’il ait été mené à se pencher
sur cette pol­lu­tion par sa connais­sance, Franz Bau­mann, de la Confé­dé­ra­tion pay­sanne, mais cet intéressement
s’est fait grâce à sa seule com­pé­tence, et non par un pacte de copains)- on pour­ra juger de cet enga­ge­ment en répétant
les dires même de M. Loe­ckx, inter­ro­gé au télé­phone, qui me pré­ci­sa: «J’ai réa­li­sé cette enquête à mes frais»- entre­tien du 28
novembre, 11h 38).

2°) j’ai un peu honte à le révé­ler, je ne tire pas sur un confrère, mais le jour­na­liste en ques­tion avait pas­sé un pacte
avec M. Loe­ckx, aux termes duquel il devait attendre la fin de la confé­rence de presse du col­lec­tif au Cercle St-Thiébaut
de Thann, le 9 novembre der­nier en mati­née, ce qu’iln’a pas fait. Dont acte.
Il faut rendre à cha­cun son dû, et le sou­li­gner ne fait que rendre jus­tice à chacun.
Atten­tion à la suite, c’est pour bientôt!

L’o­ri­gine

Mais de quoi donc parle-t-on en abon­dance? Du décès, pour l’ins­tant inex­pli­qué, d’un chep­tel de vaches, d’un agri­cul­teur de Rode­ren (Haut-Rhin), à quelques kilo­mètres au-des­sus de la val­lée de Thann- ville du siège de la sous-pré­fec­ture et de deux sites chimiques.

Or donc, en 2004, Pas­cal Wol­fer­per­ger, éle­veur, fonde le Gaec des Col­lines avec un asso­cié, Pas­cal Bian­chi. À par­tir de 2014, les symp­tômes appa­raissent: les vaches sont atteintes d’une sorte de grippe ou d’allergie se tra­dui­sant par un écou­le­ment de nez très fort, un (ou des) abcès près de la tête et/ou du cou, puis par des défaillances neurologiques.

Des 140 vaches de départ, il n’en res­tait plus qu’une tren­taine fin 2016. Dans ce cas-là, l’é­le­veur se pose des ques­tions, demande autour de lui, fait venir le vété­ri­naire, le paie (ce qui n’est pas don­né- pour une consul­ta­tion d’un ani­mal de com­pa­gnie, le vété­ri­naire demande 39 €; pour une vac­ci­na­tion de chien ou de chat, cela fera 45 de plus; pour une vache, la moindre consul­ta­tion avec dépla­ce­ment {sans ana­lyse] est fac­tu­rée 60 €…).

L’é­le­veur, lui, ne res­sent aucun malaise cor­po­rel. L’en­quête se met alors en marche: Mr Wol­fens­per­ger veut savoir ce qui se passe avec ses vaches, son gagne-pain, on parle là d’une pro­duc­tion annuelle de 500 000 litres de lait, ce n’est pas rien!

En 2014, il déplore une ving­taine de décès, «sans expli­ca­tion plau­sible, cau­sant des pertes de reve­nus et d’importants frais vété­ri­naires». Un col­lègue agri­cul­teur du même vil­lage, Franz Bau­mann, membre de la Confé­dé­ra­tion pay­sanne, est aler­té par un
habi­tant. Mr Bau­mann fait le relais auprès d’as­so­cia­tions de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment (Alsace Nature, Acces [Actes Citoyens pour une Consom­ma­tion Eco­lo­gique et Soli­daire], suc­ces­seur de NIHA, et alias).

Etape sui­vante: contac­ter les ser­vices de l’E­tat, par le biais de la sous-pré­fec­ture; celle de Thann n’é­tant pas dis­po­nible (le poste est alors vacant), c’est celle d’Alt­kirch qui prend le relais. Est alors man­da­tée la Dreal (Direc­tion Régio­nale de l’En­vi­ron­ne­ment, del’A­mé­na­ge­ment et du Loge­ment- http://www.bas-rhin.gouv.fr/Servicesde-l-Etat/Presentation-des-services/Unites-Territoriales-UT/DREAL-Alsace#), qui man­date l’As­pa, une asso­cia­tion oeu­vrant sur les mesures de la qua­li­té de l’air.

Pour cette pre­mère cam­pagne, aucun résul­tat pro­bant n’est détec­té. Il va fal­loir per­sé­vé­rer. Entre­temps, un nou­veau sous-pré­fet est nom­mé à Thann, et ses ser­vices reprennent le sui­vi de l’affaire.

Les mesures bis

Au niveau des orga­ni­sa­tions éta­tiques, c’est l’I­ne­ris (https://www.ineris.fr/fr) qui prend le relais, sans plus de résul­tats; elle s’est atta­chée à mesu­rer (on dit ‘inves­ti­guer’, angli­cisme mal­adroit…) l’air, l’eau, les sols, la cir­cu­la­tion  des vents, l’a­li­men­ta­tion des bêtes, bref, la totale- et, dans ces domaines, la pré­sence de titane, de cad­mium et de tungs­tène. Mal­gré ces mul­tiples ana­lyses, dont celles del’I­né­ris (cf.supra) et des ser­vices vété­ri­naires du dépar­te­ment, rien n’a per­mis d’identifier les causes pos­sibles de cette mortalité.

La der­nière en date, en juin 2017 et opé­rée par la sous-pré­fec­ture de Thann, n’a rien révé­lé de déter­mi­nant non plus. Une ques­tion est sou­le­vée: serait-ce l’emplacement? Une par­tie du Gaec est situé sur le site d’une ancienne décharge, com­blée depuis, bien sûr, et il pour­rait y avoir comme des remon­tées de gaz, après toutes ces années, ce qui arran­ge­rait bien les choses. Pas besoin de cher­cher autre part…

L’aide exté­rieure

Franz Bau­mann décide alors de faire appel à Michael Loe­ckx, scien­ti­fique for­mé au jour­na­lisme, consul­tant en envi­ron­ne­ment (http://milou.org/news/), qu’il connaît depuis long­temps. «On a mis en place un pro­gramme d’analyse de recherches, de l’air, de fourrage…». 

Pen­dant ce temps, les vaches conti­nuent de périr. «Elles avaient tou­jours les mêmes symp­tômes- un écou­le­ment de nez très fort, puis un abcès près de la tête et du cou, des défaillances neu­ro­lo­giques, avant de dépé­rir et de mourir».

Avec l’aide de l’u­ni­ver­si­té de Berne, il abat deux bêtes, dont il emmène les car­casses en labo­ra­toire pour en pré­le­ver les organes, et ne constate aucun pro­blème d’ordre bio­lo­gique (virus, bac­té­rie ou autre para­site). «En revanche, on a pu démon­trer que les pro­blèmes ren­con­trés par les ani­maux pro­ve­naient de l’inhalation d’un pro­duit toxique pré­sent dans l’atmosphère de manière chro­nique», révèle le scientifique.

M. Loe­ckx veut s’assurer que les pra­tiques de l’agriculteur ne sont pas en cause dans cette conta­mi­na­tion. Ils trouvent du titane en grande quan­ti­té. Serait-ce un rési­du de l’usine Cris­tal, voi­sine de quelque 4 kilomètres?

Des nano­par­ti­cules en grande quantité

Ce n’est pas une véri­table expli­ca­tion, mais c’est une piste. «L’étape d’après, c’était donc d’analyser l’atmosphère beau­coup plus fine­ment. On a fait des ana­lyses d’air avec des filtres spé­cia­li­sés pour le cap­tage des nano­par­ti­cules. C’est là que l’on s’est ren­du compte que les nano­par­ti­cules de dioxyde de titane étaient pré­sentes en grande quan­ti­té», conclut M. Loe­ckx. Impos­sible de détec­ter ces nano­par­ti­cules de titane dans les organes des vaches- ques­tion de moyens tech­niques, pas encore au point, selon le jour­na­liste scientifique.

L’in­ter­ven­tion – mesu­rée – de l’Etat

Pen­dant ce temps- éta­lée sur dix-huit mois, est deman­dée par les ser­vices de l’E­tat une cam­pagne de mesure des rejets gazeux de l’u­sine. La demande, for­mu­lée en 2015, devait être com­plé­tée pour février 2017; elle a été com­mu­ni­quée par le site chi­mique en juillet de la même année, et n’ a été relayée auprès du col­lec­tif de défense
qu’en novembre, tout récem­ment donc…

Le site et sa production

Qu’est-ce que Cris­tal? Sur son site d’en­tre­prise (en techs­peak, cor­po­rate), Cris­tal se pré­sente comme le second plus gros pro­duc­teur ‘glo­bal’ de dioxyde de titane, le pre­mier pro­duc­teur mon­dial de dioxyde de titane ultra­fin et de pro­duits chi­miques à base de titane, un des fers de lance des pro­duits spé­cia­li­sés à base de titane et –  enfin – un des pro­duc­teurs en plein essor de sables miné­raux et de poudre métal­lique de titane.

C’est un pig­ment blanc, pro­duit depuis 1922 dans l’usine, sub­stance chi­mique inerte sous sa forme nor­male. Il est uti­li­sé pour ses pro­prié­tés d’opacité, de blan­cheur et de brillance, dans la nour­ri­ture, la pein­ture, les revê­te­ments ou les plas­tiques: on en trouve dans une foule de pro­duits, de l’élec­tro­nique aux médi­ca­ments, en pas­sant par la confi­se­rie: c’est le « colo­rant E 171 ».

Seule­ment voi­là, depuis une dizaine d’années, l’industrie du dioxyde de titane s’est mise à la pro­duc­tion de titane sous forme de nano­par­ti­cules, on parle là de l’échelle d’une cellule.

Les nano­par­ti­cules

Pour être plus pré­cis, 1 mil­li­mètre- mm, c’est un mil­lième de mètre (1/1000° m), 1 micron- μm, est 1 mil­lio­nième de mètre (1/1 000 000° m), et 1 nano­mètre- nm, est 1 mil­liar­dième de mètre (1/1 000 000 000 °m). Selon la norme ISO TS/27687, une nano­par­ti­cule est un nano-objet dont les trois dimen­sions sont à l’é­chelle nanométrique,

Cette échelle est celle de l’atome, la brique élé­men­taire de toute matière. Ain­si Il existe la même dif­fé­rence pro­por­tion­nelle de taille entre un atome et une balle de ten­nis qu’entre une balle de ten­nis et la pla­nète Terre.

Mais reve­nons à nos vaches: Chose à remar­quer: les vaches, une fois malades, ont été dépla­cées sur un autre site d’é­le­vage de l’as­so­cié dudit Gaec, à Flax­lan­den, et se sont remises. Il y a donc un lien avec le lieu, ce n’est pas une épizootie!

La démarche rigou­reuse, à la suisse

Michael Loe­ckx veut s’assurer que les pra­tiques de l’agriculteur ne sont pas en cause dans cette contamination.

Grâce à l’exa­men des deux vaches abat­tus volon­tai­re­ment, « on a pu démon­trer que les dif­fi­cul­tés ren­con­trées par les ani­maux pro­ve­naient de l’inhalation d’un pro­duit toxique pré­sent dans l’atmosphère de manière chro­nique», dévoile le scien­ti­fique. « Dans toutes les ana­lyses, du baryum et du titane ont été retrou­vés, ce qui a entraî­né chez les bovins des bles­sures dans les pou­mons et dans le sys­tème res­pi­ra­toire. On pense que les nano­par­ti­cules ont un effet délé­tère pour les vaches », explique-t-il.

«L’étape d’après, c’était donc d’analyser l’atmosphère beau­coup plus fine­ment. On a fait des ana­lyses d’air avec des filtres spé­cia­li­sés pour le cap­tage des nano­par­ti­cules. C’est là que l’on s’est ren­du compte que les nano­par­ti­cules de dioxyde de titane étaient pré­sentes en grande quan­ti­té», conclut M. Loeckx.

Impos­sible de détec­ter ces nano­par­ti­cules de titane dans les organes des vaches… ques­tion de moyens tech­niques, pas encore au point, selon le jour­na­liste scientifique.

«En revanche, on a trou­vé du tungs­tène, et ce pro­duit ne peut pro­ve­nir que des nano­par­ti­cules incri­mi­nées». Conclu­sion: «La pro­ba­bi­li­té la plus grande est que cela vienne de l’usine».

L’u­sine Cristal

L’usine de Thann, située à quelques kilo­mètres de la ferme, emploie 244 sala­riés et est un des sept sites de pro­duc­tion de dioxyde de titane de l’entreprise Cris­tal, second plus gros pro­duc­teur mon­dial de cette sub­stance, après avoir acquis Mil­le­nium Inor­ga­nic Che­mi­cals en 2004 pour 1,3 mil­liards de dol­lars. Cris­tal est ain­si deve­nu un acteur de poids (on parle d’une pro­duc­tion de plus de 4 mil­lions de tonnes pour le monde entier, et cela ne fait que se développer).

Tas­nee, sa struc­ture mère, est une socié­té par actions cotée déte­nue à 79% par le fonds natio­nal d’in­ves­tis­se­ment indus­triel saou­dien, à 20% par la Cor­po­ra­tion d’In­ves­tis­se­ment du Golfe per­sique (déte­nue à fonds égaux par les six pays com­po­sant le Conseil de Coopé­ra­tion du Golfe (Ara­bie saou­dite, Bah­rein, Emi­rats Arabes Unis, Koweit, sul­ta­nat d’O­man et Qatar) et le 1% res­tant est un inves­tis­seur privé.

Depuis une dizaine d’années, l’industrie du dioxyde de titane s’est mise à pro­duire le pro­duit sous forme de nano­par­ti­cules- on parle de l’échelle d’une cellule.

Et – coïn­ci­dence, for­tuite ou pas, que relève Michael Loe­ckx – les vaches ont com­men­cé à tom­ber malades au moment où l’usine a inten­si­fié sa pro­duc­tion de nanoparticules.

Un drame social

Après avoir ven­du ses der­nières vaches début 2017, Pas­cal Wol­fens­per­ger, confron­té à de graves dif­fi­cul­tés finan­cières, s’est recon­ver­ti dans la culture des céréales. Son asso­cié, Pas­cal Bian­chi, lui, s’est reti­ré de l’affaire.

Désa­bu­sé, l’a­gri­cul­teur veut bien croire à un dénoue­ment pro­chain de ce mau­vais feuille­ton: il n’a pour l’ins­tant per­çu aucun dédom­ma­ge­ment en rai­son des pertes qu’il a subies. Si ce der­nier n’a pas tenu à se pro­non­cer sur la res­pon­sa­bi­li­té de l’usine, les résul­tats de l’enquête ne semblent lais­ser aucune place au doute.

Le pro­blème est que l’on com­mence seule­ment à appré­hen­der les effets de ces nano­par­ti­cules, omni­pré­sentes et toti­po­tentes: dans l’alimentation, les pein­tures, les tex­tiles, les cosmétiques…une bras­sée d’usages «inquié­tante», selon les décla­ra­tions d’An­dré Cico­lel­la, toxi­co­logue et pré­sident de l’association Réseau envi­ron­ne­ment san­té, au jour­nal l’Usine nou­velle: «Sous forme nano­mé­trique, le dioxyde de titane passe à tra­vers la peau et la molé­cule peut ain­si aller se loger un peu par­tout, y com­pris dans le cerveau».

En jan­vier 2017, une étude de l’Inra (Ins­ti­tut natio­nal de la recherche agro­no­mique) par­ve­nait à démon­trer la noci­vi­té de ces nano­par­ti­cules sur le rat- sans tou­te­fois que ces résul­tats puissent être extra­po­lés à l’homme.

Les cher­cheurs mon­traient que des nano­par­ti­cules de l’E171 pénètrent la paroi de l’intestin et se retrouvent dans l’organisme des rats, pro­vo­quant des troubles du sys­tème immu­ni­taire et géné­rant des effets cancérogènes.

Les res­pon­sa­bi­li­tés diluées, for­cé­ment diluées

Les res­pon­sables de l’usine contac­tés par France Bleu Alsace ont affir­mé être très sur­pris par cette enquête.

Selon eux, leur entre­prise n’a jamais été mise en cause, ni par les études offi­cielles réa­li­sées par les ser­vices de l’É­tat (Ineris et ser­vices vété­ri­naires locaux), ni par celles de la Chambre d’A­gri­cul­ture (pour celle-ci, les études por­taient sur le lait)*. Le mys­tère res­te­rait entier.

L’industrie du dioxyde de titane entre­tient d’ailleurs savam­ment la confu­sion entre usage «clas­sique» du dioxyde de titane et uti­li­sa­tion sous forme nano­mé­trique. Sur le site de la Tita­nium Dioxide Manu­fac­tu­rers Asso­cia­tion (Asso­cia­tion pro­fes­sion­nelle [équi­va­lant à un syn­di­cat, mais avec d’é­normes moyens, finan­ciers entre autres, très com­modes pour le lob­bying] des fabri­cants de dioxyde de titane), la ques­tion des nano­par­ti­cules est rare­ment abor­dée, à part dans la sec­tion «nour­ri­ture», pour une brève men­tion de leur «grande rareté».

Une plus grande part, même dis­crète, est uti­li­sée pour – je cite – «s’é­ton­ner et se déso­ler de l’ins­crip­tion du dioxyde de titane comme agent car­ci­no­gène par la direc­tive Reach».

Une éva­lua­tion objec­tive a enfin été réa­li­sée par l’Anses (Agence natio­nale de sécu­ri­té envi­ron­ne­men­tale et sani­taire); les indus­triels concer­nés ayant long­temps refu­sé d’apporter les don­nées deman­dées (sous diverses rai­sons, la plus usuelle étant… le risque d’es­pion­nage indus­triel, si, si!), avaient par­tiel­le­ment obte­nu gain de
cause auprès de la Com­mis­sion Euro­péenne (tant décriée, et à juste titre), ce qui n’a fait que retar­der cette éva­lua­tion de l’in­dus­trie du dioxyde de titane: elle a par­tiel­le­ment eu lieu en 2014.

Les nano­par­ti­cules de ce pro­duit étaient donc uti­li­sées lar­ge­ment avant même leur éva­lua­tion par les États.

Soutien…ou pas

Un sou­tien des ser­vices de l’État, c’est jus­te­ment ce qu’aimeraient les asso­cia­tions et les agri­cul­teurs qui se sont sai­si de la situa­tion du Gaec des Col­lines. «Des réunions se font avec la sous-pré­fec­ture depuis long­temps. Les ser­vices de l’État sont au cou­rant», expliquent Franz Bau­mann et Régis Absolu.

L’Ineris, aler­té du pro­blème, a d’ailleurs mené des enquêtes fin 2016 sur le site du Gaec des Col­lines. Sa conclu­sion est qu’«à ce jour, aucune source n’a été iden­ti­fiée et aucune matrice envi­ron­ne­men­tale inves­ti­guée ne pré­sente des concen­tra­tions anor­males sus­cep­tibles de
dégra­der la san­té du chep­tel». L’Ineris ren­voie à la pos­si­bi­li­té d’une pol­lu­tion du fait de l’existence anté­rieure d’une décharge sur le site de la ferme… et pro­pose comme futures pistes de se pen­cher sur les acti­vi­tés indus­trielles de la val­lée de Thann.

Un impact sur les humains?

C’est jus­te­ment autour de l’usine Cris­tal que devraient se por­ter les inter­ro­ga­tions. «Les res­pon­sables ne se sont pas mani­fes­tés mal­gré deux ans qu’on tourne autour», regrette Franz Bau­mann. «On nous a racon­té des salades», ajoute- t‑il, tout en refu­sant d’aller plus loin dans ses expli­ca­tions. «On ne peut pas éta­blir de manière exacte une rela­tion de cause à effet, mais on joue notre rôle de lan­ceur d’alertes. Cela doit ame­ner l’État à prendre le sujet au sérieux et à faire un véri­table tra­vail d’enquête com­plé­men­taire à celui que nous avons fait. Si ces nano­par­ti­cules se sont bala­dées dans la nature, quel est l’impact sur la popu­la­tion civile? Si elles sont capables de mettre une vache au tapis, que pour­raient-elles faire sur les humains?» s’interroge l’agriculteur. «Tout ce que l’on sait, c’est ce que ces par­ti­cules n’ont rien à faire là».

Le col­lec­tif, très actif, a com­mu­ni­qué les résul­tats de son enquête le lun­di 6 novembre der­nier au Cercle St-Thié­baut à Thann. Ce que sou­ligne ce col­lec­tif, ce sont les len­teurs accu­mu­lées, les réti­cences mesu­rées à com­mu­ni­quer, la mau­vaise volon­té évi­dente des dif­fé­rentes par­ties enga­gées face à la situa­tion malencontreusement
dra­ma­tique d’un agri­cul­teur, pri­vé de son outil de tra­vail, et d’une cer­taine mau­vaise foi, disons-le tout net: le prin­cipe de pré­cau­tion s’ap­plique dans un seul sens.

A la ques­tion légi­time de l’ex­ploi­tant agri­cole sur les dan­gers encou­rus pour lui-même, ou toute autre per­sonne tra­vaillant dans l’é­table concer­née, il lui est répon­du par les ser­vices vété­ri­naires de «veiller à ne pas res­ter trop long­temps en effet dans l’es­pace clos; par contre, le lait récol­té est com­mer­cia­li­sable, car il se fon­dra dans le volume et sera ain­si neu­tra­li­sé»- ce qui devrait évi­ter toute prise en charge par l’E­tat? Gageons que la der­nière page n’est pas encore tour­née, et atten­dons la suite. Que nous ne man­que­rons pas de vous relater…

Georges Schaff­ner

[On appelle nano­par­ti­cules des par­ti­cules de matière de quelques mil­lio­nièmes de mil­li­mètre. Ce sont des par­ti­cules ultra-fines (PUF*), dont au moins une dimen­sion est com­prise entre 1 et 100 nano­mètres, nm (ou mil­liar­dième de mètre). Leurs pro­prié­tés phy­siques, chi­miques et bio­lo­giques découlent spé­ci­fi­que­ment de
cette taille nano­mé­trique. Les NPs sont très pré­sentes dans notre envi­ron­ne­ment, notam­ment le noir de carbone,

* Les par­ti­cules ultra-fines (ou PUFs) sont des par­ti­cules de taille nano­mé­trique (moins de 0,1 μm ou 100 nano­mètres de dia­mètre), si ténues qu’elles se com­portent comme des gaz. Elles ont des ori­gines soit natu­relles (incen­dies de forêt, vol­ca­nisme, éro­sion éolienne) soit anthro­piques, déri­vant des acti­vi­tés humaines (échap­pe­ment des moteurs et chau­dières, raf­fi­ne­ries, usure de pneus, pein­tures, freins et autres sources méca­niques, sou­dure et autres sys­tèmes fonc­tion­nant à haute tem­pé­ra­ture, lavages, etc.).

Les PUFs contri­buent très peu à la masse glo­bale des pol­luants de l’air de par leur ténuité/petitesse, mais elles sont domi­nantes en nombre de par­ti­cules; leur rôle est majeur dans les effets des pics de pol­lu­tion et de la pol­lu­tion chro­nique, en rai­son de leur quan­ti­té, de leur sur­face spé­ci­fique et de leur capa­ci­té à péné­trer profondément
dans le pou­mon, entre autres organes, puuis à tra­ver­ser la bar­rière pul­mo­naire. Dans le domaine de la san­té envi­ron­ne­men­tale, c’est une caté­go­rie majeure de pol­luant dans l’ex­po­si­tion res­pi­ra­toire à la pol­lu­tion et en ce qui concerne les effets sur la santé.
Bien plus petites que les classes de par­ti­cules régle­men­tées (PM10 et PM2.5), et bien qu’elles soient sus­pec­tées d’avoir des effets graves sur la san­té (car bien plus agres­sives à masse égale que les classes de par­ti­cules plus impor­tantes), elles ne sont pas encore réglementées.

Selon le Pr Ghe­rar­di, neu­ro­pa­tho­lo­giste, chef de ser­vice du Centre expert en patho­lo­gie neu­ro­mus­cu­laire à l’hô­pi­tal Hen­ri-Mon­dor (Cré­teil), plus la nano­par­ti­cule est petite, plus elle est toxique; elle pour­ra aisé­ment fran­chir toute bar­rière- pul­mo­naire, entre les pou­mons et le sang; encé­pha­lique, entre le cer­veau et le corps…

L’empoussiérage métal­lique mène à la même patho­lo­gie – or, que trans­forme Cris­tal, sinon du métal sous forme de nanos?]