Fukushima:
11 mars 2011: le tsunami provoque l’accident industriel majeur que le monde entier connaît et depuis septembre 2013 la totalité des 48 réacteurs nucléaires du Japon sont arrêtés.
2012: le ministre japonais en fonction lors de l’accident de Fukushima déclare lors d’une audition parlementaire que le désastre avait failli provoquer l’évacuation de Tokyo et de ses 30 millions d’habitants, ce qui aurait provoqué un « effondrement national ». Il déclare que les conséquences d’un accident nucléaire sont « trop importantes pour en accepter le risque ».
Fin 2014: les autorités de sûreté nucléaire au Japon ont donné leurs premiers feux verts pour la relance de quatre réacteurs (dont 2 à proximité d’un volcan actif).
22 févier 2015: une nouvelle fuite d’eau hautement radioactive (70 fois plus que le reste du site) est détectée sur la centrale dévastée de Fukushima ; elle se déverse dans l’océan. Les 6000 ouvriers affectés au chantier de la centrale sont toujours soumis à de fortes radiation quotidiennes; le démantèlement des installations est considéré comme difficile et dangereux et devrait prendre au moins quarante ans; 120 000 « réfugiés nucléaires » ne peuvent toujours pas rentrer chez eux.
370 000 tonnes d’eaux hautement contaminées utilisées pour refroidir ce qui reste du cœur et des barres de combustibles fondues des trois réacteurs impliqués en 2011 sont stockées dans plus de 1000 citernes dont l’étanchéité inquiète l’Agence internationale de l’énergie atomique.
Mai 2015 : un mur de glace souterrain de 30 mètres de profondeur, entourant les réacteurs, devrait être « mis en service » pour empêcher les eaux radioactives d’atteindre les nappes phréatiques.
Fessenheim :
Plus vieille centrale nucléaire française.
Des éléments majeurs, comme les cuves, sont prévus pour une durée maximale d’exploitation de 32 ans et ont désormais atteint les 38 ans de durée de vie (même si ces 32 ans ne sont pas largement dépassés compte tenu des arrêts d’exploitation tout au long de la vie de la centrale).
La durée d’exploitation de la centrale est désormais prolongée de 10 ans suite aux décisions de l’Autorité nucléaire de sécurité de 2011 et 2013 et sous réserve de travaux qu’EDF déclare devoir être totalement finalisés fin 2015, sans compter les travaux supplémentaires induits après la catastrophe de Fukushima et qui concernent toutes les centrales françaises.
Depuis 1977 la Commission locale d’information et de surveillance créé pour assurer la transparence et l’information publique sur les conditions d’exploitation de la centrale de Fessenheim (CLIS) se réunit régulièrement et a vu ses attributions précisées par la loi de 2006 sur la transparence des installations nucléaires.
Durant sa campagne électorale de François Hollande s’était engagé à fermer Fessenheim pour 2016, soit avant le quarantième anniversaire de la doyenne des centrales françaises.
Ces déclarations ont été réitérées et notamment après le dernier incident du 28 février, présenté comme mineur et sans conséquence, qui a entraîné la fermeture d’un réacteur pour quelques jours.
La ministre en charge du dossier « nucléaire », Madame Segolène Royal, a, quant à elle, récemment déclaré envisager d’autres options que la fermeture de Fessenheim, dans le cadre de la loi sur la transition énergétique toujours en discussion au Parlement.
L’incertitude porte en particulier sur la future échéance légale qui fixera le délai pour la réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire et sur le niveau de plafonnement du parc nucléaire hexagonal (en clair compter ou pas l’EPR de Flamanville qui équivaut à deux réacteurs comme ceux de Fessenheim dans ce « total »).
Pour les militants d’associations antinucléaires présents devant la C.L.I.S qui se réunissait le mardi 10 mars (comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin, association Stop transports Halte au nucléaire, association Stop Fessenheim, collectif les citoyens vigilants des environs de Fessenheim, Fédération Alsace – Nature section 68.) La prudence et la circonspection sont de mise.
Parmi ces militants Jean-Jacques Rettig, président du comité pour la sauvegarde de Fessenheim et de la plaine du Rhin et opposant historique au nucléaire qui participe depuis plus de 40 ans aux nombreuses manifestations, occupations, actions juridiques qui ont émaillé sur la période les luttes contre les projets d’implantation de 16 réacteurs dans la zone transfrontalière (Bâle, Breisach, plaine d’Alsace…).
Il rappelle les risques spécifiques bien connus que présente Fessenheim et que dénoncent ces associations – avec les associations allemandes et suisses antinucléaires – depuis de nombreuses années (implantation en aval du canal du Rhin, zone de risque sismique, ancienneté des installations…) mais insiste particulièrement sur le risque sécuritaire, terroriste, dans le contexte actuel et notamment le non-contrôle des nombreuses péniches qui passent à proximité immédiate de la centrale, la vulnérabilité confirmée des installations de la centrale à la chute d’un avion de ligne, voire d’un petit avion de tourisme pour les piscines, les survols de drones, les possibilités de pénétrer sur le site même de l’installation comme l’ont déjà démontré les militants de Greenpeace…
Il rappelle que les stress-tests établis pour les centrales en Europe après Fukushima n’ont pas pris en compte les risques liés à des chutes d’aéronefs et que même la chute d’un petit avion de tourisme sur les piscines de désactivation des combustibles irradiés pourrait avoir des conséquences catastrophiques; c’est la France qui aurait obtenu de l’Europe l’exclusion de ces paramètres dans les stress tests.
Devant le bâtiment de la CLIS Jean – Jacques Rettig arbore une grande pancarte sur laquelle on lit :
« Je suis Charlie
Je suis Tchernobyl
Je suis Fukushima
Je ne veux pas être Fessenheim… »
Pour Fessenheim les militants associatifs parlent désormais « d’acharnement thérapeutique », « d’incontinence chronique » et dénoncent le « rafistolage » de cette centrale qui n’en finit pas depuis des années d’alimenter la chronique locale, d’incident en incident.
L’efficacité énergétique, les économies d’énergies, les énergies renouvelables, autant de pistes alternatives citées par les associations qui parlent d’une « chaudière atomique à bout de souffle » qui pourrait anéantir toute une région par un simple dysfonctionnement.
Quels risques faut-il pour fermer Fessenheim ?
Mais quels risques d’incident majeur, voire d’accident, de quel niveau de gravité serait suffisant pour imposer la fermeture et dans quels délais sera-t-elle effective?
Et quelles conséquences induites par la fermeture?
Les associations présentes distribuent un argumentaire « Pour ou contre la fermeture de la centrale de Fessenheim ».
Le document réfute point par point les arguments toujours évoqués par le partenaire industriel, des élus locaux, des organisations syndicales de salariés de la centrale: « l’Alsace n’aura plus assez d’électricité en hiver, la centrale de Fessenheim est sûre, les centrales nucléaires sont sécurisées, les énergies renouvelables ne sont pas à la hauteur des enjeux énergétiques dans le monde, l’Etat français ne peut imposer à EDF la fermeture d’une centrale nucléaire, quid des emplois directs et indirects…? »
Au delà des discours politiciens, des intérêts de lobbies pour retarder l’émergence d’énergies alternatives, de la négation pure et simple de risques évidemment réels ou d’oubli de vrais enjeux économiques, il reste qu’investir à Fessenheim pour satisfaire la « doctrine » de l’industrie nucléaire française s’avère en outre extrêmement dispendieux.
Les mésaventures financières récemment rendues publiques d’AREVA en sont une démonstration.
Au-delà de 30 ans une centrale est considérée comme amortie financièrement et son exploitation devient alors beaucoup plus rentable que toute démarche de remplacement.
Compte tenu de l’âge moyen des centrales françaises, la prolongation de ces durées d’exploitation est donc un enjeu stratégique financier majeur pour E.D.F
En 2006 déjà l’Agence pour l’énergie nucléaire produisait un rapport indiquant que la prolongation de 20 ans de la durée de vie des centrales pourrait coûter 400 millions à EDF, soit 10 fois moins qu’un réacteur EPR (rappelons que depuis le coût d’un réacteur EPR s’est envolé…).
Alors, Fessenheim fermera, fermera pas?
Fessenheim enjeu d’abord financier ou Fessenheim enjeu d’abord philosophique et sociétal?
Jean-Jacques Rettig me souffle que la mobilisation contre l’énergie nucléaire devrait être aussi forte que le 11 janvier à la manifestations des Charlie.
….la délégation des associations anti-nucléaires pénètre dans la salle où s’ouvre la séance de la C.L.I.S; les nombreux documents techniques préparatoires à la réunion du jour, souvent complexes, n’ont pas été transmis à l’avance pour cette réunion aux représentants associatifs; ils devront les découvrir en séance où ils devront affronter une très forte délégation de techniciens et responsables d’EDF.
Christian RUBECHI