Plus d’une centaine de convives au banquet républicain du Parti Communiste français organisé dans le cadre des « rencontres d’automne du PCF 68 » à Wittenheim. Des militants, des sympathisants mais également le maire de Wittenheim, Antoine Homé et la toute nouvelle (et jeune) secrétaire régionale d’EELV, Cécile Germain étaient présents. LO68 fut également de la partie. Pour l’animation politique de la journée, c’est Guillaume Roubaud-Quashie (notre photo), membre du Comité exécutif national et rédacteur en chef de la revue « Cause commune » qui anima un débat sur le thème « Face à Macron : on subit ou on résiste ? ». Quelques questions à l’invité de la journée…

L’A : « On subit ou en résiste? » : est-ce cela la thé­ma­tique du congrès extra­or­di­naire du PCF en novembre 2018 ?

Guillaume Rou­baud-Qua­shie : Le prin­ci­pal objec­tif de ce congrès est de repen­ser nos actions et nos ambi­tions. Actions pour don­ner plus d’ampleur aux luttes qui se déroulent actuel­le­ment mais avec un manque de coor­di­na­tion, ambi­tions pour réin­ven­ter le Par­ti com­mu­niste, en somme remettre en chan­tier une stra­té­gie et des pra­tiques de conquêtes et de vic­toires durables pour la trans­for­ma­tion sociale qui reste l’objectif de notre par­ti. Une pre­mière étape dans ce vaste chan­tier, seront les Etats géné­raux du pro­grès social pré­vus en février 2018 pour ras­sem­bler tous ceux qui résistent et com­battent la poli­tique d’Emmanuel Macron.

L’A : Emma­nuel Macron n’est-il pas en train d’imposer sa poli­tique et sa méthode sans que cela fasse trop de vagues ?

GRQ : M. Macron est en train d’imposer une poli­tique libé­rale en étant recon­nu comme le « Pré­sident des riches »… Toutes les réformes entre­prises affai­blissent les plus pauvres et n’ont qu’une ambi­tion : répondre aux exi­gences du MEDEF. Il veut aus­si incar­ner l’homme au-delà des cli­vages gauche-droite : ce qui est sûr c’est qu’il n’est « ni de gauche, ni de gauche » !

Son action, est très impo­pu­laire notons-le. Mais dans le pays, nous consta­tons éga­le­ment une perte de confiance dans la pos­si­bi­li­té de chan­ger le cours des choses. Nous payons là les échecs des grandes mani­fes­ta­tions sociales col­lec­tives de ces der­nières années : non pas échec dans la mobi­li­sa­tion mais dans l’objectif de chan­ger la poli­tique impo­sée par le gou­ver­ne­ment. Il faut donc tra­vailler à faire renaître la confiance que les situa­tions ne sont pas iné­luc­tables, qu’on peut chan­ger les orien­ta­tions poli­tiques sans attendre les ren­dez-vous élec­to­raux. En somme, démon­trer que l’action col­lec­tive peut mener à des vic­toires. Et cela com­mence par notre inves­tis­se­ment dans des mobi­li­sa­tions locales, mul­tiples… Des vic­toires à ce niveau per­met­tront de res­tau­rer la confiance des citoyens dans leur capa­ci­té à impo­ser d’autres choix que ceux impo­sés par le pouvoir.

L’A : Mais à l’heure de la mon­dia­li­sa­tion, de la perte d’influence des Etats-nations, aux dif­fi­cul­tés de mobi­li­sa­tion du mou­ve­ment social, le Par­ti com­mu­niste pour­ra-t-il s’affirmer comme por­teur d’une alter­na­tive politique ?

GRQ : Regar­dons les choses telles qu’elles sont dans ce pro­ces­sus de mon­dia­li­sa­tion. Celle-ci est loin d’emporter une adhé­sion glo­bale des peuples : des voix alter­na­tives s’élèvent, regar­dons ce qui se passe en Espagne, en Grèce… Nous com­mu­nistes, la mon­dia­li­sa­tion est un ter­rain que nous ne négli­geons pas, nous sommes tour­nés vers l’internationale. Et la France, 6e puis­sance mon­diale, peut être un levier pour lut­ter contre cette mondialisation.

Mais le capi­ta­lisme lui-même s’interroge et mesure bien que son fonc­tion­ne­ment « les action­naires décident, les citoyens appliquent » n’est plus adap­tés. Le capi­ta­lisme numé­rique est le plus avan­cé sur ce point : Google n’écoutent pas que ses action­naires, l’entreprise fait appel à l’intelligence de ses sala­riés et des uti­li­sa­teurs pour défi­nir ses choix stra­té­giques. Bien évi­dem­ment, cela est fait avant tout pour assu­rer ses inté­rêts mais par là il recon­naît que la prise en compte de l’avis et des dési­rs des uti­li­sa­teurs et des sala­riés est impor­tant pour atteindre ses objectifs.

Dès lors, nous aus­si, forces de pro­grès, devons plus faire confiance et faire appel à cette intel­li­gence col­lec­tive pour défi­nir un pro­jet de socié­té dans lequel les citoyens-« uti­li­sa­teurs » for­mulent leur désir et défi­nissent les moyens de les satis­faire. En clair, lut­ter pour une autre mon­dia­li­sa­tion, c’est com­men­cer à construire des alter­na­tives au plus près de la vie des gens.

L’A : Mais est-ce que la gauche est en mesure d’assumer cela ? Même Jean-Luc Mélen­chon est en train de perdre de la popu­la­ri­té et de la confiance…

GRQ : Il est vrai que les der­nières élec­tions ont été un vrai tour­billon qui a bou­le­ver­sé beau­coup de choses. La démarche « pré­si­den­tielle » a été déter­mi­nante et ce sont plus des indi­vi­dus « hors par­tis » tra­di­tion­nels qui ont récol­té une majo­ri­té des lois. Emma­nuel Macron et Jean-Luc Mélen­chon ont vou­lu se défaire de tout lien avec le sys­tème de par­tis et ont consti­tué des mou­ve­ments… Cela a conduit Jean-Luc Mélen­chon à se démar­quer de nous. Il le confirme encore en pro­po­sant une liste France Insou­mise pour les Euro­péennes… sans en dis­cu­ter avec les autres forces de gauche.

Cela est dom­ma­geable car nous avons besoin de ras­sem­bler pour gagner. Certes, nous avons des dif­fé­rences, Jean-Luc Mélen­chon n’est pas pour le dépas­se­ment du capi­ta­lisme, nous si. Et puis nous refu­sons le repli natio­na­liste : l’Europe tel qu’elle est ne nous va pas mais nous devons la construire en coopé­rant avec d’autres au niveau européen.

Mais bien évi­dem­ment nous devrons tout faire pour construire une alter­na­tive ensemble à la poli­tique de M. Macron.

L’A : M. Macron se pré­sente comme « giron­din », donc comme décen­tra­li­sa­teur. Vous vous sen­tez jacobin ?

GRQ : M. Macron est un cen­tra­li­sa­teur de la pire espèce ! Toute sa poli­tique vise à détruire les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales. Une coupe de 13 mil­liards dans les dota­tions, cela ne s’est jamais vu et va peser néga­ti­ve­ment sur la décen­tra­li­sa­tion. Tout comme la construc­tion de méga-région, que les dépu­tés com­mu­nistes ont reje­té en votant contre la loi…

L’A : Les Alsa­ciens rejettent à 87% la dis­pa­ri­tion de leur région, pen­sez-vous qu’il faille reve­nir en arrière sur cette loi…

GRQ : Le pas­sé n’était pas non plus la per­fec­tion… C’est plu­tôt autour d’une orga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale favo­ri­sant la démo­cra­tie et l’expression citoyenne qu’il fau­dra bâtir le futur. Pas avec les méga-régions et l’omnipotence des grandes métro­poles qui font dis­pa­raître de nom­breuses communes…

L’A : Le Par­ti com­mu­niste a connu une série de défaites élec­to­rales. Com­ment pen­sez-vous renouer avec les citoyens pour rede­ve­nir une force poli­tique qui compte ?

GRQ : Mal­gré nos dif­fi­cul­tés, le Par­ti com­mu­niste reste une force qui compte. Nous pen­sons que c’est dans la construc­tion et la mise en œuvre col­lec­tive d’alternatives que nous y arri­ve­rons. Les congres­sistes défi­ni­ront le fond et la forme, je ne vais pas anti­ci­per aujourd’hui sur la manière de faire.

Nous avons com­men­cé dans la pré­pa­ra­tion de notre congrès : un an avant sa tenue, nous avons sol­li­ci­té des dizaines de mil­liers de nos adhé­rents, par une consul­ta­tion natio­nale qui vient de s’achever, pour leur deman­der ce qui étaient leurs pré­oc­cu­pa­tions, qu’elles étaient les actions à entre­prendre et com­ment voyaient-ils le fonc­tion­ne­ment de notre parti.

Car il est évident que nous avons à repen­ser l’action du PCF pour ren­for­cer la démo­cra­tie interne et ampli­fier l’action d’un par­ti qui reste la pre­mière force mili­tante du pays.

Pro­pos recueillis par Michel Muller