Mercredi 4 septembre prochain, à la Maison Loewenfels à Mulhouse, à partir de 18 h 45, rendez-vous à la rencontre d’un historien qui n’hésite pas à explorer les voies que d’autres de ses collègues ignorent ou feignent d’ignorer.
Michel Krempper a déjà plusieurs ouvrages historiques sur l’Alsace et des Alsaciens à son actif, nous en avons souvent parlé dans ces colonnes. On notera particulièrement ses ouvrages biographiques sur des personnalités comme Jean Keppi ou Joseph Rossé qui ont permis de retracer le parcours de deux hommes politiques alsaciens si souvent ostraciser sans qu’on connaisse véritablement leurs actions. Et n’oublions pas les publications sur sa région d’origine, ses légendes et son histoire, notamment ses travaux sur l’autonomisme alsacien-mosellan et les grandes figures de la protestation alsacienne, de la guerre des Paysans à l’époque contemporaine avec son ouvrage magistral « Widerstand, Treize Alsaciens qui ont dit Non ! »
Cette fois-ci, Michel Krempper publie un livre qu’il faut lire absolument pour ne pas mourir idiot : sobrement intitulé « Histoire de Mulhouse, le point de vue mulhousien », l’ouvrage met en exergue une réalité si souvent oubliée et qui marque pourtant profondément l’histoire politique, économique, sociale, culturelle de notre région, l’Alsace.
Car l’histoire de Mulhouse se singularise profondément de celle de la région dans laquelle elle se trouve. Sa constitution en république dès le 15e siècle et l’indépendance (durement défendue car souvent menacée) que cela lui confère, ses alliances avec les cantons helvétiques, etc., sont des particularités dureront jusqu’à une période très récente.
Pour ne prendre que deux exemples parmi tant d’autres que Michel Krempper évoque, Mulhouse ne vit pas la terrible guerre de Trente ans de la même façon que les autres villes et villages environnants. Elle n’est pas touchée directement par la dévastation qui frappe les populations juste sous les remparts protégeant la cité du Bollwerk…
Le fait de ne lâcher son indépendance que contrainte et forcée pour adhérer à la France en 1798 alors que le reste de l’Alsace avait été conquise par Louis XIV dès 1648, sont un autre aspect fondamental de la particularité historique de Mulhouse dans la région.
Michel Krempper, s’appuyant sur des recherches certes connues mais mises différemment en perspective que d’autres historiens ont pu le faire, remonte jusqu’à la préhistoire pour montrer que Mulhouse avait des atouts particuliers et qu’au fil des siècles, elle a su en jouer pour se structurer et se développer. Il en est issue une bourgeoisie locale soucieuse de l’avenir de sa cité, parfois au détriment de ses proches voisins, ce qui lui valut de sérieuses antipathies. Les tumultueux rapports entre Mulhouse et la M2A aujourd’hui, sont-ils un héritage de ces rapports conflictuels quasiment séculaires ?
En près de quatre cents pages, nous passons les siècles jusqu’à nos jours et on ne peut s’interroger, à la fin de la lecture : mais pourquoi, une cité aussi prospère, jalouse de son indépendance, n’hésitant pas à affronter des puissances politiques bien plus forte qu’elle pour défendre ses intérêts, pourquoi a‑t-elle perdu cette capacité pour devenir de nos jours une ville d’une très grande pauvreté, dont le déclin nous saute à la figure rien qu’en déambulant dans la ville ?
Et on peut aussi se demander si les édiles récents, n’ont pas plus défendu leurs intérêts personnels propres au détriment de l’intérêt général de la cité qu’il prétendait servir ? Un poste de sous-secrétaire ministériel vaut-il l’abandon de la population qui les a portés au pouvoir ?
Michel Krempper ne s’aventure pas sur ces chemins et cela n’est pas son rôle : il montre pourtant que l’évolution politique d’une ville qui fut longtemps politiquement marquée à gauche du fait d’une population ouvrière très nombreuse, a été affectée par les pertes de repères sociaux parallèlement au déclin industriel.
Un ouvrage que tout candidat aux élections municipales de Mulhouse devrait non seulement lire, mais profondément méditer avant de se lancer dans des promesses inconsidérées pour conquérir (ou reconquérir) la ville.
Mais lecture recommandée bien plus aux citoyens mulhousiens (et tous les autres) car rarement l’adage selon lequel « l’histoire nous tracer les perspectives d’avenir » n’a été aussi percutant qu’à la lecture de « Histoire de Mulhouse » de Michel Krempper.
Conférence : « L’histoire mulhousienne est-elle soluble dans l’histoire alsacienne ? »
Mercredi 4 septembre 2019, de 18h45 à 20h
Lieu: Maison Loewenfels
44 rue des Franciscains/Barfuessergass 44
68100 Mulhouse/Milhüsa
Mulhouse appartient indissociablement à l’espace géographique, linguistique et culturel alsacien. La Communauté d’Agglomération qu’elle forme avec les 38 communes de son Umland, la M2A, le rappelle dans son intitulé : c’est Mulhouse / Alsace, » Mülhausen im Elsass » comme la ville a été dénommée pendant les séquences allemandes de son histoire. Pour autant, celle-ci est-elle soluble dans l’histoire alsacienne ? Michel Krempper tentera d’apporter une réponse argumentée à cette question lors de cette causerie.
Dans cette épitaphe, dédiée à Michel Krempper, tout à fait louable et non pas dénuée d’intérêt, il serait aussi bon de rappeler l’existence d’un maire allemand de Mulhouse, qui officia dans notre ville de 1887 à 1901. Cet homme, auquel nous devons peu de choses spectaculaires, mais pourtant tellement utiles, dont la ville profite encore aujourd’hui sans même en reconnaître la paternité s’appelait Carl Hack.
Carl Hack est le 15ème maire de Mulhouse depuis 1798. Il a le défaut d’être un « vieil allemand » et il n’est pas non plus issu d’une lignée patronale mulhousienne, protestante et libérale.
De 1887 à 1901, il est le symbole de ces deux ruptures : 1) la perte de pouvoir de la « fabricantocratie » protestante qui a présidé pendant plusieurs siècles à la destinée de la ville. 2) Premier maire fonctionnaire, il représente en outre une façon radicalement nouvelle de penser la gestion d’une ville.
Cet homme donc, un allemand, venu dans les « valises » de l’occupant, conséquence de l’abandon de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par nos chers patriotes franchouillards, s’est attaché affectueusement à notre ville. Comme maire, d’abord nommé, puis élu, il oeuvrera 15 années pour tous les mulhousiens, en butte à l’hostilité nourrie de germanophobie de la population mais surtout des édiles sociales de la ville, jusqu’à sa mort.
Il ne s’agit pas de faire les louanges d’un homme de coeur, né du « mauvais côté » du Rhin, ce fleuve qui unit aujourd’hui ceux que, naguère, les conflits meurtriers opposèrent. Il s’agit juste d’analyser tout ce que cette ville singulière doit à cet homme et à cette expérience inédite de majorat professionnel, qui fait aussi partie de notre histoire que l’on voudrait occulter. La plupart des infrastructures dont nous profitons encore aujourd’hui, nous les devons à cet homme et à son équipe municipale.
Qui, à Mulhouse a connaissance de ce maire ? Il serait intéressant d’en poser la question dans « l’Alterpresse » …
Carl Hack – maire de Mulhouse de 1887 à 1901 – un petit bouquin édité sur fonds propres par votre serviteur et encore disponible pour ceux que ça intéresse. Pierre Dolivet – http://pierre.dolivet.free.fr
Bravo,Pierre, pour cette mise en référence!
J’espère que tu auras pu la faire lors de la conférence et faire parler de ton propre livre!
RWeiss,Colmar
Michel Krempper a écrit un excellent livre sur Joseph Rossé, mais c’est Bernard Wittmann qui a écrit celui tout aussi édifiant sur Jean Keppi. Il faut lire les deux, ainsi que le superbe livre de Pierre Dolivet sur Carl Hack consacré à l’un de nos innombrables personnages historiques victimes de damnation mémorielle.