Ce qui s’est passé à Carpentras aurait pu se passer dans n’importe quelle ville de France possédant une agence de la BNP Paribas et un tribunal de Grande Instance.
Ce mardi 6 février 2018 devait s’ouvrir le procès de Nicole Briend au tribunal de Carpentras. Cette militante d’Attac, proviseure de lycée à la retraite, devait comparaitre pour « vol en réunion » et « refus de prélèvement ADN », à la suite d’une action de « fauchage de chaises » menée en mars 2016.

L’Al­ter­presse 68 y était.

Le contexte

La COP 21, le som­met mon­dial de l’ONU sur le cli­mat, à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, avait pour objec­tif la signa­ture par les 196 pays du monde d’un accord inter­na­tio­nal de réduc­tion des gaz à effet de serre, qui per­met­trait d’éviter la catas­trophe annon­cée en limi­tant le réchauf­fe­ment cli­ma­tique à moins de 2 °C.

Les négo­cia­tions, qui durent depuis vingt ans, bloquent notam­ment sur le finan­ce­ment du Fonds Vert pour le cli­mat par les pays riches : il faut trou­ver 100 mil­liards de dol­lars par an d’ici 2020 pour aider les pays du Sud à réduire leurs émis­sions et à s’adapter au chan­ge­ment cli­ma­tique. Mais, dettes publiques et poli­tiques d’austérité obligent, nos gou­ver­ne­ments sont à sec. Ils se tournent désor­mais vers le sec­teur pri­vé et les banques pour ali­men­ter ce Fonds Vert, avec non pas des dons mais des prêts.

Selon la Com­mis­sion euro­péenne, rien qu’au niveau de l’Union euro­péenne, « des mon­tants énormes sont per­dus en rai­son de l’évasion fis­cale et de l’évitement fis­cal. Selon les esti­ma­tions, cela irait jusqu’à 1000 mil­liards € par an » . Mal­gré les  scan­dales (Cahu­zac, Lux­Leaks, Swiss­Leaks…) et les effets d’annonce, les para­dis fis­caux conti­nuent à pros­pé­rer et les grandes banques fran­çaises et inter­na­tio­nales, qui jouent un rôle clé dans l’industrie de l’évasion fis­cale, n’ont tou­jours pas chan­gé leurs pratiques.

C’est une ques­tion de choix poli­tique : en finir avec l’évasion fis­cale déga­ge­rait des finan­ce­ments publics déci­sifs pour des poli­tiques de tran­si­tion éco­lo­gique et sociale.

Des actes d’intérêt général

Le 30 sep­tembre 2015,  Attac France lance un appel à réqui­si­tion citoyenne de 196 chaises en vue de la COP21 signé par de nom­breuses personnalités :

« Nous appe­lons à mener ces actions au grand jour, à visage décou­vert, dans l’esprit de l’action non-vio­lente et de la déso­béis­sance civile, en res­pec­tant les per­sonnes tout en affi­chant notre déter­mi­na­tion à faire chan­ger cette situa­tion d’injustice. »

Puis les chaises ont été remises à la jus­tice au cours d’une action spec­ta­cu­laire menée le jour de l’ouverture du pro­cès Cahu­zac le 8 février 2016, clô­tu­rant ain­si la «sai­son 1 » des Faucheurs.

Mais BNP Pari­bas est tou­jours la banque fran­çaise la mieux implan­tée dans les para­dis fis­caux. En outre, c’est suite à une plainte dépo­sée par la banque que Jon Palais est pour­sui­vi pour « vol en réunion ». Début novembre 2016, les Fau­cheurs de chaises se sont donc mobi­li­sés pour une 2e sai­son qui a déjà don­né lieu à plus de 60 actions d’occupation créa­tives sous le mot d’ordre

« Fai­sons le siège de la BNP ! ». Attac s’est for­te­ment inves­tie pour que le pro­cès de Jon soit trans­for­mé en « pro­cès de l’évasion fis­cale » et devienne une tri­bune pour reven­di­quer la fin de l’impunité fis­cale tout en légi­ti­mant nos actions de déso­béis­sance civile.

Les trois chaises réqui­si­tion­nées par Nicole Briend et ses ami-e‑s ont éga­le­ment été rendu.

L’audience à Carpentras du 6 février 2018

Dès l’ouverture de l’audience, le juge a ren­voyé le pro­cès au 7 juin sur un motif de forme, jus­ti­fiant le report au motif que le chef d’inculpation du refus de pré­lè­ve­ment d’ADN néces­si­tait une déli­bé­ra­tion col­lé­giale de juges (3 juges étaient néces­saires, alors que le juge était seul pour statuer).

Cette déci­sion sur­pre­nante n’a rien enle­vé à la déter­mi­na­tion des militant·e·s venu·e·s en nombre ( mille mani­fes­tant-e‑s) exi­ger la relaxe pour Nicole et dénon­cer l’évasion fiscale.

Pour Raphael Pra­deau, porte-parole d’Attac France : « Alors qu’elle est inquié­tée pen­dant que la BNP conti­nue de pra­ti­quer mas­si­ve­ment l’évasion fis­cale, Nicole Briend subit une injus­tice sup­plé­men­taire : le report du pro­cès entre­tien­dra la pres­sion dans laquelle elle se trouve depuis plu­sieurs mois. Nous sommes plus que jamais déter­mi­nés à exi­ger la relaxe de Nicole et nous appe­lons d’ores et déjà à la mobi­li­sa­tion jeu­di 7 juin. Ce sont aux délin­quants finan­ciers de se retrou­ver sur le banc des accu­sés et non à Nicole Briend qui a entre­pris un acte d’intérêt géné­ral ».

Preuve que les actions d’Attac dérangent les banques et les mul­ti­na­tio­nales, l’association se retrouve convo­quée le 12 février au TGI de Paris pour répondre à l’assignation en réfé­ré d’Apple, qui tente ain­si de la bâillonner.

A suivre.

Jean-Jacques Grei­ner – Attac68

Péti­tion ;

https://france.attac.org/se-mobiliser/applecontreattac/article/applecontreattac-signez-l-appel-pour-la-justice-fiscale#petition