Mai 1968, c’était il y a 50 ans. Et gageons que nous allons encore en entendre parler. Et cela n’a rien d’étonnant tellement cette période a été le creuset d’exigences sociétales nouvelles, non seulement en France mais dans de nombreux pays occidentaux.
La seule spécificité française, et elle est de taille, fut l’implication des ouvriers dans les luttes. Souvent présenté comme une « révolution estudiantine », mai 68 fut en réalité un mouvement social de très grande amplitude. Et le 1er mai 1968 a donné le ton.
Les manifestations du 1er mai étaient interdites en France depuis 1954 par le gouvernement de droite de Joseph Laniel officiellement en raison de la « guerre d’Algérie ». En réalité, d’importants mouvement sociaux avaient eu lieu en 1953 et firent tomber le gouvernement précédent.
14 ans après, en 1968 donc, la CGT brave cet interdit et organise un défilé qui rassemble 100.000 personnes à Paris. La foule est combative, les provocations nombreuses mais le service d’ordre de la CGT réussi à annihiler toutes les provocations.
Le 2 mai 1968, est organisée à l’Université de Nanterre une journée « anti-impérialiste ». Le lendemain, le doyen Pierre Grappin décide de fermer la faculté. Spontanément, les étudiants se retrouvent au Quartier latin et à la Sorbonne.
A ce moment précis, nul ne se doute encore de l’ampleur qu’allaient prendre les événements que l’histoire désignera du nom de ce joli moi de mai. Et en particulier, à côté du mouvement étudiant, l’importance d’une mobilisation ouvrière, partout en France, qui débouchera sur la plus grande grève générale de l’histoire de notre pays avec 9 millions de grévistes au plus fort du mouvement.
Personne n’avait prévu cela. Aucun syndicat n’a lancé un mot d’ordre de grève générale. Aucun parti politique n’a vu venir un mouvement d’une telle ampleur. La fameuse convergence des luttes s’est faite sans que quelqu’un ait ordonné aux travailleurs de la faire : car il faut chasser de l’esprit, vous les jeunes, de cette imposture qui parler des « trente glorieuses » ! Bien évidemment, après la seconde guerre mondiale il fallut reconstruire et de grandes richesses naquirent. Mais l’ensemble de la population n’en bénéficiaient pas : en 1968 Paris connaissait encore des bidonvilles où s’entassaient des familles au mépris de toute salubrité.
Le salaire minimum ne permettait pas de vivre un tant soit peu décemment : il augmenta de 30% en mai 1968 sans que l’économie ne s’effondre.
Voilà entre autres pour le volet social dont on parle peu en évoquant mai 1968.
Et vers qui les ouvriers se tournaient pour soumettre leurs demandes : vers les syndicats. Ils n’attendaient pas grand-chose de la politique, la 5e République, comme la 4e auparavant, n’avaient pas la fibre sociale.
Et là, le pouvoir eut peur. Quand les étudiants squattent quelques boulevards parisiens et érigent des barricades, brûlent des voitures, on leur envoie quelques cars de CRS pour reprendre les choses en main. Mais quand les ouvriers prennent la rue, c’est à l’armée qu’on fait appel et c’est ainsi que les forces armées françaises en Allemagne furent sollicitées par le général de Gaulle.
On n’en arriva pas là : les négociations de Matignon ont satisfait une partie des revendications des ouvriers et le mouvement prit progressivement fin.
Pourquoi vous raconter cette histoire en ce 3 mai 2018 ? Parce que le 1er mai de cette année se passe dans le cadre d’un mouvement social sans qu’une perspective politique de changement n’apparaisse plausible à court terme.
Les travailleurs pensent qu’ils devront encore se payer Macron pendant un certain temps et c’est plutôt du côté du syndicalisme qu’ils pourront trouver un relais.
Cette volonté de ringardiser les syndicats comme s’ils étaient des organisations d’un autre temps, cache mal la volonté du gouvernement actuel de museler toutes contestations pour passer coûte que coûte des réformes qui ne profitent qu’aux plus riches.
Il est vrai que la désunion qui caractérise le syndicalisme français le fragilise. Même si les syndicats perdent des adhérents, ils en ont bien plus que les partis politiques. Les membres des syndicats sont estimés à 1,8 millions, ceux des partis politiques ne dépassent pas les 310.000. 310.001 si je compte le parti de Jean-Marie Bockel.
Le fait de ne pas avoir réussi à faire du 1er mai 2018, un rendez-vous unitaire est une nouvelle occasion manquée. Mais il s’en présentera d’autres.
C’est pourquoi je m’adresse à la jeunesse : vos critiques à l’égard des syndicats sont très souvent avérées. Alors, il faut qu’ils changent, qu’ils vous entendent. Et le mieux, c’est de se faire entendre dans les syndicats et non pas en-dehors.
Car pour l’heure, le monde du travail dans lequel j’intègre bien volontiers le monde estudiantin, n’a pas encore trouvé mieux que les syndicats pour se faire entendre et agir en solidaire.
Michel Muller