Mme Jeannine Baudu Bahati qui représente les femmes des milieux ruraux en République démocratique du Congo et en particulier de la Région du Kivu est venue, le 19 mars 2018, lancer un appel au Conseil de Sécurité de l’ONU pour stopper les exactions terrifiantes dont sont victimes les femmes en RDC.
Elle a relayé le cri de détresse des congolaises face à la prolifération des groupes armés locaux et étrangers qui mènent des massacres, des carnages, des viols, des rapts, la traite des femmes et des filles et qui grâce à ces violences inouïes, obtiennent leur expropriation, de fait, des terres qu’elles cultivaient.
Cette guerre menée contre les femmes pour se saisir des terres fertiles et du sous-sol riche en minerais rares, outre les immenses traumatismes subis, les laissent sans moyens de subsistance pour elles-mêmes et leurs enfants. Ces milices armées créent une misère galopante qui pousse les jeunes garçons, c’est-à-dire aussi les fils des femmes violées et tuées, à rejoindre ces mêmes groupes armés qui s’enrichissent par les pillages et deviennent de plus en plus nombreux et de plus en plus menaçants.
Nous notons avec amertume que cette situation démentielle et inhumaine a été dénoncée depuis des années par des mouvements de femmes congolaises et qu’elle a été médiatisée grâce au docteur Denis Mukwege qui a reçu le prix Sakarov en 2014 pour la médecine réparatrice des violences sexuelles et l’aide qu’il s’efforce d’apporter aux très nombreuses victimes des exactions des milices. Il a essayé d’utiliser sa notoriété pour sortir la RDC de cette spirale de déshumanisation radicale. Il a dénoncé la collusion entre les hordes de violeurs et de meurtriers et les entreprises locales et multinationales qui s’accaparent les richesses du Kivu et en particulier le coltan, minerai indispensable au fonctionnement de nos téléphones portables. Le film L’homme qui répare les femmes a été très relayé par les médias. Quantité de discours compassionnels ont été tenu cette année-là dans les instances internationales.
Or, ce que clame Jeannine Baudu Bahati quatre ans plus tard, c’est que tout cela n’a rien changé, que la situation est pire en 2018 qu’elle ne l’était en 2014 !
Pourtant Les femmes congolaises ne baissent pas les bras : la présidente de la section congolaise de la WILPF, Madame Annie Matundu-Mbambi a alerté sur “la situation explosive à laquelle la RDC est confrontée” et a organisé une Conférence Internationale à Kinshasa les 4 et 5 décembre 2017, en faveur de la paix en RDC.
La Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO) a exhorté en avril 2018 les congolaises à s’engager dans les prochaines élections en votant et en se présentant comme candidates. Certes, il est très souhaitable que les femmes prennent leur place dans les instances politiques, Nous plaçons beaucoup d’espoir dans le leadership des femmes africaines et des femmes partout dans le monde, mais ce ne sera pas plus facile pour elles que pour nous de changer les rapports de force. Cela exige une solidarité active des femmes du monde entier.
D’autre part, compte tenu de la véritable implosion de l’Etat en RDC le processus électoral a très peu de chance de se dérouler normalement et de produire un état de droit capable de stopper la violence organisée par des intérêts privés et capable de réduire les pillages perpétrés contre la population congolaise.
L’incapacité du Conseil de sécurité de l’ONU
L‘exhortation de l’ONU ne doit pas servir à laisser aux seules femmes congolaises la responsabilité de trouver une issue à cette crise humanitaire politique économique structurelle. Il est inadmissible de les laisser se débrouiller face à des processus de destruction très complexes et très internationaux, alors que le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est avéré incapable de faire cesser ces massacres et ces violences extrêmes et impuissant à agir contre les véritables causes des exactions commises en RDC.
Pour parvenir à un état de droit international, il faudrait établir au sein même de l’ONU et un nouvel équilibre des pouvoirs au niveau mondial et d’abord une parité entre les hommes et les femmes au Conseil de Sécurité.
Il est urgent d’agir contre l’impunité de ceux qui mènent une guerre larvée contre les femmes et empêcher qu’ils en tirent de gros bénéfices. En solidarité avec la section congolaise, WILPF (Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté) nous appelons à ce que :
- tous les membres de ces groupes armés soient recensés et arrêtés.
- ceux qui organisent ces groupes armés, ceux qui les arment, ceux qui les financent soient identifiés, qu’ils soient inculpés et condamnés par la communauté internationale.
-le nom de toutes les entreprises qui tirent bénéfice de l’expropriation violente des populations rurales soit rendu public et qu’elles soient également inculpés devant une juridiction internationale.
- même si cela doit perturber la fabrication de nos téléphones portables, le coltan de RDC soit interdit de commercialisation aussi longtemps que sa production s’accroît proportionnellement aux massacres et aux viols de femmes.
Nicole Roelens, membre de la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la liberté
Merci d’avoir diffusé cet appel si impérieuse est la nécessité d’avancer vers une solution !!!
Merci.