Article mis à jour le 13 février 2019

Près de 200 per­sonnes au petit matin, par un froid de canard, devant le siège de Sto­ca­mine : une mobi­li­sa­tion plu­tôt réus­sie pour exi­ger le retrait total des déchets hau­te­ment toxiques enfouis dans les gale­ries de la mine Joseph Else. Il faut dire que le ministre d’Etat et (paraît-il) de la Tran­si­tion éco­lo­gique et soli­daire, Fran­çois de Rugy leur a don­ner un bon coup de main en annon­çant sa déci­sion de refus de désto­cker ces salo­pe­ries en mesure de pol­luer la nappe phréa­tique rhé­nane, la plus grande d’Europe.

Extrait des décla­ra­tions des organisateurs

Selon les « chu­cho­tis » de L’Alsace, les res­pon­sables LREM68 étaient dépi­tés : juste avant de venir à Fes­sen­heim pour signer la recon­ver­sion de la cen­trale nucléaire de Fes­sen­heim, le Ministre avait décla­ré qu’il refu­sait de désto­cker à Wit­tel­sheim. Toute la com­mu­ni­ca­tion que les macro­nistes vou­laient enclen­cher autour de la « réus­site » de Fes­sen­heim tom­bait à l’eau car la popu­la­tion est vent debout contre l’enfouissement défi­ni­tif des déchets. Au point que les élus toutes opi­nions confon­dues, se sont empres­sés d’exiger à leur tour l’extraction de ces pro­duits. Sauf le dépu­té LREM du Bas-Rhin Vincent Thié­baut à sou­te­nu Fran­çois de Rugy : comme quoi le vent ne souffle pas dans le même sens chez LREM 68 et 67…

Cette déci­sion a comme consé­quence de redy­na­mi­ser l’action du col­lec­tif Désto­ca­mine qui depuis 20 ans exige l’extraction de ces déchets et devant le tol­lé, le Ministre de la Tran­si­tion éco­lo­gique pro­pose une réunion à l’ensemble des élus alsa­ciens, le mar­di 12 février. Le col­lec­tif publie un com­mu­ni­qué rap­pe­lant que « Lors de la réunion publique orga­ni­sée par le Col­lec­tif Désto­ca­mine le 24 jan­vier, le dépu­té Bru­no Fuchs a indi­qué qu’il comp­tait main­te­nant sur des mobi­li­sa­tions citoyennes pour accom­pa­gner les élus oppo­sés à l’en­fouis­se­ment. (…) pour ceux et celles qui le peuvent de mon­trer ce sou­tien aux élus: une action aura lieu devant Sto­ca­mine pour blo­quer l’en­trée de l’en­tre­prise à 7h le matin. »

 C’est ain­si qu’une cen­taine de mani­fes­tants se sont  allon­gés à l’entrée du site de sto­ckage des déchets, sym­bo­li­sant la mort lente et silen­cieuse des citoyens alsa­ciens, alle­mands et suisses en mesure d’être intoxi­qués. Un mot d’ordre fleu­rit : « Les Alsa­ciens ne veulent pas être « intoxi­qués par l’Etat » !

Ren­for­cés par la pré­sence de Gilets jaunes venus expri­mer leur soli­da­ri­té car « l’environnement fait éga­le­ment par­tie de notre combat » comme l’a expri­mé un repré­sen­tant du mou­ve­ment, le col­lec­tif Désto­ca­mine a éga­le­ment été sou­te­nu par les prin­ci­paux par­tis de gauche (France Insou­mise, PCF) et éco­lo­gique (EELV) et de per­son­na­li­tés enga­gées dans ce com­bat comme l’ancien séna­teur Jacques Muller.

Le col­lec­tif a éga­le­ment comp­té sur le ren­fort de l’association Action Non Vio­lente – COP 21 qui fut la che­ville ouvrière de l’organisation de l’action qui devait éga­le­ment avoir une por­tée média­tique. Le feu à l’entrée du domaine Sto­ca­mine, (bien­ve­nu pour réchauf­fer les par­ti­ci­pants), les (faux) bidons et sacs de déchets ain­si qu’une pel­le­teuse conduite par des Gilets Jaunes figu­raient un décor expli­cite sur la nature de l’action en cours.

Quel sera le résul­tat de l’entrevue entre les élus et le Ministre ? A l’heure de publier nous ne savons pas encore. Si le ministre devait per­sis­ter dans sa posi­tion intran­si­geante, les élus ne pour­ront pas mettre en cause les citoyens : ils étaient pré­sents pour appuyer la délégation.

En cas d’échec, il fau­dra bien pas­ser à autre chose pour répondre aux exi­gences expri­mées par Yann Flo­ry, porte-parole de Désto­ca­mine : « Il fau­dra qu’il passe sur notre corps pour ache­mi­ner le béton qui doit confi­ner les salo­pe­ries entre­po­sés dans notre sous-sol ».

Comme le groupe « Mu 2020 Rebelle et Soli­daire » le rap­pelle dans un com­mu­ni­qué (que les médias « offi­ciels » auraient refu­sés de publier), « Sto­ca­mine : il faut agir ! (…) Désor­mais, pour refu­ser l’im­pen­sable, il y a urgence à agir. Cer­tains élus locaux ont fini par faire connaître leur oppo­si­tion alors que pen­dant des années le col­lec­tif Des­to­ca­mine s’est retrou­vé bien seul à affron­ter la froide déter­mi­na­tion des ser­vices de l’État et à déplo­rer l’i­nac­tion des gou­ver­ne­ments suc­ces­sifs. (…) Nous sou­tien­drons toutes les actions de résis­tance active éven­tuel­le­ment déci­dées : blo­cage, occu­pa­tion du site, fil­trage, ZAD… . La parole publique venue d’en haut n’ayant plus de valeur, il ne nous reste que ces options de ter­rain comme solutions (…) »

Mise à jour du 13 février 2019

La presse régio­nale annonce avec le ton péremp­toire qui la carac­té­rise « Sto­ca­mine, une volte-face » pour rendre compte du résul­tat de la réunion avec le Ministre. On apprend donc que M. De Rugy ne consi­dère plus le confi­ne­ment défi­ni­tif comme la seule option. Et il ordonne » le lan­ce­ment d’une étude de fai­sa­bi­li­té de la pour­suite du désto­ckage partiel. »

Les élus alsa­ciens seraient « satis­faits »… Mais de quoi exactement ?

On peut d’abord consi­dé­rer qu’il s’agit-là d’une réponse poli­tique. Devant la grogne de la popu­la­tion, l’émoi des élus, il fal­lait faire un pas dans le contexte de mécon­ten­te­ment géné­ral dans le pays. Rap­pe­lons au pas­sage que, mal­gré le déni­gre­ment du mou­ve­ment des gilets jaunes auquel la presse offi­cielle apporte sa com­plai­sante contri­bu­tion, deux tiers des Fran­çais conti­nuent de sou­te­nir la fronde.

Les élus alsa­ciens peuvent arbo­rer fiè­re­ment un « recul » du ministre et ce der­nier peut démon­trer qu’il est atten­tif aux réac­tions citoyennes.

Mais qu’en est-il sur le fond ? Comme le rap­pelle l’éditorialiste de l’orthodoxie média­tique alsa­cienne dans L’Alsace, toutes les études ont déjà été faites et on connaît tous les enjeux de ce dos­sier. Une étude de plus ne pour­ra rien appor­ter de nouveau.

Alors, quoi ? Cela serait donc une manœuvre dila­toire pour cal­mer les réac­tions néga­tives et pour endor­mir le mou­ve­ment citoyen ?

En effet, pour­quoi cette étude devra durer 1 an ? En un an, les gale­ries conti­nue­ront de se dégra­der et cela per­met­tra alors de prou­ver qu’on ne peut plus sor­tir les déchets car ce serait trop dan­ge­reux. D’autre part, on sait bien que le refus de désto­cker n’a rien à voir avec des consi­dé­ra­tions tech­niques par ailleurs déjà maintes fois ana­ly­sées. Ce refus est lié à deux fac­teurs : le pre­mier, majeur, est le coût que cela engen­dre­rait. L’État pré­fère injec­ter des mil­liers tonnes de béton et ain­si faire le bon­heur des béton­neurs à l’affut dans ce dos­sier depuis le début, n’est-ce pas M. Sordi ?

Le second est logis­tique : que faire de tous ces déchets car il n’est pas sur que l’entreprise alle­mande qui a repris la pre­mière vague de pro­duit sor­ti de Sto­ca­mine veuille en reprendre sur­tout en rai­son de leur dangerosité.

Pour­quoi les élus n’ont-ils pas deman­dé lors de la réunion, une étude sur les pos­si­bi­li­tés de trai­te­ment de ces déchets ultimes quand on les aura sor­tis de leur trou ? Ou bien sur le finan­ce­ment des tra­vaux d’extraction totale ? Car on sait qu’aujourd’hui, même pour les déchets nucléaires à longue vie, des cher­cheurs avancent sur une pos­si­bi­li­té de réduire leur dan­ge­ro­si­té à plus court terme ? Les rési­dus mer­cu­riens seraient-ils donc plus dif­fi­cile à trai­ter que les déchets nucléaires ? En voi­là une étude qui aurait du sens !

Comme on le voit, le résul­tat de cette ren­contre élus-ministre a sur­tout per­mis de démon­trer qu’ils sont obli­gés de tenir compte de la mobi­li­sa­tion popu­laire. Mais on ne peut consi­dé­rer cela comme un chan­ge­ment de cap des pou­voirs publics et sûre­ment pas une satis­fac­tion de l’exigence du col­lec­tif Désto­ca­mine d’une sor­tie totale des déchets du fonds de la mine.

L’action du mar­di 12 février n’est donc évi­dem­ment pas une fin en soi, ni le pré­lude à une vic­toire. Rien ne sert d’attendre un an pour connaître le résul­tat de l’énième étude com­man­dé par l’État. Aucune manœuvre dila­toire, ni pro­messe de gas­con peut être ras­su­rante quand il y va à ce point de l’avenir de la popu­la­tion et ce sur plu­sieurs générations.