L’Alterpresse68 a bien rai­son de trai­ter par la déri­sion et l’ironie le sauve qui peut des élus locaux après la déban­dade des Euro­péennes. M. Jor­dan épin­glé dans ces colonnes n’est pas le seul, loin s’en faut. La soi-disant « recom­po­si­tion » est avant tout une décom­po­si­tion qui n’en finit pas et le moment est venu de jeter aux ori­peaux prin­cipes et valeurs pour se trou­ver une place per­met­tant de sau­ver ses miches lors des pro­chaines élec­tions muni­ci­pales. Voi­là le tableau à la Jérôme Bosch que la plu­part des élus nous dressent… De quoi reva­lo­ri­ser l’image de la poli­tique auprès de nos concitoyens ?

Quels ensei­gne­ments des élec­tions européennes ?

Pre­mier aver­tis­se­ment : deux élec­tions ne se res­semblent jamais. Les pro­chaines muni­ci­pales ne seront pas l’exacte image des Euro­péennes : bien des fac­teurs rentrent en ligne de compte dans un vote pour être prudents.

Cela dit, chaque élec­tion décrit la situa­tion poli­tique de notre pays. Tout le monde se gausse des « bons résul­tats » de la par­ti­ci­pa­tion. Comme si la crise de la démo­cra­tie maintes fois décli­nées n’existait plus. C’est oublier un peu vite que seuls la moi­tié des citoyens se sont dépla­cés aux urnes et que seuls 40% d’entre eux se sont exprimés. 

A Mul­house, l’abstention culmi­nait même à près de 60% (58,29%) avec des pointes de plus de 63% dans les quar­tiers populaires.

Certes, nous sommes dans les règles de la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive : et jus­te­ment, ce scru­tin démontre une fois encore que cette démo­cra­tie est tout sauf « repré­sen­ta­tive » de la majo­ri­té des citoyens.

Les « béats » du scrutin

Comme d’habitude, on dési­gna des vain­queurs et des vain­cus… Et dans cet exer­cice, Yan­nick Jadot de EELV fut le béat des béats… Il cria vic­toire ! Et on peut même pen­ser qu’il le croyait sin­cè­re­ment puisqu’il a convo­qué Paris Match pour faire un repor­tage pho­to en dévoi­lant l’image de sa com­pagne, une jour­na­liste (tiens, tiens…) comme en son temps Kouch­ner, Strauss-Kahn, Bor­loo… Comme quoi la consan­gui­ni­té « média-poli­tique » n’est pas l’apanage d’une seule famille politique…

Com­ment peut-on se pré­tendre qua­si­ment vain­queur d’une élec­tion en arri­vant à la troi­sième place du scru­tin, bien loin des deux pré­cé­dents, avec à peine 6,34% de suf­frages des inscrits !

Les médailles d’argent et de bronze des béats sont évi­dem­ment le Ras­sem­ble­ment natio­nal et la Répu­blique en Marche : en par­fait com­plice, Marine Le Pen et Emma­nuel Macron ont mar­gi­na­li­sé les deux piliers de la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive tra­di­tion­nels de la 5e République. 

Il faut recon­naître que la stra­té­gie de la Répu­blique en Marche est une réus­site : après avoir siphon­né les voix des élec­teurs du Par­ti socia­liste lors des pré­cé­dents scru­tins, le voi­là en train de récu­pé­rer celles de la droite en par­te­na­riat avec le RN : à toi les plus réacs, à moi les plus conser­va­teurs… Même la récu­pé­ra­tion de cer­taines voix éco­lo­giques a fonc­tion­né avec les trans­fuges d’EELV, les Pas­cal Can­fin et Durand…

A quel niveau, la grave crise sociale que connaît la France est-elle appa­rue dans ce scru­tin ? Seul le nombre de voix non expri­més donne une indi­ca­tion car le score du Ras­sem­ble­ment Natio­nal ne peut pré­tendre la refléter. 

La gauche en miettes non plus mal­gré une excel­lente cam­pagne menée par Manon Aubry et Yan Bros­sat. Car l’apparition de Raphaël Glucks­mann comme le sau­veur auto­pro­cla­mé de la social-démo­cra­tie ( !) et la mar­gi­na­li­sa­tion de Benoît Hamon par les mêmes sociaux-démo­crates n’ont pas per­mis de cré­di­bi­li­ser un cou­rant poli­tique trim­bal­lant un pas­sif néga­tif sur le plan social par­tout où il était au pouvoir. 

Le sauve-qui-peut mulhousien…

Résu­mons : la démo­cra­tie n’est pas sor­tie gran­die de ce scru­tin et la poli­tique conti­nue de sus­ci­ter le rejet chez une majo­ri­té de nos conci­toyens. Et cela n’est pas une bonne nou­velle pour l’avenir.

Les résul­tats mul­hou­siens des Euro­péennes ont accé­lé­ré la décom­po­si­tion de la vie poli­tique de la cité du Boll­werk et de la M2A.

La REM est certes en tête, de très peu devant le RN : mais dans deux can­tons sur trois, c’est l’inverse ! Et le peu de voix d’écart (125 sur 48.416 ins­crits) n’est pas signi­fi­ca­tif d’une ten­dance lourde. Autre­ment plus pré­oc­cu­pant est le score ridi­cu­le­ment bas de la liste sou­te­nue par Mme Lutz et M. Rott­ner : 1.259 voix soit 2,6% des ins­crits ! Et que dire de l’UDI du pré­cé­dent maire M. Bockel : 421 voix soit 0,87% des inscrits !

On com­prend la majo­ri­té muni­ci­pale mul­hou­sienne se sente pour le moins désa­vouée ! Com­ment pré­pa­rer les pro­chaines listes dans ces condi­tions là ?

Où est le risque pour l’actuelle majo­ri­té ? Pas à gauche, dans le contexte actuel : avec moins de 2000 voix sans les éco­lo­gistes. Il y a certes des ren­contres régu­lières pour construire une alter­na­tive à gauche mais pour l’instant peu de pro­po­si­tions en sortent pour l’heure.

Quant à EELV, avec 2.649 voix et 5,5% des ins­crits mul­hou­siens, ils pour­raient être ten­tés par un cava­lier seul en espé­rant récu­pé­rer les élec­teurs de gauche. Mais pour cela, un pro­gramme ayant comme axe essen­tiel la pro­mo­tion du vélo dans le sché­ma de trans­port de l’agglomération est un peu court.

La Macro­nie s’organise

Si la REM veut gagner des villes, elle ne pour­ra le faire que par le trans­fuge des élus en place. Quitte à ratis­ser large comme pour la liste des euro­péennes. On l’a vu, l’attrait d’un poste est un puis­sant inci­ta­teur à faire allé­geance quelle que soit la poli­tique prô­née. N’a‑t-on pas vu des éco­lo­gistes aller sur la liste macro­nienne alors que le ministre Hulot a démis­sion­né en dénon­çant, preuves à l’appui, le peu d’entrain de la majo­ri­té pour l’environnement ? Les convic­tions sont une chose, la gar­ni­ture du râte­lier en est une autre !

La faible orga­ni­sa­tion du par­ti pré­si­den­tiel dans le Haut-Rhin et à Mul­house ne peut per­mettre la consti­tu­tion d’une liste cré­dible. Si une tête de liste comme Bru­no Fuchs (MODEM) est ima­gi­nable, le reste de l’équipe ne peut se faire sans l’apport d’élus venant d’ailleurs. Et les can­di­dats sont nom­breux et déjà sur la ligne de départ : Fati­ma Jenn, Ber­trand Stoes­sel, Denis Ram­baud, entre autres, se sentent suf­fi­sam­ment d’atomes cro­chus avec la poli­tique libé­rale du gou­ver­ne­ment pour faire acte de can­di­da­ture en pre­nant déjà leur dis­tance avec la majo­ri­té muni­ci­pale actuelle… qu’ils ont ser­vi avec zèle depuis de nom­breuses années ! Il n’y a vrai­ment que les imbé­ciles qui ne changent pas d’avis…

La gauche muni­ci­pale est deve­nue une fic­tion : devant la catas­trophe qu’ils croient iné­luc­table pour leur ancien camp, la majo­ri­té des élus socia­listes ont choi­si de rejoindre… la majo­ri­té de droite de M. Rott­ner et Mme Lutz. L’explication don­née est tra­di­tion­nelle : nous abju­rons nos convic­tions pour nous oppo­ser au Front natio­nal ! Un peu court, les amis, pour mas­quer une seule et même ambi­tion : espé­rer pou­voir sau­ver une délé­ga­tion par ci, par là… Pathé­tique et misé­rable sur­tout pour celles et ceux qui croyaient sin­cè­re­ment que ces gens-là avaient des convic­tions de gauche…

Le Front Natio­nal, lui, se découvre une nou­velle tête de liste, après en avoir épui­sé quelques unes ! Mais la cré­di­bi­li­té de la per­sonne en ques­tion, elle aus­si trans­fuge de Bockel, puis de Rott­ner, vers Marine Le Pen, n’est pas assu­rée vu son parcours.

Reste des per­son­na­li­tés qui pour l’instant ne se sont pas mani­fes­tées, comme Cléo Schweit­zer : il y a une tra­di­tion de gauche à Mul­house qui n’a pas tota­le­ment dis­pa­rue, elle reste cepen­dant enfouie sous les dés­illu­sions suite au poli­tique des Hol­lande, Valls et consorts. Se réfé­rer à cette famille poli­tique devient dif­fi­cile pour convaincre les électeurs.

A quand les propositions ?

La seule voie pour une alter­na­tive à la détes­table poli­tique oppor­tu­niste de la majo­ri­té muni­ci­pale ne semble pas se trou­ver dans une adhé­sion à un cou­rant poli­tique. Et à ce petit jeu, le Front Natio­nal pour­rait seul y gagner, car il n’a pas besoin d’un pro­gramme pour atti­rer des voix.

Les élec­teurs n’attendent-ils pas plu­tôt de pou­voir s’exprimer sur un pro­gramme, clair, net et pré­cis. Avec des pro­po­si­tions éco­no­miques et sociales qui pour­raient réel­le­ment amé­lio­rer leurs condi­tions de vie dans la cité : il y a tant de choses à faire sur le plan de l’emploi, du déve­lop­pe­ment indus­triel, de la pré­ser­va­tion de l’environnement, des trans­ports urbains, de la culture, du trai­te­ment social de la pau­vre­té et de l’habitat, domaines dans les­quels la muni­ci­pa­li­té actuelle a tota­le­ment échoué, pour éta­blir un pro­gramme auquel des femmes et des hommes de toutes condi­tions et ori­gines pour­raient adhé­rer et créer une vraie alter­na­tive à Mul­house. Encore fau­drait-il s’y mettre et asso­cier ces femmes et hommes à l’élaboration des pro­po­si­tions que les Mul­hou­siennes et Mul­hou­siens attendent pour aller, peut être, en nombre aux urnes l’année prochaine.

Les résul­tats des élec­tions euro­péennes dans le Haut-Rhin:

https://elections.interieur.gouv.fr/europeennes-2019/044/068/068224.html