Une Erdogan peut en cacher un autre ! Bernard Umbrecht nous rappelle que le dictateur qui écrase chaque jour un peu plus les libertés en Turquie veut éliminer toute opposition. La romancière Asli Erdogan le paie cher et les juges au service du pouvoir pourrait la condamner à une peine très lourde… Et le silence des dirigeants politiques européens, des médias est indigne… Raison de plus que nous en parlions dans ces colonnes…
Depuis le 17 août dernier, la romancière turque Asli Erdogan est emprisonnée pour avoir collaboré avec un journal prokurde, en même temps que les vingt autres membres de la rédaction. Bien que ne cautionnant pas les violences du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), elle avait défendu à plusieurs reprises le droit des Kurdes à l’enseignement, dénoncé les exactions dont sont victimes les membres de cette minorité et médiatisé plusieurs viols commis sur des filles kurdes par la police turque. Ce soutien lui a valu l’accusation « d’appartenance à un groupe terroriste ».
Elle risque lourd
Bernard Umbrecht participera à deux actions de solidarité avec Asli Erdogan mais également avec Necmiye Alpay, traductrice arrêtée en même temps qu’elle, les journalistes et l’ensemble des prisonniers politiques turcs. Il nous invite à s’y associer :
La première, en répondant à l’appel « On n’enfermera pas sa voix » à diffuser des textes sur les blogs
L’éditeur du Saute-Rhin mettra en ligne, dans quelques jours, un extrait du recueil de nouvelles d’Asli Edogan, Les oiseaux de bois (Actes Sud 2009)
Lire pour qu’elle soit libre
Pour la seconde, Bernard Umbrecht ouvrira, à Mulhouse, le cycle de lectures publiques à la librairie 47°Nord à Mulhouse, le jeudi 1er décembre à 18 heures
Il lira un autre extrait non pas du Bâtiment de pierre mais toujours de Les oiseaux de bois
Ce cycle de lectures publiques répond à une initiative venue de Suisse romande.
Avec le parrainage d’Amnesty International, La Maison éclose convie en effet à une sorte de calendrier de l’Avent:
Du 1er au 24 décembre, à 18h (16h le samedi), chacun est invité à venir lire un extrait de son livre « Bâtiment de pierre » (Actes Sud, 2013) dans une librairie. Ces lectures publiques auront lieu simultanément durant quinze minutes dans toutes les librairies solidaires de l’initiative.
Chacune et chacun est invité à s’y associer:
– soit en diffusant un texte sur son blog
– soit en s’inscrivant auprès de sa librairie pour participer à une lecture
– soit en assistant tout simplement à une lecture, celle de Bernard Umbrecht par exemple, jeudi prochain
Pour participer à cet événement sur Mulhouse !
Renseignements et inscriptions par téléphone ou par mail : 03 89 36 80 00 – librairie@47degresnord.com
Pour signer la pétition:
Allocution de soutien à Asli Erdogan lors de la Foire du livre à Francfort
« Aucun auteur ne mérite d’être jeté en prison à cause de ses écrits.
Personne n’ignore que ce fut le cas, au long du siècle précédent, dans beaucoup de lieux au monde, mais qui pouvait imaginer que cela arriverait de nouveau, il y a deux mois, à une romancière, en Turquie ?
Aslı Erdoğan, écrivaine centrale de la littérature turque, collaboratrice de différents journaux sur le thème des minorités, a fait la preuve de son courage : elle s’est engagée du côté des opprimés et n’a cessé de dénoncer les défaillances de l’État.
Tout en accomplissant son œuvre de romancière et de nouvelliste (mais sans se contenter de rester à sa table d’écrivain) elle a pris le parti des oubliés et des faibles, déchirés entre les guerres, le terrorisme et la répression de l’État. C’est sa fierté.
Qu’aimons-nous en elle ? Il semble que l’on ait oublié ses qualités et son talent d’écrivaine, pour se focaliser sur la prisonnière. Quand elle apparut, au début des années 90, sa voix a été immédiatement perçue comme d’une originalité remarquable.
Puis, à travers ses romans, et nouvelle après nouvelle, elle a imposé sa “petite musique”.
Elle a toujours innové, et continue, ce qui n’est pas le moindre de ses talents, à travers ses oeuvres de fiction, introduisant des portraits de femmes issues de tous les niveaux de la société, femmes en souffrance et en décalage avec leur environnement social, avec les comportements attendus, étranges voyageuses au Brésil ou dans la Mitteleuropa. Elle a inventé des paysages nouveaux en bordure du monde, comme celui que traverse le groupe de trekkers dans le récit Les Oiseaux de bois (Tahta Kuşlar).
Nous découvrons aujourd’hui ses articles écrits avec force et poésie, dont certains parurent dans le journal auquel elle est accusée d’avoir contribué. Puissamment politiques, profondément critiques et totalement convaincants !
Mais le plus important, c’est de redire que ses articles n’ont rien à voir avec l’écriture militante ordinaire. Ce sont de purs bijoux, une poésie en prose sur un paysage de souffrance et de terreur.
Parfois, ses textes approchent l’écriture apocalyptique et somptueuse des poèmes de Rilke, auquel elle fait si souvent allusion et que si souvent aussi elle cite.
La Turquie vaut mieux que l’image que nous avons d’elle. Quoique problématique à plusieurs titres, ce pays n’a jamais cessé de donner de nouvelles générations d’auteurs et d’artistes qui ont, à travers leurs ambitions créatrices, combattu pour exister, pour imposer de nouvelles formes littéraires et défendre leur vision de l’humanisme. C’est pourquoi nous déplorons que ce pays dont nous avons, en tant que maison d’édition, promu la littérature depuis 15 ans, le pays dont nous continuons de soutenir avec foi la littérature, le pays qui régulièrement se plaint de sa mauvaise image à l’étranger, en est arrivé à ce point. Insensé, et cruel.
Nous savons que les conditions de sa détention, loin de s’être améliorées, ont au contraire empiré.
La meilleure chose que ses amis et ses éditeurs étrangers peuvent faire est de continuer d’exiger sa liberté. Des voix s’élèvent depuis la Turquie la Norvège, l’Italie, la France, l’Allemagne, la Pologne (et sûrement d’autres encore) et elles ne se tairont pas : nous réclamons le retour d’Aslı Erdoğan à une vie normale, il n’y a pas d’autre solution.
Et nous ne baisserons pas les bras. »
Timour Muhidine, directeur de la collection Lettres turques
Merci, je vais contacter les librairies près de chez moi pour lire le 1er décembre