« Plus de fer­me­ture de ser­vice de proxi­mi­té » qu’ils et qu’elles disent à La Répu­blique en marche.

Et pour­tant…

Non seule­ment le pro­jet de sup­pri­mer les mater­ni­tés d’Altkirch et de Thann est res­té dans les tuyaux, mais on a anti­ci­pé les délais de fer­me­ture, puisque selon la presse régio­nale (1), elle est pro­gram­mée pour le 4 novembre pro­chain, et non plus en 2020. A l’instar des sup­pres­sions de ser­vices, éga­le­ment pla­ni­fiées sur tout le ter­ri­toire, notam­ment à Pri­vas (Ardèche), à Feurs (Loire), à Bar le Duc (Meuse), etc. Un comble !

Face au risque d’une conver­gence natio­nale des oppo­si­tions publiques (2), impor­te­rait-il au gou­ver­ne­ment de ne pas s’encombrer d’une radi­ca­li­sa­tion des luttes, qui s’amoncelle sur la mon­tagne des colères ?

Loi d’airain

Une fois de plus, des déci­sions sont prises à l’encontre de la volon­té d’une écra­sante majo­ri­té des popu­la­tions concer­nées. Macron n’a jamais pré­ci­sé lors de sa can­di­da­ture qu’il allait conti­nuer la démo­li­tion des ser­vices publics dits de proxi­mi­té (tout comme pour le CETA). Or, les dis­po­si­tions prises il y a une quin­zaine d’année pour les mater­ni­tés et les urgences de Thann et Alt­kirch notam­ment, furent votées posi­ti­ve­ment par une écra­sante majo­ri­té d’élu-es concer­né-es, qui se sont lais­sé-es ber­ner apr des pro­messes de com­pen­sa­tions… Bruxelles pres­crit, les états combinent…

Le lou­voie­ment des poli­ti­cien-nes est une pra­tique indis­pen­sable au sein d’une démo­cra­tie chan­ce­lante. Les fer­me­tures des ser­vices de san­té (mater­ni­tés, urgences, chi­rur­gies…) auront aga­cé l’électorat, mais sa mémoire sera t‑elle une fois encore vacillante et précaire ?

Car ce n’est un secret pour per­sonne: la stra­té­gie gou­ver­ne­men­tale consiste à favo­ri­ser le pri­vé et les action­naires au détri­ment du ser­vice public, au détri­ment de la sécu­ri­té sociale et au détri­ment d’une par­tie de la popu­la­tion en dif­fi­cul­té pour accé­der aux soins ; rai­sons géo­gra­phiques, tem­po­relles,  financières… 

Qui va payer les hôtels annon­cés pour per­mettre aux femmes enceintes de pas­ser les der­niers jours de leur gros­sesse à proxi­mi­té d’une mater­ni­té, ou les dépas­se­ments d’honoraires lorsqu’il n’y aura plus d’autre choix que le pri­vé pour les soins ? 

La carence en pro­fes­sion­nels de san­té, en par­ti­cu­lier de méde­cins, s’aggrave avec la volon­té de décons­truire tout azi­mut des mis­sions du ser­vice public. Les can­di­da­tures en facul­té de méde­cine en sont réduites à peau de cha­grin, et ce n’est pas uni­que­ment par faute de can­di­dat-es. En paral­lèle, l’hôpital public refoule ses sala­rié-es, les fai­sant fuir vers le pri­vé ou vers une réorien­ta­tion pro­fes­sion­nelle. Le rejet sys­té­ma­tique des reven­di­ca­tions – des per­son­nels des urgences - par la Ministre de la san­té tra­duit bien une ferme et inébran­lable volon­té pro­gram­mée dans les cou­lisses du pou­voir. Mais le com­bat enga­gé par ces sala­rié-es depuis des mois n’est pas retom­bé, c’est même l’inverse…

Pen­dant que l’Agence natio­nale de sécu­ri­té sani­taire de l’alimentation, de l’environnement et du tra­vail (Anses) insiste sur l’indispensable réduc­tion du tra­fic rou­tier, la ministre de la san­té met les femmes enceintes, les malades et leurs familles sur les routes ! La « schi­zo­phré­nie » gou­ver­ne­men­tale est égale à celle de ses pré­dé­ces­seurs, où se trouve donc la nou­veau­té macronienne ?

Mer­ci Jeanne

A Thann/Cernay/Masevaux, si quelques élus locaux regrettent la déci­sion de fer­me­tures de ces mater­ni­tés (1), gros­so modo les mêmes qui furent toni­truants lors de la manif à Thann le 24 novembre der­nier, leur silence depuis cette date est conforme à leur louvoiement.

Il faut en revanche saluer le com­bat qu’a mené sans relâche la Maire de Hus­se­ren-Wes­ser­ling, Jeanne Stoltz-Nawrot – l’unique élue de la val­lée de la Thur et au-delà – qui refuse d’abandonner la défense pour la mater­ni­té than­noise. Elle avait notam­ment créé l’as­so­cia­tion REST. A l’in­verse de ses homo­logues, abdi­quant très vite une fois leur « élo­quence » enflam­mée devant la popu­la­tion et les médias (locaux et nationaux…)

Crous­tillants les quelques pro­pos du Maire de Thann, Romain Lut­trin­ger, que ses admi­nis­tré-es ont pu décou­vrir dans le bul­le­tin com­mu­nal : « … En fait, tout va bien… ». Mais si tout va si bien à l’hô­pi­tal, pour­quoi s’in­quié­ter ? Les habi­tant-es du pays Thur-Dol­ler tiennent à leur hôpi­tal, ils & elles l’ont clai­re­ment expri­mé à maintes reprises : notam­ment en 2016 pour sou­te­nir les urgences, puis en 2018 pour récla­mer le main­tien de la mater­ni­té. Idem pour la popu­la­tion du Sund­gau qui aura mani­fes­té, paral­lè­le­ment à la grève des per­son­nels des urgences d’Altkirch.

Le Maire de cette cité, Nico­las Jan­der, consi­dère que sa com­mune s’en sort bien (1), à contra­rio, son pré­dé­ces­seur regrette éga­le­ment la fer­me­ture du ser­vice hos­pi­ta­lier, mais qui n’a pas non plus en son temps fait des prouesses pour la défense des ser­vices publics de proxi­mi­té.

N. Jan­der a ava­li­sé une contre-par­tie en échange de la fer­me­ture de la mater­ni­té : sa trans­for­ma­tion en centre péri­na­tal. Son insis­tance à défendre les urgences 24heures/24 est rete­nue par l’ARS (Agence natio­nale de san­té – la voix du minis­tère), qui lui répon­dra en octobre pro­chain du des­tin de ce ser­vice : « les urgences de l’hôpital d’Altkirch seront main­te­nues jusqu’au 31 décembre et des solu­tions sont explo­rées pour main­te­nir un accueil des ‘’soins non pro­gram­més’’ », pré­cise l’ARS.

Ce maire espère : que le GHRMSA (3) trou­ve­ra le per­son­nel man­quant, qui offi­ciel­le­ment, serait à l’origine des diverses sup­pres­sions des ser­vices hos­pi­ta­liers. ». Pour la mater­ni­té, il pré­cise : « L’hôpital n’est pas mort si tout le monde joue le jeu et si les méde­cins libé­raux envoient leurs patients à Alt­kirch ». Si, si, si… avec des si on pour­rait mettre Buzyn en bouteille !

Avec la poli­tique de la déco­hé­sion sociale ram­pante, pour faire pas­ser la pilule, rien de mieux que la nov­langue, mais celle-ci semble ber­ner d’avantage les élu-es du peuple que lui-même. Pour­tant et mal­heu­reu­se­ment, cette déco­hé­sion n’est pas à son terme, alors que les dégâts consé­quents de cette vision du monde se font plus cruel­le­ment sen­tir, cette poli­tique mor­ti­fère garde son cap, sans que per­sonne ne puisse dire quand est-ce que cela fini­ra. Pour faire pas­ser la pilule, « on » ne sup­prime plus un hôpi­tal, « on » ferme ses ser­vices, un par un ; sans rou­vrir ceux qu’on a défi­ni­ti­ve­ment bouclés.

La Poste sup­prime les agences de proxi­mi­té, mais le ser­vice pos­tal reste ouvert (épi­ce­rie, bureau de tabac…)

Bien­tôt, la SNCF sup­pri­me­ra les gui­chets dans ses gares (de proxi­mi­té), les voya­geur-ses devront ache­ter leur billet dans une épi­ce­rie, bou­lan­ge­rie… Il fau­dra donc se dépla­cer dans un lieu pour un ache­ter un billet de train, pour rejoindre le lieux où on prend le train. Pour­quoi faire simple quand on peut faire com­pli­qué ! Une cer­taine manière d’envoyer les usa­gers des TER se pro­me­ner par d’autres che­mins que celui de fer. Et d’accroitre le taux de Co2.

Etc.

Mais lorsque l’État a sup­pri­mé nombre de Conseils des Prud’hommes en 2014, c’était sans les trans­fé­rer dans une épi­ce­rie ou un bis­trot, et pour cause…!

Le dis­po­si­tif néo-libé­ral a cinq armes de des­truc­tion mas­sive : déré­gu­ler, mar­chan­di­ser, répri­mer, endoc­tri­ner, concur­ren­cer. Un argu­ment: l’« inté­rêt général »… 

La confron­ta­tion avec les tra­vailleu­reus-es est un long fleuve tran­quille : la classe ouvrière, empê­trée par son ancrage cor­po­ra­tiste, n’a plus les reins suf­fi­sam­ment solides pour chan­ger la donne, or seule une lutte inter­pro­fes­sion­nelle intense dans sa forme et son temps pour­ra faire recu­ler ces cinq armes.

(1) https://www.dna.fr/edition-de-saint-louis-altkirch/2019/07/17/reactions

(2)) http://coordination-defense-sante.org/

(3) GHRMSA (grou­pe­ment hos­pi­ta­lier de la région de Mul­house Sud Alsace).