L’arrêté préfectoral signé le 28 septembre par le préfet du Haut-Rhin, Thierry Queffélec, vient d’autoriser la prolongation « illimitée » du stockage de 42 000 tonnes de déchets dangereux à Stocamine. Un dépôt constitué de déchets d’amiante, mercure, arsenic, quand il ne s’agit pas de produits non réellement identifiables…
Ce n’est pas le premier arrêté du genre, mais l’évènement semble constituer le point culminant d’une bataille citoyenne et militante menée sur près de 30 années avec les services de l’État, et marqué par de multiples tergiversations politiques et syndicales.
Nous y revenons au travers de notre série documentaire, et bientôt par un nouveau projet éditorial.
Un gâchis, et une menace pesant sur les générations futures, pour l’ensemble des associations opposantes, à commencer par Destocamine, et Alsace nature, pionnières dans la lutte contre un enfouissement qui ne devait être qu’un stockage réversible à l’origine, prévu censément pour durer 30 ans, en attendant que la solutionnisme technologique puisse inactiver ces substances toxiques…
D’après les MDPA (mines de potasse d’Alsace, propriétaire de Stocamine), citées par L’Alsace, « Les marchés publics sont signés et avaient été suspendus. Nous avons relancé nos prestataires, ils ont un mois pour mobiliser personnel et matériel ».
L’exploitant public, soupçonné par beaucoup d’avoir précipité le choix d’un confinement définitif, y ajoute cyniquement un motif d’urgence : « C’est un chantier inédit, les installations sont vieillissantes, dans une mine qui se referme sur elle-même, il pourrait y avoir de nombreux aléas. »
Du côté des opposants, Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, tient des propos peu amènes pour les responsables politiques :
« Depuis le début nous n’avons pas rencontré le Ministre une seule fois. il a vu les représentants de FNE (France nature environnement), mais pas une seule fois nous n’avons été convié à échanger avec lui. Là encore cela montre l’intérêt qu’il porte à la société civile organisée ».
S’indignant de l’indifférence des décisionnaires parisiens face au résultats de l’enquête publique : « 98% de vote défavorables à l’enquête publique et tout se déroule comme si c’était normal… »
Mais Stéphane Giraud énonce, comme d’autres, le crépuscule de l’État devant les citoyens : « Pour nous un des enjeux majeur est donc la confiance que le citoyen peut avoir dans la parole de l’État, et force est de constater qu’elle ne peut qu’être nulle ».
Établissant un parallèle direct avec le centre de stockage de déchets nucléaires prévu à Bure : « Comment croire une demi-seconde que Bure sera un site sécurisé et avec une possibilité de réversibilité alors que le gouvernement vient de s’asseoir une nouvelle fois sur la réversibilité de Stocamine, après une multitude de tentatives de modification de la loi pour essayer d’enterrer le dossier discrètement ! »
Le directeur de l’association environnementaliste se fait amère : « Béchu [Ministre de la Transition écologique] ne fait pas mieux que l’ensemble de ses prédécesseurs sur ce dossier. Il viendra en Alsace alors que la messe est dite pour distribuer des petits cadeaux destinés à faire passer la pilule, mais il oublie que l’acte posé pèsera lourd sur les relations entre les citoyens et l’État ».
S’il consentait à une éventuelle rencontre : « nous irons sans doute (même si pour l’heure la discussion interne n’a pas eu lieu) ». Toutefois, « cela restera un dialogue de sourd entre lui et nous ».
Stéphane Girard annonce un recours avec un référé suspension auprès du Tribunal administratif…
L’évènement a par ailleurs créé des tensions politiques au sein de la communauté d’agglomération mulhousienne (M2A), dont le président, Fabian Jordan, a récemment pris fait et cause pour l’enfouissement, à la surprise de beaucoup, provoquant ce faisant la démission du vice-président écologiste Loïc Minéry.