Comme la plupart des élus, Le Président du Conseil Départemental du Haut-Rhin a choisi de gaver la finance, quitte à s’en prendre aux plus démunis. Il l’a fait d’une manière indigne en exigeant une activité bénévole des allocataires du RSA.
En lui adressant une lettre ouverte, le CP68 montre qu’Eric Straumann pourrait faire immédiatement un autre choix, en mettant en œuvre, au moins partiellement, une autre répartition des richesses (c’est déjà tenté à Cadix, en Espagne). De quoi libérer les imaginations et mobiliser les énergies pour s’engager sur une autre voie où les plus pauvres cesseraient d’être ponctionnés au profit des plus riches.
Mais associations, syndicats, partis et citoyens engagés n’ont jamais vraiment cherché à reprendre ne serait-ce qu’une partie de ce que l’oligarchie financière nous a volé à travers les mécanismes des dettes publiques. Pourquoi ? La lettre ouverte du CP68 ne répond pas à cette question. Elle se contente de suggérer un procédé – un moratoire sur les remboursements – que d’ailleurs Eric Straumann utilise déjà, mais pas en faveur des allocataires du RSA et sans toucher aux intérêts de la finance.
Après y avoir ajouté quelques intertitres nous reprenons ci-dessous l’intégralité de cette lettre que le Conseil Populaire 68 pour l’abolition des dettes publiques (le CP68) a envoyée au Président du Conseil Départemental du Haut-Rhin
Lettre ouverte
À M. le Président du Conseil Départemental du Haut-Rhin
100 Avenue d’Alsace
BP 20351
68006 COLMAR Cedex
(+ copie à M. le Président du Conseil Départemental du Bas-Rhin)
Monsieur le Président du Conseil Départemental du Haut-Rhin,
La dette publique du Département a atteint le demi-milliard d’euros. Vos prédécesseurs dans vos fonctions ont toujours cherché à minimiser cette tare budgétaire. Un peu honteux, et réticents à reconnaître ce passif, ils ont aussi affiché beaucoup de prétention en laissant entendre qu’ils étaient en capacité de maîtriser une situation qui, en réalité, s’est dégradée d’année en année, comme dans presque toutes les collectivités locales (voir ici un tableau qui donne un aperçu de quelques dettes locales en Alsace).
Ces réflexes consternants d’élus cachotiers et fanfarons apparaissent hélas en tous lieux et à tous les niveaux de nos institutions. Si bien que les causes véritables des problèmes qui s’accumulent restent invisibles.
Les démunis sont stigmatisés. Les nantis sont gavés.
Dans la même situation que presque tous les élus, c’est à dire coincés entre des dettes croissantes et des dotations étatiques en forte baisse, vous n’avez pas eu l’audace, pour l’instant, d’affronter les vrais responsables de cet « effet ciseaux ». Plus grave : vous vous êtes distingués en désignant lâchement des boucs-émissaires, stigmatisant les plus démunis, allocataires du RSA. Votre collègue du département du Bas-Rhin n’a pas fait pas mieux : il met en cause, lui, l’hébergement d’urgence. Sans doute vous êtes vous concertés pour mettre au point une tactique odieuse où, dans les deux départements, les personnes les plus vulnérables sont prises en otage.
Cette façon de faire n’est pas seulement indigne. Elle est aussi économiquement inefficace. Elle est surtout politiquement très dangereuse, puisqu’elle favorise un obscurantisme d’extrême-droite qui s’incruste dans l’esprit de vos électeurs potentiels, envahis par la peur de se retrouver un jour dans la situation des plus démunis que vous avez placés dans votre collimateur.
Cette peur qui grandit suffit à faire « oublier » qu’il y a beaucoup plus nanti que soi…
Vous-mêmes, n’avez-vous pas « oublié » cela, puisque vous allez accepter de dilapider, presque sereinement, tous les ans, des sommes considérables rien que pour le paiement des intérêts de la dette du Département ? Quelle somme dépenserez-vous à cette fin durant cette année 2016 ? Une quinzaine de millions d’euros (avec un taux d’intérêts moyen de 3%) ? Peut-être plus d’une vingtaine de millions d’euros (avec un taux d’intérêts moyen qui dépasserait les 4%) ? Et tout cela pour quel résultat ?… Celui de gaver les plus nantis qui composent l’oligarchie financière que vous aurez renforcée dans ses pouvoirs, en lui donnant les moyens de nous étrangler davantage encore.
Sanctionnez les vrais responsables !
Si vous n’aviez pas « oublié » l’essentiel, au lieu de faire voter (illégalement) par le CD 68 une disposition qui stigmatise les plus démunis, vous auriez déjà fait voter (illégalement) un moratoire sur le paiement des intérêts de la dette du département. Vous auriez alors fait preuve de courage politique en sanctionnant les vrais responsables, au lieu de désigner lâchement à la vindicte populaire des cibles qui n’en peuvent mais.
Une vingtaine de millions d’euros ne suffiront pas à régler tous les problèmes ? Sans aucun doute !… Mais alors pourquoi ne pas exiger du gouvernement qu’il revoit immédiatement à la hausse ses dotations aux départements ? Ce qu’il pourrait facilement faire en affrontant son « adversaire, la finance » par la décision d’un moratoire sur le paiement des intérêts de la dette étatique, colossale elle aussi.
Au lieu d’avoir ce type d’exigence qui vous honorerait, vous vous acoquinez avec quelques personnages en « responsabilité » gouvernementale, et en visite, récemment, dans le département du Haut-Rhin. Vous semblez les avoir convaincus de renoncer à porter plainte contre votre décision illégale. C’est cohérent, dans le fond : ils défendent les mêmes intérêts que vous en donnant une priorité absolue à la finance.
Vous sanctionnez SNCF Réseau. Sanctionnez aussi la finance !
Dans certaines circonstances, vous avez pu donner l’impression, cependant, d’avoir la volonté de faire face. A la lecture des DNA du 21 décembre 2015 on apprend en effet que le conseil départemental du Haut-Rhin a décidé d’interrompre le paiement d’une dette due à SNCF Réseau dans le cadre d’un engagement du Département à financer à hauteur de 20,5 millions d’euros la 2e phase de la LGV Est européenne. Vous estimez en l’occurrence que la mauvaise qualité de la prestation offerte – on ne compte que 8 TGV journaliers en gare de Colmar – justifie la mise en place d’un moratoire sur les paiements. Ce qui a généré un impayé de 7,6 millions d’euros (+85 750 euros d’intérêts) que le Département doit à SNCF Réseau. L’affaire est devant le tribunal administratif.
Les allocataires du RSA ne doivent pas avoir à vos yeux le même statut que les usagers réguliers du TGV. Vous défendez ces derniers face à SNCF Réseau qui ne semble pas vous intimider autant que les banques privées dont vous n’osez pas mettre en cause « la mauvaise qualité des prestations ».
Nous vous engageons, M. le Président du Conseil Départemental, à surmonter vos réticences idéologiques et à étendre la technique du moratoire sur la dette publique du Département. Un moratoire qui porterait d’abord sur le paiement des intérêts de la dette. A compléter ensuite par un moratoire sélectif sur les capitaux restants dus, qu’un audit démocratique détermineraient. Il s’agirait avant tout de donner priorité à l’humain plutôt qu’aux profits d’une finance prédatrice.
La transparence en vue d’une autre répartition des richesses.
Ces dernières années, nous avons échangé plusieurs courriers avec votre prédécesseur, pour tenter de faire la lumière sur la dette du Département du Haut-Rhin. Il n’a pas montré beaucoup d’enthousiasme à l’idée de contribuer à la réalisation de cet audit de la dette. Sa dernière lettre, celle qu’il nous a adressée juste avant son départ, comportait un gros mensonge, puisqu’il y niait l’existence des « toxiques » dans les comptes du Département… en décrivant des produits financiers qui sont, justement des « toxiques » (Voir ici un extrait du rapport de la Chambre Régionale des Comptes (CRC), datant de février 2013. Face à l’opacité organisée par le Conseil Départemental, la CRC reste pour nous la seule source d’information fiable).
Voilà un exemple de créance qu’un élu doté d’un minimum de sens moral devrait refuser de rembourser : ces produits ont été élaborés par des financiers qui, manifestement, ont cherché à abuser les collectivités. Leurs « prestations » ne sont pas seulement « de mauvaise qualité », elles s’apparentent à de la délinquance financière. Qu’attendez-vous pour la stigmatiser et la sanctionner par un moratoire sélectif sur les remboursements de la dette publique ?
Nous avions déjà sollicité votre prédécesseur pour qu’il organise la transparence sur la dette du Département. Nous réitérons notre demande : annoncez publiquement et suffisamment tôt l’échéance d’une annuité, vous susciterez alors le débat sur la question de savoir si elle doit, ou non, être payée. Une façon de faire qui ne permet pas seulement d’éclairer une des causes occultées du marasme actuel. Elle permettra aussi de faire des choix politiques, au sens noble du terme, qui engageront concrètement une autre répartition des richesses.
La méthode utilisée par le gouvernement municipal de Cadix, en Espagne, pourrait vous inspirer. Il a calculé l’allègement partiel de la dette de la Ville qu’il envisage d’effectuer pour cause d’illégitimité (voir sur le site du CADTM l’article : Le gouvernement municipal de Cadix juge que la majeure partie de la dette de la Ville devrait être considérée comme illégitime).
Stop au gâchis. Oui aux initiatives associatives et citoyennes
Nous vous suggérons d’en parler au président du conseil départemental du Bas-Rhin qui s’enlise, comme vous-mêmes, dans de faux débats. Vous seriez pour la renationalisation du RSA. Lui, non. Mais ni lui, ni vous, n’avez fait quoi que ce soit pour que tous les ayant-droits au RSA puissent en bénéficier. En effet, des statistiques nationales montrent qu’un tiers d’entre eux ne le reçoivent pas. Avez-vous agi pour qu’en Alsace ce soit différent ?… On vous voit surtout agir, pour l’instant, en sens contraire : vous cherchez à priver de leur droit les actuels allocataires en occultant systématiquement le fond du débat. A savoir que les richesses créées sont accaparées par une oligarchie à l’appétit sans limite.
La transparence totale que nous vous demandons sur la gestion de la dette publique du Département vise naturellement à rendre visible aux yeux de tous l’immense gâchis financier que représente le paiement des intérêts et du capital de certains emprunts. C’est aussi un immense gâchis humain, puisque les sommes dilapidées pourraient être utilisées à satisfaire des besoins sociaux, écologiques et économiques. Un regain d’activité et une réduction du chômage en résulteraient.
Gageons que si ces sommes étaient mises au service de la réalisation des nombreux projets déjà imaginés par les associations et les citoyens les plus actifs de ce département, beaucoup de choses changeraient. A l’évidence, cette nouvelle répartition des richesses générerait une nouvelle et salutaire dynamique.
Nous vous prions de croire, Monsieur le Président du Conseil Départemental du Haut-Rhin, qu’une telle dynamique aurait notre soutien. Et nous espérons qu’une forte mobilisation sociale, comme celle qui se profile, suffira à neutraliser les appréhensions qu’elle suscite encore chez vous.
Le CP68
(Conseil populaire 68 pour l’abolition des dettes publiques)
Pétition :
N’oubliez pas de signer la pétition en ligne : « Non au bénévolat obligatoire »
Vous la trouverez également en accédant à un article qui lui est consacré sur ce site.