Comme la plu­part des élus, Le Pré­sident du Conseil Dépar­te­men­tal du Haut-Rhin a choi­si de gaver la finance, quitte à s’en prendre aux plus dému­nis. Il l’a fait d’une manière indigne en exi­geant une acti­vi­té béné­vole des allo­ca­taires du RSA.

En lui adres­sant une lettre ouverte, le CP68 montre qu’E­ric Strau­mann pour­rait faire immé­dia­te­ment un autre choix, en met­tant en œuvre, au moins par­tiel­le­ment, une autre répar­ti­tion des richesses (c’est déjà ten­té à Cadix, en Espagne). De quoi libé­rer les ima­gi­na­tions et mobi­li­ser les éner­gies pour s’en­ga­ger sur une autre voie où les plus pauvres ces­se­raient d’être ponc­tion­nés au pro­fit des plus riches.

Mais asso­cia­tions, syn­di­cats, par­tis et citoyens enga­gés n’ont jamais vrai­ment cher­ché à reprendre ne serait-ce qu’une par­tie de ce que l’o­li­gar­chie finan­cière nous a volé à tra­vers les méca­nismes des dettes publiques. Pour­quoi ? La lettre ouverte du CP68 ne répond pas à cette ques­tion. Elle se contente de sug­gé­rer un pro­cé­dé – un mora­toire sur les rem­bour­se­ments – que d’ailleurs Eric Strau­mann uti­lise déjà, mais pas en faveur des allo­ca­taires du RSA et sans tou­cher aux inté­rêts de la finance. 

Après y avoir ajou­té quelques inter­titres nous repre­nons ci-des­sous l’in­té­gra­li­té de cette lettre que le Conseil Popu­laire 68 pour l’a­bo­li­tion des dettes publiques (le CP68) a envoyée au Pré­sident du Conseil Dépar­te­men­tal du Haut-Rhin

LogoCP68Mul­house, le 10 mars 2016

Lettre ouverte

À M. le Pré­sident du Conseil Dépar­te­men­tal du Haut-Rhin

100 Ave­nue d’Alsace

BP 20351

68006 COLMAR Cedex

(+ copie à M. le Pré­sident du Conseil Dépar­te­men­tal du Bas-Rhin)

Mon­sieur le Pré­sident du Conseil Dépar­te­men­tal du Haut-Rhin,

La dette publique du Dépar­te­ment a atteint le demi-mil­liard d’eu­ros. Vos pré­dé­ces­seurs dans vos fonc­tions ont tou­jours cher­ché à mini­mi­ser cette tare bud­gé­taire. Un peu hon­teux, et réti­cents à recon­naître ce pas­sif, ils ont aus­si affi­ché beau­coup de pré­ten­tion en lais­sant entendre qu’ils étaient en capa­ci­té de maî­tri­ser une situa­tion qui, en réa­li­té, s’est dégra­dée d’an­née en année, comme dans presque toutes les col­lec­ti­vi­tés locales (voir ici un tableau qui donne un aper­çu de quelques dettes locales en Alsace).

Ces réflexes conster­nants d’é­lus cacho­tiers et fan­fa­rons appa­raissent hélas en tous lieux et à tous les niveaux de nos ins­ti­tu­tions. Si bien que les causes véri­tables des pro­blèmes qui s’ac­cu­mulent res­tent invi­sibles.

Les démunis sont stigmatisés. Les nantis sont gavés.

Dans la même situa­tion que presque tous les élus, c’est à dire coin­cés entre des dettes crois­santes et des dota­tions éta­tiques en forte baisse, vous n’a­vez pas eu l’au­dace, pour l’ins­tant, d’af­fron­ter les vrais res­pon­sables de cet « effet ciseaux ». Plus grave : vous vous êtes dis­tin­gués en dési­gnant lâche­ment des boucs-émis­saires, stig­ma­ti­sant les plus dému­nis, allo­ca­taires du RSA. Votre col­lègue du dépar­te­ment du Bas-Rhin n’a pas fait pas mieux : il met en cause, lui, l’hé­ber­ge­ment d’ur­gence. Sans doute vous êtes vous concer­tés pour mettre au point une tac­tique odieuse où, dans les deux dépar­te­ments, les per­sonnes les plus vul­né­rables sont prises en otage.

Cette façon de faire n’est pas seule­ment indigne. Elle est aus­si éco­no­mi­que­ment inef­fi­cace. Elle est sur­tout poli­ti­que­ment très dan­ge­reuse, puis­qu’elle favo­rise un obs­cu­ran­tisme d’ex­trême-droite qui s’in­cruste dans l’es­prit de vos élec­teurs poten­tiels, enva­his par la peur de se retrou­ver un jour dans la situa­tion des plus dému­nis que vous avez pla­cés dans votre collimateur.

Cette peur qui gran­dit suf­fit à faire « oublier » qu’il y a beau­coup plus nan­ti que soi…

Vous-mêmes, n’a­vez-vous pas « oublié » cela, puisque vous allez accep­ter de dila­pi­der, presque serei­ne­ment, tous les ans, des sommes consi­dé­rables rien que pour le paie­ment des inté­rêts de la dette du Dépar­te­ment ? Quelle somme dépen­se­rez-vous à cette fin durant cette année 2016 ? Une quin­zaine de mil­lions d’eu­ros (avec un taux d’in­té­rêts moyen de 3%) ? Peut-être plus d’une ving­taine de mil­lions d’eu­ros (avec un taux d’in­té­rêts moyen qui dépas­se­rait les 4%) ? Et tout cela pour quel résul­tat ?… Celui de gaver les plus nan­tis qui com­posent l’o­li­gar­chie finan­cière que vous aurez ren­for­cée dans ses pou­voirs, en lui don­nant les moyens de nous étran­gler davan­tage encore.

Sanctionnez les vrais responsables !

Si vous n’a­viez pas « oublié » l’es­sen­tiel, au lieu de faire voter (illé­ga­le­ment) par le CD 68 une dis­po­si­tion qui stig­ma­tise les plus dému­nis, vous auriez déjà fait voter (illé­ga­le­ment) un mora­toire sur le paie­ment des inté­rêts de la dette du dépar­te­ment. Vous auriez alors fait preuve de cou­rage poli­tique en sanc­tion­nant les vrais res­pon­sables, au lieu de dési­gner lâche­ment à la vin­dicte popu­laire des cibles qui n’en peuvent mais.

TOUJOURS EN AVANCE D'UNE GUERRE...Une ving­taine de mil­lions d’eu­ros ne suf­fi­ront pas à régler tous les pro­blèmes ? Sans aucun doute !… Mais alors pour­quoi ne pas exi­ger du gou­ver­ne­ment qu’il revoit immé­dia­te­ment à la hausse ses dota­tions aux dépar­te­ments ? Ce qu’il pour­rait faci­le­ment faire en affron­tant son « adver­saire, la finance » par la déci­sion d’un mora­toire sur le paie­ment des inté­rêts de la dette éta­tique, colos­sale elle aussi.

Au lieu d’a­voir ce type d’exi­gence qui vous hono­re­rait, vous vous aco­qui­nez avec quelques per­son­nages en « res­pon­sa­bi­li­té » gou­ver­ne­men­tale, et en visite, récem­ment, dans le dépar­te­ment du Haut-Rhin. Vous sem­blez les avoir convain­cus de renon­cer à por­ter plainte contre votre déci­sion illé­gale. C’est cohé­rent, dans le fond : ils défendent les mêmes inté­rêts que vous en don­nant une prio­ri­té abso­lue à la finance.

Vous sanctionnez SNCF Réseau. Sanctionnez aussi la finance !

Dans cer­taines cir­cons­tances, vous avez pu don­ner l’im­pres­sion, cepen­dant, d’a­voir la volon­té de faire face. A la lec­ture des DNA du 21 décembre 2015 on apprend en effet que le conseil dépar­te­men­tal du Haut-Rhin a déci­dé d’in­ter­rompre le paie­ment d’une dette due à SNCF Réseau dans le cadre d’un enga­ge­ment du Dépar­te­ment à finan­cer à hau­teur de 20,5 mil­lions d’eu­ros la 2e phase de la LGV Est euro­péenne. Vous esti­mez en l’oc­cur­rence que la mau­vaise qua­li­té de la pres­ta­tion offerte – on ne compte que 8 TGV jour­na­liers en gare de Col­mar – jus­ti­fie la mise en place d’un mora­toire sur les paie­ments. Ce qui a géné­ré un impayé de 7,6 mil­lions d’eu­ros (+85 750 euros d’in­té­rêts) que le Dépar­te­ment doit à SNCF Réseau. L’af­faire est devant le tri­bu­nal administratif.

Les allo­ca­taires du RSA ne doivent pas avoir à vos yeux le même sta­tut que les usa­gers régu­liers du TGV. Vous défen­dez ces der­niers face à SNCF Réseau qui ne semble pas vous inti­mi­der autant que les banques pri­vées dont vous n’o­sez pas mettre en cause « la mau­vaise qua­li­té des pres­ta­tions ».

Nous vous enga­geons, M. le Pré­sident du Conseil Dépar­te­men­tal, à sur­mon­ter vos réti­cences idéo­lo­giques et à étendre la tech­nique du mora­toire sur la dette publique du Dépar­te­ment. Un mora­toire qui por­te­rait d’a­bord sur le paie­ment des inté­rêts de la dette. A com­plé­ter ensuite par un mora­toire sélec­tif sur les capi­taux res­tants dus, qu’un audit démo­cra­tique déter­mi­ne­raient. Il s’a­gi­rait avant tout de don­ner prio­ri­té à l’hu­main plu­tôt qu’aux pro­fits d’une finance prédatrice.

La transparence en vue d’une autre répartition des richesses.

Ces der­nières années, nous avons échan­gé plu­sieurs cour­riers avec votre pré­dé­ces­seur, pour ten­ter de faire la lumière sur la dette du Dépar­te­ment du Haut-Rhin. Il n’a pas mon­tré beau­coup d’en­thou­siasme à l’i­dée de contri­buer à la réa­li­sa­tion de cet audit de la dette. Sa der­nière lettre, celle qu’il nous a adres­sée juste avant son départ, com­por­tait un gros men­songe, puis­qu’il y niait l’exis­tence des « toxiques » dans les comptes du Dépar­te­ment… en décri­vant des pro­duits finan­ciers qui sont, jus­te­ment des « toxiques » (Voir ici un extrait du rap­port de la Chambre Régio­nale des Comptes (CRC), datant de février 2013. Face à l’o­pa­ci­té orga­ni­sée par le Conseil Dépar­te­men­tal, la CRC reste pour nous la seule source d’in­for­ma­tion fiable).

Voi­là un exemple de créance qu’un élu doté d’un mini­mum de sens moral devrait refu­ser de rem­bour­ser : ces pro­duits ont été éla­bo­rés par des finan­ciers qui, mani­fes­te­ment, ont cher­ché à abu­ser les col­lec­ti­vi­tés. Leurs « pres­ta­tions » ne sont pas seule­ment « de mau­vaise qua­li­té », elles s’ap­pa­rentent à de la délin­quance finan­cière. Qu’at­ten­dez-vous pour la stig­ma­ti­ser et la sanc­tion­ner par un mora­toire sélec­tif sur les rem­bour­se­ments de la dette publique ?

Nous avions déjà sol­li­ci­té votre pré­dé­ces­seur pour qu’il orga­nise la trans­pa­rence sur la dette du Dépar­te­ment. Nous réité­rons notre demande : annon­cez publi­que­ment et suf­fi­sam­ment tôt l’é­chéance d’une annui­té, vous sus­ci­te­rez alors le débat sur la ques­tion de savoir si elle doit, ou non, être payée. Une façon de faire qui ne per­met pas seule­ment d’é­clai­rer une des causes occul­tées du marasme actuel. Elle per­met­tra aus­si de faire des choix poli­tiques, au sens noble du terme, qui enga­ge­ront concrè­te­ment une autre répar­ti­tion des richesses.

La méthode uti­li­sée par le gou­ver­ne­ment muni­ci­pal de Cadix, en Espagne, pour­rait vous ins­pi­rer. Il a cal­cu­lé l’al­lè­ge­ment par­tiel de la dette de la Ville qu’il envi­sage d’ef­fec­tuer pour cause d’illé­gi­ti­mi­té (voir sur le site du CADTM l’ar­ticle : Le gou­ver­ne­ment muni­ci­pal de Cadix juge que la majeure par­tie de la dette de la Ville devrait être consi­dé­rée comme illé­gi­time).

Stop au gâchis. Oui aux initiatives associatives et citoyennes

Nous vous sug­gé­rons d’en par­ler au pré­sident du conseil dépar­te­men­tal du Bas-Rhin qui s’en­lise, comme vous-mêmes, dans de faux débats. Vous seriez pour la rena­tio­na­li­sa­tion du RSA. Lui, non. Mais ni lui, ni vous, n’a­vez fait quoi que ce soit pour que tous les ayant-droits au RSA puissent en béné­fi­cier. En effet, des sta­tis­tiques natio­nales montrent qu’un tiers d’entre eux ne le reçoivent pas. Avez-vous agi pour qu’en Alsace ce soit dif­fé­rent ?… On vous voit sur­tout agir, pour l’ins­tant, en sens contraire : vous cher­chez à pri­ver de leur droit les actuels allo­ca­taires en occul­tant sys­té­ma­ti­que­ment le fond du débat. A savoir que les richesses créées sont acca­pa­rées par une oli­gar­chie à l’ap­pé­tit sans limite.

PARTAGE EQUITABLE DES RICHESSESLa trans­pa­rence totale que nous vous deman­dons sur la ges­tion de la dette publique du Dépar­te­ment vise natu­rel­le­ment à rendre visible aux yeux de tous l’im­mense gâchis finan­cier que repré­sente le paie­ment des inté­rêts et du capi­tal de cer­tains emprunts. C’est aus­si un immense gâchis humain, puisque les sommes dila­pi­dées pour­raient être uti­li­sées à satis­faire des besoins sociaux, éco­lo­giques et éco­no­miques. Un regain d’ac­ti­vi­té et une réduc­tion du chô­mage en résulteraient.

Gageons que si ces sommes étaient mises au ser­vice de la réa­li­sa­tion des nom­breux pro­jets déjà ima­gi­nés par les asso­cia­tions et les citoyens les plus actifs de ce dépar­te­ment, beau­coup de choses chan­ge­raient. A l’é­vi­dence, cette nou­velle répar­ti­tion des richesses géné­re­rait une nou­velle et salu­taire dynamique.

Nous vous prions de croire, Mon­sieur le Pré­sident du Conseil Dépar­te­men­tal du Haut-Rhin, qu’une telle dyna­mique aurait notre sou­tien. Et nous espé­rons qu’une forte mobi­li­sa­tion sociale, comme celle qui se pro­file, suf­fi­ra à neu­tra­li­ser les appré­hen­sions qu’elle sus­cite encore chez vous.

Le CP68

(Conseil popu­laire 68 pour l’a­bo­li­tion des dettes publiques)

Péti­tion :

N’ou­bliez pas de signer la péti­tion en ligne : « Non au béné­vo­lat obligatoire »

Vous la trou­ve­rez éga­le­ment en accé­dant à un article qui lui est consa­cré sur ce site.