« Nos » élus ont été élus pour ser­vir l’in­té­rêt géné­ral. C’est du moins ce qu’ils ont pré­ten­du quand ils étaient can­di­dats, et c’est ce qu’ils conti­nuent de pré­tendre main­te­nant qu’ils sont élus. Et c’est aus­si ce qu’ont cru, et conti­nuent de croire, la plu­part de ceux qui sont allés voter. Mais quand on exa­mine les choses d’un peu plus près, on découvre une toute autre réalité…

Regar­dez !… Rien qu’à Mulhouse :

La muni­ci­pa­li­té envoie des agents au secours de « Starbucks »

Une dis­tri­bu­tion de tracts avec ban­de­role contre la loi tra­vail a eu lieu à Mul­house, le same­di 7 mai, Place des Vic­toires. Une ges­tion­naire d’un café « Star­bucks », récem­ment inau­gu­ré au même endroit, a esti­mé qu’une telle acti­vi­té mili­tante déployée par des « Nuit debout » était de nature à ter­nir l’i­mage de son esta­mi­net et à faire fuir sa clien­tèle poten­tielle (voir sur le site de L’Alterpresse68 l’ar­ticle : A Mul­house, la police muni­ci­pale fait fort de café !). Des poli­ciers muni­ci­paux, débar­quant là par « hasard », ont été auto­ri­sés, pro­ba­ble­ment par des élus, à faire place nette, rame­nant du même coup séré­ni­té et espoir de lucre dans une zone désor­mais star­buck­si­sée par des agents, payés par le contri­buable, et sans doute man­da­tés par des « auto­ri­tés » qui portent ain­si atteinte à la liber­té d’ex­pres­sion. Ce n’est pas seule­ment illé­gal. C’est aus­si une pro­vo­ca­tion poli­tique qui mérite riposte, puisque cette Place des Vic­toires par­tiel­le­ment et pro­vi­soi­re­ment star­buck­si­sée est un haut lieu mili­tant où, depuis de nom­breuses années des cen­taines de mil­liers de tracts ont déjà été dis­tri­bués. Diverses asso­cia­tions s’ap­prêtent à sou­te­nir une inter­pel­la­tion du maire de Mulhouse.

Il est vrai qu’ob­nu­bi­lés par leur sou­mis­sion à la loi du plus fort et du plus libé­ral, nos élus ne pou­vaient guère se sou­ve­nir qu’à tra­vers StarbucksEvasionFiscale2« Star­bucks » ils ont affaire à une mul­ti­na­tio­nale spé­cia­liste de l’é­va­sion fis­cale, que même la Com­mis­sion euro­péenne dénonce. Elle envi­sa­ge­rait à l’en­contre de cette firme des redres­se­ments fis­caux de plu­sieurs dizaines de mil­lions d’euros.

Si l’ac­tion cou­ra­geuse de lan­ceurs d’a­lerte comme Antoine Del­tour contri­bue à accé­lé­rer quelque peu ce genre de ren­trées fis­cales, il faut bien consta­ter qu’on ne peut pas deman­der à nos élus de faire preuve du même cou­rage poli­tique : le nez dans leur gui­don libé­ral, ils ne trouvent rien de plus urgent que de faire place nette Place des Vic­toires au pro­fit de la mul­ti­na­tio­nale du prêt-à-boire-du-café. Cette mul­ti­na­tio­nale les impres­sionne, les sub­jugue, même. Pas for­cé­ment pour les mêmes rai­sons qui poussent cer­tains à faire la queue pour avoir le droit d’a­va­ler son breu­vage. Ce qui les fas­cine, c’est que chez « Star­buck », ce n’est pas seule­ment le café qui coule à flot, mais sur­tout le fric. Tan­dis que les caisses de la muni­ci­pa­li­té sont vides, déses­pé­ré­ment vides. Ne deman­dez pas non plus aux élus mul­hou­siens de réflé­chir aux liens à éta­blir entre les coffres pleins de la mul­ti­na­tio­nale et les caisses vides de la Ville : ils risquent dare-dare de vous envoyer la police. Chez eux c’est qua­si­ment deve­nu un réflexe. C’est com­pul­sif. Qu’ils aient ava­lé un café, ou pas.

La muni­ci­pa­li­té au ser­vice de Barclays

La police avait aus­si été appe­lée à la rescousse(1) (voir l’ar­ticle : Dettes publiques : la police en ren­fort !) quand, tract à l’ap­pui, des mili­tant-e‑s du CP68 se sont per­mis de pro­po­ser une péti­tion à des parents d’é­lèves pour leur faire savoir qu’en don­nant prio­ri­té au rem­bour­se­ment des dettes publiques les élus locaux sacri­fient les jeunes et la qua­li­té de l’or­ga­ni­sa­tion des rythmes sco­laires. Et avec quel résul­tat ? Engrais­ser les pré­da­teurs et les délin­quants de la finance inter­na­tio­nale qui ont pu orga­ni­ser, sans ren­con­trer de résis­tance, 3 gigan­tesques bra­quages sur Mul­house et envi­rons durant l’é­té 2015 (voir, par exemple l’ar­ticle : Des élus hébé­tés face à une ten­ta­tive de bra­quage sous la menace d’un toxique (juillet 2015)).

En résu­mé : dans cette affaire, les élus mul­hou­siens ont déci­dé de capi­tu­ler et de (re)négocier un emprunt par­ti­cu­liè­re­ment toxique. Pour un capi­tal res­tant dû d’en­vi­ron 10 mil­lions d’eu­ros il a fal­lu ver­ser, en sus, une péna­li­té de plus de 28 mil­lions d’eu­ros (inté­rêts d’un prêt impo­sé com­pris). Ce gigan­tesque hold-up au détri­ment des Mul­hou­siens a été vali­dé par le conseil muni­ci­pal. Pire : pour camou­fler les délits ban­caires com­mis, les élus ont accep­té de reti­rer une plainte qu’ils avaient dépo­sée et se sont sou­mis à la loi du silence, impo­sée par les banques autour de ce scan­dale. L’Alterpresse68 et Poli­tis (l’ar­ticle est ici) sont les seuls jour­naux qui ont pris le risque de rompre la « clause de confi­den­tia­li­té » par laquelle il était exi­gé que la presse ne publie rien sur la question(2). Ne deman­dez pas aux élus muni­ci­paux pour­quoi ils ont com­pro­mis à ce point l’a­ve­nir de la Ville. Ils n’ont même pas osé deman­der au maire et à son adjoint aux finances au pro­fit de quelle banque ils ont dépouillé les Mul­hou­siens. C’est le CP68 qui le leur a pré­ci­sé en consul­tant un lis­ting qui avait fui­té et que le jour­nal « Libé­ra­tion » a Barclays2publié en 2011 : il s’a­git de la banque BARCLAYS. Deux autres hold-up impor­tants ont été com­mis durant l’é­té 2015, au détri­ment du SIVOM de la région de Mul­house, et au détri­ment de M2A. Ces deux mau­vais coups ont été concoc­tés avec beau­coup plus de dis­cré­tion. On ne connait pas encore les mon­tants exacts des sommes extor­quées. Ce qu’on sait, c’est qu’elles ont pro­fi­té aux banques JP MORGAN et RBS.

Les élus au ser­vice d’eux-mêmes

La dette (123 mil­lions d’eu­ros) du bud­get trans­port – qui est un bud­get annexe du bud­get prin­ci­pal de M2A – est énorme, puis­qu’elle est plus éle­vée que celle du bud­get prin­ci­pal de M2A (117 mil­lions d’euros).

D’où vient cette dette ? Il serait éton­nant que J.M. Bockel nous le pré­cise à l’oc­ca­sion du 10ème anni­ver­saire du tram, qu’il entend fêter en grande pompe le 13 mai 2016. Même P. Frey­bur­ger (élu qui a démis­sion­né il y a plus d’un an) est res­té assez mys­té­rieux à ce sujet dans l’in­ter­view qu’il a accor­dée à L’Alterpresse68 en mars 2015 (voir : Entre­tien avec Pierre Frey­bur­ger)…

Nos élus se servent sans ver­gogne : ils réservent la gra­tui­té des trans­ports aux seuls pin­gouins qui viennent les applau­dir à la céré­mo­nie des vœux du maire (de Mul­house) en jan­vier. Ils n’ac­cordent la gra­tui­té des trans­ports que pour un jour. Pour que leur fête soit réus­sie et leur gloire por­tée au plus haut le 13 mai 2016, comme ce fut le cas le 13 mai 2006.

Gratuite2Mais, lorsque la reven­di­ca­tion d’une gra­tui­té per­ma­nente de tous les trans­ports au sein de M2A est avan­cée, (voir l’ar­ticle : Gra­tui­té = Très Haut Niveau de Ser­vice ! Voir aus­si : SOLEA : chasse aux frau­deurs ou trans­ports gra­tuits ? (avril 2015))

ceux qui la portent sont trai­tés d’irresponsables. Alors qu’un cer­tain nombre de col­lec­ti­vi­tés locales – cer­taines gérées par la droite – ont déjà adop­té cette gra­tui­té totale. Et ce, pour des rai­sons évi­dentes : à la fois éco­no­miques, éco­lo­giques, sociales et politiques.

Pire : les élus de Mul­house et M2A orga­nisent à pré­sent des régres­sions en matière de gra­tui­té des trans­ports. Le conseil M2A a en effet déci­dé, à l’u­na­ni­mi­té moins une abs­ten­tion, le 24 mars 2016, de faire payer désor­mais un abon­ne­ment annuel de 180 euros à 700 familles de col­lé­giens qui béné­fi­ciaient jus­qu’i­ci de tickets gra­tuits pour le tra­jet domi­cile-col­lège. Un coup tor­du du même genre est pro­gram­mé à l’en­contre des sala­riés (et des retrai­tés) de Soléa et de leur famille qui ne béné­fi­cie­ront plus de la gra­tui­té des trans­ports sur le réseau de la com­mu­nau­té urbaine mul­hou­sienne.  A moins que la grève à Soléa, pré­vue le 13 mai 2016, le jour de la « fête » des dix ans, porte quelques fruits…

« Nos » élus sont obsé­dés par un seul objec­tif : don­ner la prio­ri­té abso­lue au paie­ment des inté­rêts et au rem­bour­se­ment du capi­tal des dettes contrac­tées. Que l’in­té­rêt géné­ral en pâtisse gra­ve­ment, ils refusent de le voir.

Une forme d’obs­cu­ran­tisme qui ne pour­ra s’es­tom­per que sous l’ef­fet des luttes et de leur conver­gence. Sur la reven­di­ca­tion de la gra­tui­té des trans­ports sur le ter­ri­toire M2A, une conver­gence est-elle pos­sible entre des sala­riés Soléa, et des « Nuit debout » ? Et quels sont les ordres que nos élus don­ne­ront à la police si cette conver­gence com­mence à voir le jour ?!…

Le 12 mai 2016,

B. Schaef­fer

1) Autre exemple qui montre que la convo­ca­tion des forces de « l’ordre » est un réflexe bien ancré dans l’es­prit de nos élus, au point que la police elle-même est par­fois mise dans l’embarras : voir l’ar­ticle paru dans L’Alterpresse68 le dimanche du deuxième tour des élec­tions dépar­te­men­tales : Le vote élec­tro­nique : au poste de police ! (mars 2015). L’ap­pel à la police natio­nale en ce dimanche de mars 2015 était alors, pour nos élus, une ten­ta­tive déses­pé­rée pour ten­ter de sur­mon­ter les inex­tri­cables contra­dic­tions dans les­quelles ils s’en­ferment en s’obs­ti­nant à impo­ser le vote élec­tro­nique à Mul­house, aban­don­né presque partout.

2) Pour plus d’in­fos voir sur le site de L’Alterpresse68 : Dettes publiques de Mul­house et d’ailleurs : dos­sier pour infor­mer et pour agir (juillet 2015) ; la clause de confi­den­tia­li­té inté­grée au pro­to­cole d’ac­cord et publiée par L’Alterpresse68 est consul­table ici. Voir aus­si une inter­pel­la­tion des conseillers muni­ci­paux de Mul­house sous la forme d’un tract dis­tri­bué le 12 octobre 2015 par le CP68. Il résume tous les silences et les trouilles de nos élus qui en font des fau­teurs de « chien­lit », pour reprendre un terme qu’af­fec­tionne un de leur chef de file (Sar­ko­zy) qui l’at­tri­bue à tous les syn­di­ca­listes et contestataires.