Ce mercredi 24 février 2015 une vingtaine de personnes étaient réunies au restaurant de la Table de la Fonderie à Mulhouse dans le cadre des soirées de la «Fabrique à projets» pour débattre sur le thème de la «dette publique» et de la «réappropriation populaire de la finance».
Dans son exposé liminaire Bernard Schaeffer, du Conseil Populaire 68 pour l’abolition des dettes publiques (CP68), a dénoncé «les cadeaux fiscaux aux riches» et le «mécanisme cumulatif des déficits budgétaires et des intérêts dus accroissant les capacités des prêteurs, souvent bénéficiaires de ces mêmes cadeaux fiscaux».
Il a rappelé la thèse portée désormais par nombre d’économistes sur «la nature différente des dettes privées, particuliers ou entreprises, et de la dette publique», celle-ci «n’ayant pas vocation à être remboursée car moteur financier et condition même du développement de ces mécanismes d’enrichissement de quelques-uns au détriment de tous».
Le ratio couramment admis désormais des 1% de la population mondiale détenant aujourd’hui 50% du patrimoine mondial est là pour conforter cette analyse.
La dette publique au cœur de nos sociétés libérales, redoutable mécanisme de concentration des richesses et des pouvoirs, reste déconnectée des biens et services réels comme du champ de l’économie réelle et de l’expression démocratique des peuples.
Et Bernard Schaeffer de poser la question incontournable: «alors que faire»?…
Rire de ces situations ubuesques où d’immenses richesses virtuelles narguent d’immenses pauvretés réelles ? Sourire de vaines agitations médiatiques autour d’indicateurs financiers sur des milliers de milliard virtuels? Développer l’analyse sociologique du phénomène en rappelant que «dette» se traduit par «Schuld» en bonne langue allemande, qui a le double sens de «dette et de «culpabilité, faute».
Et d’insister sur la nécessité d’imposer une approche politique et citoyenne qui, par le biais de moratoires sur les remboursements, imposerait un audit sur la nature exacte de ces dettes publiques, l’identification des structures et personnes en profitant des démarches d’annulations partielles justifiées par des besoins sociétaux, des urgences sociales reconnues, tout particulièrement des dettes déclarées «illégitimes».
Son rappel du caractère officiellement reconnu comme «toxique» de nombre de dettes publiques conforte cette approche qui n’est plus taboue, sans même s’attarder sur l’actualité politique européenne et le cas de la Grèce …..
Ou plutôt que d’en rire, préconiser des formes d’actions plus radicales pour interpeller, créer un rapport de forces? Mais sans oublier l’action au quotidien, au plus près de citoyens lassés de discours politiciens incantatoires et de «manifestations traîne – savate».
Toutes question qui ont lancé le débat, animé par André Barnoin, représentant le Mouvement des chômeurs et précaires, avec une salle toute prête à lancer idées et propositions pour concrétiser un contre modèle à une société, la nôtre, manifestement mal en point.
Quelques exemples:
développer les banques éthiques et coopératives à vocation non spéculative.
développer les circuits courts, de proximité immédiate où, par exemple, des fonds mutualisés de citoyens engagés pourraient financer des initiatives créatrices d’emplois et «fertiliser un espace économique donné».
s’appuyer sur des clientèles et réseaux en apparence marginaux mais significatifs par leur masse – ainsi flécher les modestes dépôts de bénéficiaires du Revenu de solidarité (R.S.A), par exemple.
s’organiser en groupes locaux sous des formes diverses (associations, collectifs….) pour initier des démarches de financements participatifs («crowdfunding»), déjà très actives sur les réseaux sociaux et qui suscitent déjà des créations de plate – formes dédiées et ont déjà permis de concrétiser des projets économiques importants.
créer des entreprises «libérées» où l’avis des gens compte, sans le poids de hiérarchies.
se tourner vers l’étranger pour y chercher des exemples et des idées (ainsi du prochain Forum mondial de Tunis où 10 jeunes mulhousiens devraient de rendre).
Pour nos sociétés devenues illisibles, insaisissables et immaîtrisable – qu’un participant a caractérisées comme «hyper-liquides» -, où les situations de désespérance sociale se multiplient (rappelons que Mulhouse figure parmi les villes de France les plus mal classées en regard des indicateurs de chômage, de pauvreté, de tensions sociales induites), André Barnoin a souligné que les associations faisaient désormais «office de béquilles du système, dans le contexte d’aides publiques déjà dérisoires et en voie de réduction».
Il a également rappelé que pour répondre à des besoins sociaux toujours plus massifs dans les domaines, notamment, de la santé, du logement, de l’emploi, de la pauvreté galopante, on ne pouvait évidemment pas se contenter de déclarations comme celles du ministre actuel de l’économie rappelant récemment que les chômeurs pouvaient, eux aussi, «devenir milliardaires».
Ce propos rapporté de monsieur Macron m’a rappelé la phrase célèbre prêtée à François Guizot, très conservateur président du Conseil sous Louis Philippe, à l’adresse des pauvres: «Enrichissez- vous…».
Le 23 février 1848 sa chute entraîna celle de la monarchie de juillet et l’avènement de la deuxième république ……
Christian RUBECHI