Suite de l’ar­ticle sur les effets de l’en­vo­lée du franc suisse sur des emprunts liés à cette mon­naie. Après la par­tie (1) consa­crée aux pièges ban­caires ten­dus à des par­ti­cu­liers, on évoque ici quelques contrats sous­crits par des col­lec­ti­vi­tés et des hôpi­taux alsaciens.

Des élus très discrets

Ils res­tent très dis­crets sur la ques­tion, mais il faut savoir que beau­coup d’é­lus ont été démar­chés au début des années 2000, et par­fois de manière très agres­sive, par les agents com­mer­ciaux des grandes banques « clas­siques » qui ont réus­si à leur four­guer des prêts toxiques. Par­fois très toxiques. Pour cer­tains sous­crip­teurs, c’est la double peine : le taux de change bon­di et le taux d’in­té­rêt – variable, car cal­cu­lé à par­tir de for­mules lou­foques où inter­vient le taux de change – peut exploser.

Mais c’est une « peine » que la plu­part des élus en charge de ces dos­siers hésitent à par­ta­ger ; par pudeur et timidité ?…

C’est grâce à une « fuite, en 2011, qu’une liste de pro­duits toxiques Dexia sous­crits par des col­lec­ti­vi­tés et des éta­blis­se­ments publics alsa­ciens a pu être dres­sée. La chambre régio­nale des comptes apporte aus­si de temps en temps des pré­ci­sions le sujet. Et aujourd’­hui quelques pro­jec­teurs sont bra­qués sur la par­tie de ces toxiques en lien avec la mon­naie hel­vé­tique qui s’est envo­lée en jan­vier dernier.

Mais l’in­for­ma­tion, néan­moins, cir­cule mal.

Des hôpi­taux, aussi

Qui sait, par exemple, qu’à Kin­ger­sheim le maire a mal­adroi­te­ment fait jou­jou avec les finances muni­ci­pales pour fina­le­ment sous­crire en 2008 un emprunt indexé sur le cours de change euro/franc suisse qui va coû­ter très cher aux contri­buables de la com­mune à par­tir de novembre 2015 ? Jo Spie­gel étale dans la presse son angoisse devant les dif­fi­cul­tés qui s’an­noncent ou enfume son conseil muni­ci­pal pour lui faire voter à l’u­na­ni­mi­té un pro­jet d’am­pu­ta­tion du bud­get de l’emblématique CREA, mais sans jamais avouer que ce toxique pèse lourd dans les choix bud­gé­taires qu’il a été ame­né à faire. Et en se gar­dant bien de dire que la seule solu­tion rai­son­nable serait de refu­ser de payer cette dette illé­gi­time concoc­tée par des spé­cia­listes de l’ar­naque bancaire.

Qui sait que le SIVOM de Mul­house trim­bale dans ses comptes le même pro­duit (qui répond au joli nom, doux et ras­su­rant, de TOFIX DUAL FIXE) que Jo Spie­gel dans les siens ? On aura au moins eu confir­ma­tion, récem­ment, de l’exis­tence de ce toxique suite à une réponse confuse de Jean Rott­ner à une ques­tion posée par la conseillère muni­ci­pale Cloé Schweitzer…

Qui sait que la ville de Mul­house pos­sède éga­le­ment dans son bud­get propre un autre toxique à conso­nance hel­vé­tique ? Pour l’ad­joint aux finances, qui en a par­lé lors du débat d’o­rien­ta­tion bud­gé­taire, il ne faut pas dra­ma­ti­ser puisque l’ex­po­si­tion de ce pro­duit aux effets de la flam­bée du franc suisse ne débu­te­ra qu’en jan­vier 2016… Une chance, quoi !… L’ad­joint s’est bien gar­dé d’es­ti­mer ce que cela va coû­ter au contri­buable mulhousien.

Quel assu­ré social sait que des toxiques à gènes hel­vètes rongent les comptes des HUS (Hôpi­taux de Stras­bourg) et font encore plus de ravages dans ceux du centre hos­pi­ta­lier de Séles­tat ? Il serait éton­nant que les ges­tion­naires osent pro­cé­der à une dés­in­fec­tion par des­truc­tion de ces voraces bes­tioles : ils vont char­ger l’as­su­ré social de payer les dégâts ! (d’a­près une esti­ma­tion récente, il paie­ra une somme qui a subi­te­ment aug­men­té de 500 mil­lions d’eu­ros sur l’en­semble des hôpi­taux de France, après le chan­ge­ment de pari­té du franc suisse).

Qui a lu les quelques lignes que les DNA ont consa­cré au redou­table toxique hel­vète de la com­mune de Soultz (article pour­tant repro­duit dans L’Al­ter­presse 68 !…) ? On y voit un maire en plein désar­roi face à la véri­table catas­trophe bud­gé­taire qui s’a­bat sur sa com­mune, d’au­tant qu’a­vant la flam­bée du franc suisse il a cru (vrai­ment ?!…) à l’aide que devait lui appor­ter une « négo­cia­tion » avec un « média­teur » qui jette quelques miettes issues d’un « fonds natio­nal de sou­tien » à ceux qui veulent bien l’é­cou­ter et… se résigner.

Des élus (a)battus ?!

Cette démis­sion qui ne dit pas son nom n’est pas propre au maire de Soultz. D’autres élus dans la panade ont eu ce réflexe de peur et de repli sur soi, reje­tant toute idée de mora­toire ou d’an­nu­la­tion d’une dette illé­gi­time, refu­sant même toute démarche col­lec­tive et politique.

Il paraît que quelques-uns essaie­raient d’as­si­gner des banques en jus­tice, ou envi­sa­ge­raient de le faire. Une « audace » bien tar­dive dont l’ef­fi­ca­ci­té n’est plus ce qu’elle était depuis le vote d’une loi scé­lé­rate par le pou­voir « socia­liste ». Ce der­nier, en effet, pour pro­té­ger les banques qui per­daient sys­té­ma­ti­que­ment les pro­cès que leur fai­saient les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, a déci­dé de faire voter une loi d’am­nis­tie. Les élus ne peuvent plus atta­quer les banques au motif d’un TEG absent ou mal indi­qué (même si les par­ti­cu­liers et les ges­tion­naires d’hô­pi­taux peuvent encore le faire). La grande délin­quance ban­caire est désor­mais pro­té­gée par l’E­tat !

Quand le CP68 a pro­po­sé à des dépu­tés alsa­ciens – ceux qui se sont oppo­sés en juillet 2014 à cette loi d’am­nis­tie – de coor­don­ner l’ac­tion des élus vic­times des emprunts toxiques, il n’a obte­nu aucune réponse. Comme on pou­vait le craindre, il s’a­vère que les dépu­tés en ques­tion ne se sont oppo­sés à cette amnis­tie des banques que par tac­tique poli­ti­cienne. Une pos­ture minable certes, mais tel­le­ment confor­table face à un sys­tème et à des banques qui dis­pose de moyens divers et variés pour leur clouer le bec…

BS

Le 6 mars 2015

Un livre et des actions

N’ou­bliez pas de vous pro­cu­rer «  Le livre noir des banques » paru aux édi­tions « Les Liens qui Libèrent » (22 euros) et rédi­gé par des mili­tant-e‑s de l’as­so­cia­tion ATTAC et de l’é­quipe de rédac­tion de la revue élec­tro­nique Bas­ta ! Dans cet ouvrage remar­qua­ble­ment docu­men­té, vous trou­ve­rez des indi­ca­tions sur les arnaques ban­caires à l’en­contre des par­ti­cu­liers et sur celles com­mises à l’en­contre des col­lec­ti­vi­tés locales et les éta­blis­se­ments publics. Et bien d’autres infor­ma­tions et ana­lyses passionnantes.

Par ailleurs, des actions ini­tiées par un col­lec­tif natio­nal inti­tu­lé « Je rêve d’une banque qui… » se dérou­le­ront un peu par­tout ces pro­chains jours. Y com­pris dans le Haut-Rhin. Informez-vous !