Un beau soleil pré­co­ce­ment prin­ta­nier a salué ce mar­di 3 mars les 35 ras­sem­ble­ments de chô­meurs un peu par­tout en France, et par­ti­cu­liè­re­ment en Alsace, tant à Stras­bourg qu’à Mulhouse.

Au nombre de 25 et de 20, res­pec­ti­ve­ment,  il y a avait, certes, par­mi les mani­fes­tants, un nombre consé­quent de mili­tants, syn­di­caux, poli­tiques et asso­cia­tifs, davan­tage que de per­sonnes direc­te­ment concer­nées par l’objet de l’action. Mais l’on sait que, pen­dant que les sala­riés en acti­vi­té fuient l’idée qu’ils sont, aujourd’hui plus que jamais, des chô­meurs en sur­sis, les pri­vés d’emploi, pour nombre d’entre eux, confron­tés à un drame per­son­nel à l’horizon appa­rem­ment indé­pas­sable, sont de ce fait davan­tage enclins  à se recro­que­viller sur eux-mêmes plu­tôt que de se joindre à des mou­ve­ments col­lec­tifs de protestation.

L’action de ce 3 mars por­tait sur l’ordre du jour d’une réunion conco­mi­tante des par­te­naires sociaux de l’UNEDIC sur la ques­tion des droits rechar­geables non épui­sables, un méca­nisme mis en place en octobre dans la fou­lée de la nou­velle conven­tion d’assurance-chômage signée au prin­temps à l’issue de négo­cia­tions par­ti­cu­liè­re­ment déloyales. Une réunion sou­hai­tée par Manuel Valls sur le sujet, car la ques­tion a été poin­tée par le rap­port de la concer­ta­tion du « trio Gille-Archam­bault-Com­brexelle » sur les annexes cinéma-spectacle.

UNE APPLICATION QUI CONDUIT A DES CATASTROPHES

Si le prin­cipe de conser­va­tion de droits non « consom­més » à l’occasion d’une reprise de tra­vail est en soi une bonne chose, l’application qui en est faite depuis l’automne est dans de nom­breux cas  péna­li­sant  et par­fois catas­tro­phique : le sys­tème entré en vigueur oblige en effet à épui­ser des indem­ni­tés pré­cé­dem­ment acquises, y com­pris à des taux jour­na­liers très faibles (on a évo­qué celui de 0,88 euro par jour !) avant de pou­voir pré­tendre à la prise en compte dans le cal­cul des droits de salaires plus éle­vés obte­nus depuis.

La mesure revêt pour les sala­riés inter­mit­tents du spec­tacle et de l’audiovisuel un carac­tère par­ti­cu­lier dans la mesure où, pour peu qu’ils aient ouvert des droits dans le régime géné­ral, sou­vent suite à de « petits bou­lots », ils devront attendre jusqu’à 600 jours pour faire valoir des droits dans les annexes spé­ci­fiques et adap­tés à leurs métiers.

De ce fait, le dis­po­si­tif est tout sauf inci­ta­tif au retour à l’emploi : il encou­rage davan­tage à ne pas reprendre une acti­vi­té pour épui­ser au plus vite des droits faibles, voire, pire, à accep­ter une acti­vi­té non déclarée.

Dans une note rédi­gée en juin der­nier par l’UNEDIC, l’organisme, déci­dé­ment plus que jamais aux mains du MEDEF et d’organisations sala­riales com­plices, dévoile la fina­li­té du dispositif :

« Ver­ser systémati­quement le reli­quat de droit plu­tôt que l’allocation la plus éle­vée se tra­duit, dans un pre­mier temps, par une baisse de l’allocation pour envi­ron 500 000 deman­deurs d’emploi ».

On ne sau­rait mieux tra­hir l’intention de l’organisme d’atteindre l’équilibre de ses comptes sur le dos des pri­vés d’emploi.

UN « TOILETTAGE » BIEN ETRANGE…

Or, lors de la réunion de ce même jour, et qui n’aboutit à rien, sinon à un report de la concer­ta­tion au 18 mars, c’est curieu­se­ment le chiffre de 30000 dos­siers concer­nés qui est four­ni : com­ment un tel écart est-il pos­sible ? A quel toi­let­tage de don­nées se sont livrés les « experts » de l’UNEDIC sur ordre du patro­nat, qui refuse obs­ti­né­ment par ailleurs tout chif­frage indépendant ?

Les droits chô­mage sont sys­té­ma­ti­que­ment rognés au fur et à mesure que l’emploi recule, ce qui rend d’autant plus caduque et insup­por­table la dési­gna­tion des chô­meurs comme res­pon­sables de leur situation.

Et pour­tant, on a pu voir ces deux der­nières décen­nies que la moindre amé­lio­ra­tion de la situa­tion de l’emploi amé­liore les comptes de l’assurance chô­mage : en 2008 encore, l’UNEDIC était excédentaire.

Au-delà de l’exigence d’une réou­ver­ture immé­diate de la négo­cia­tion de la conven­tion chô­mage dans des condi­tions plus trans­pa­rentes, se pose éga­le­ment la ques­tion des moyens décents d’existence pour ceux, de plus en plus nom­breux, que notre socié­té laisse sur le bord du chemin.

DM