Inha­bi­tuel : nous publions ce dimanche 29 mars 2015 à 20h la des­crip­tion du dérou­le­ment d’un pro­ces­sus de vote qui n’a pas encore été enre­gis­trée au com­mis­sa­riat de Mul­house où s’est dérou­lé la der­nière étape de ce « devoir civique » que l’on vou­drait « emblé­ma­tique » de notre « démo­cra­tie ». L’é­lec­teur du can­ton de « Mul­house 3 » dont il est ques­tion ci-des­sous est aus­si l’au­teur des deux textes parus ces der­niers jours dans L’Al­ter­presse 68 : (1) Le vote élec­tro­nique : une sotte et coû­teuse obs­ti­na­tion et (2) Le vote élec­tro­nique : poli­ti­que­ment cor­rect exi­gé !

Mais, après tout, s’a­gis­sant de démo­cra­tie, une telle « dépo­si­tion » mérite autant les hon­neurs des colonnes de L’Alterpresse68 que les tiroirs d’un bureau au poste de police. Avec L’Al­ter­presse 68 et ses lec­teurs vigi­lants, on peut être sûr, au moins, que l’in­for­ma­tion circulera…

L’Al­ter­presse 68

Du bureau de vote.…

C’est un peu avant de dix heures, ce 29 mars 2015, que je me pré­sente au bureau « Trait d’U­nion 1 » rue du Cha­noine Win­te­rer où, comme dans tous les bureaux mul­hou­siens, les élus imposent l’u­sage d’un ordi­na­teur de vote (ce n’est pas le cas par­tout dans le can­ton de « Mul­house 3 » : les bureaux d’Ill­zach accueillent les élec­teurs avec des bul­le­tins papier et des urnes transparentes).

Pour m’as­su­rer que je ne vais pas revivre le scé­na­rio du dimanche 22 mars où, déjà, une inter­dic­tion de vote m’a été oppo­sée sans qu’au­cune « auto­ri­té » n’y voit pro­blème, je ques­tionne l’as­ses­seur char­gé de la véri­fi­ca­tion de la carte d’é­lec­teur, de la pièce d’i­den­ti­té et de la ges­tion de la pre­mière liste élec­to­rale. Sa réponse, confir­mée par les autres per­sonnes pré­sentes der­rière la table de vote, est claire : ma carte d’é­lec­teur ne sera pas tam­pon­née et je n’au­rai pas le droit d’é­mar­ger la liste élec­to­rale si je ne vote pas confor­mé­ment aux choix pro­gram­més dans la mémoire de la machine.

J’ai pour­tant appor­té le bul­le­tin de vote fabri­qué par mes soins sur la base du modèle pro­po­sé dans l’ar­ticle 2) publié dans L’Al­ter­presse 68. Il n’est pas poli­ti­que­ment cor­rect, certes. Mais il pos­sède de mul­tiples avan­tages : celui d’é­lar­gir le champ des pos­sibles face à une « offre » (UMP « contre » FN) sin­gu­liè­re­ment étri­quée dans ce can­ton – comme dans d’autres, d’ailleurs. Il offre éga­le­ment – ce qu’au­cun can­di­dat n’a osé pro­po­sé – un moyen de com­men­cer à sor­tir de cette pré­ten­due « crise » (qui n’en est pas une pour tout le monde !) en évo­quant un pro­blème cen­tral : celui de la dette publique du dépar­te­ment, en par­tie niée par le pré­sident sor­tant du conseil dépar­te­men­tal du Haut-Rhin(1).

Mani­fes­te­ment inter­dit de vote, j’ai exi­gé alors qu’un contact soit pris avec le res­pon­sable de la com­mis­sion de contrôle du vote à Mul­house. On m’a pas­sé au télé­phone une per­sonne du… ser­vice des élec­tions qui, devant mon insis­tance, m’a pas­sé une autre per­sonne qui… n’é­tait pas non plus membre de la com­mis­sion de contrôle et a pris d’autres contacts pour me dire fina­le­ment que la com­mis­sion de contrôle n’é­tait pas joi­gnable ! De la désertion ?!…

D’autres coups de fil ont été don­nés par les asses­seurs et le pré­sident du bureau. A plu­sieurs reprises, devant ces com­por­te­ments désor­don­nés, j’ai rap­pe­lé qu’en plus de mon bul­le­tin de vote je m’é­tais muni d’ob­ser­va­tions pré­ré­di­gées (elles aus­si citées dans l’ar­ticle n°2 sur le vote élec­tro­nique) que je pro­po­sais de joindre au pro­cès ver­bal. Mais je deman­dais aus­si, simul­ta­né­ment, que mon vote soit pris en compte en m’au­to­ri­sant l’é­mar­ge­ment de la liste électorale.

Ins­pi­rées à l’é­vi­dence par la crainte des repré­sailles venant d’en haut, des manœuvres dila­toires ont été ten­tées, sou­li­gnant invo­lon­tai­re­ment le peu de cas fait de mon droit de vote : on me fixait un ren­dez-vous pour le len­de­main ou après la clô­ture du scru­tin. La confu­sion a mon­té encore d’un cran quand une per­sonne signa­lée comme « repré­sen­tant » (?) la com­mis­sion de contrôle est arri­vée dans le bureau de vote ; la lec­ture du bul­le­tin de vote aty­pique fut dif­fi­cile, tout autant que celle des obser­va­tions : la dif­fé­rence entre le sta­tut de « votant » (que je sol­li­ci­tais) et le choix d’un « vote nul » (que j’as­su­mais) et, plus encore, la nuance entre « vote blanc » et « vote nul » n’ont visi­ble­ment pas été per­çues… On me répon­dait inva­ria­ble­ment : « le sys­tème ne per­met pas de faire autre chose ».

J’ai pris la peine de faire d’autres pro­po­si­tions. A défaut de mieux, je deman­dais un texte écrit, décri­vant les motifs juri­diques et citant le (ou les) article(s) du code élec­to­ral jus­ti­fiant l’in­ter­dic­tion de vote. De quoi au moins contes­ter éven­tuel­le­ment et ulté­rieu­re­ment cette pri­va­tion de droit civique et d’at­tes­ter mon pas­sage dans le bureau de vote (attes­ta­tion néces­saire à toute contes­ta­tion ; je n’a­vais obte­nu aucune trace de mon pas­sage dans le bureau de vote le dimanche 22 mars). Refus.

J’ai obte­nu une réponse, cepen­dant, lorsque j’ai deman­dé par quelle pro­cé­dure infor­ma­tique on peut relan­cer un ordi­na­teur en attente de vali­da­tion d’un vote (ce que j’a­vais obser­vé le 22 mars). C’est simple : on a mis un boi­tier à dis­po­si­tion du pré­sident du bureau qui lui donne le pou­voir d’an­nu­ler un vote non encore vali­dé. En toute hon­nê­te­té, bien sûr !… Quant à l’ordre d’in­ter­dire l’é­mar­ge­ment dans cer­tains cas dif­fi­ciles il a été don­né par le « ser­vice des élec­tions ». Manière pru­dente de faire savoir que « l’i­dée » vient des élus. Les­quels ont sans doute été sol­li­ci­tés, vu la durée et le nombre des appels télé­pho­niques, d’où semble être sor­tie un autre « idée » : faire venir la police.

Au poste de police

Ce ne serait pas la pre­mière fois que, mis en dif­fi­cul­té sur un pro­blème qui touche aux dettes publiques, les élus mul­hou­siens appellent la police en ren­fort. Ce fut le cas en juin der­nier pour délo­ger des mili­tant-e‑s du CP68 qui dis­tri­buaient un tract et un appel à signer une péti­tion « pour les jeunes, contre la finance » devant le parc expo.

Lors de cet épi­sode déjà, on a pu consta­ter que la police est bien mieux infor­mée que ne le sont nos édiles et res­pon­sables mul­hou­siens sur le pro­blème des dettes publiques.

Ce 29 mars 2015, lors d’une très longue attente, en dehors du bureau de vote, un agent de police a pris connais­sance, en connais­seur, du bul­le­tin de vote aty­pique incri­mi­né. Une dis­cus­sion inté­res­sante a pu s’en­ga­ger sur le mon­tant et les ori­gines des dettes, tan­dis qu’à l’in­té­rieur du bureau une rédac­tion labo­rieuse était en cours. Rédac­tion de quoi ? Pro­ba­ble­ment d’une moti­va­tion de la réqui­si­tion poli­cière qui a dû être faite au télé­phone sur un ton par­ti­cu­liè­re­ment dra­ma­tique vu les consignes strictes impo­sées aux deux agents qui devaient, sur ordre de leur hié­rar­chie, attendre la fin de la rédac­tion du pré­cieux docu­ment qui n’a été déli­vré (manus­crit : un ordi­na­teur de vote ne peut pas ser­vir d’or­di­na­teur de sai­sie…) qu’a­près plu­sieurs sol­li­ci­ta­tions des agents de police qui s’im­pa­tien­taient, dans le froid. D’autres mis­sions en attente ont obli­gé le véhi­cule empor­tant le docu­ment et votre ser­vi­teur au poste de police à faire usage de sa sirène de prio­ri­té pour accé­lé­rer la procédure.

- N’au­rait-il pas été plus sage de repor­ter l’audition ?…

- Non ! Les ordres sont les ordres.

Pour­tant, au com­mis­sa­riat, le chef ordon­na­teur, débor­dé, s’est ren­du compte qu’en effet, il était urgent d’at­tendre et de me… convo­quer une autre fois.

Une pho­to­co­pie du bul­le­tin de vote (et des obser­va­tions) a été réa­li­sée et mise en réserve.

A voté !…

- Et rap­pro­cher de son domi­cile l’é­lec­teur qu’on venait de dépla­cer dans un bureau de vote éloi­gné, est-ce possible ?

- Déso­lé, mais on n’a vrai­ment plus le temps !

Il est vrai qu’à la sor­tie des bureaux de vote, les élec­teurs ne sont géné­ra­le­ment pas rame­nés à leur domi­cile. Sauf quand il s’a­git de rési­dents de mai­son de retraite, par exemple, que les « bons » can­di­dats prennent gen­ti­ment en charge pour sau­ver leur « démocratie ».

29 mars 2015

B. Schaef­fer

(1) Voir l’ar­ticle : Conseil dépar­te­men­tal : des toxiques qui piquent paru dans L’Al­ter­presse 68 et la réponse récente de Charles Butt­ner qui « cache » la véri­té, pour par­ler poli­ment (parue dans les DNA) en uti­li­sant un arti­fice assez gros­sier (nomen­cla­ture des toxiques non expli­ci­tée). Qu’en pen­se­ra son successeur ?