abstention

Dans un de ses sketchs Coluche disait que les élec­tions can­to­nales étaient faites pour élire les cantonniers.

Certes non, mais pour­quoi donc exac­te­ment sont faites ces élec­tions, désor­mais dites départementales ?

Pour ouvrir l’é­ven­tail des mesures de dis­cri­mi­na­tion posi­tive exis­tantes dans notre pays en intro­dui­sant l’o­bli­ga­tion de binômes hommes/femmes pour l’é­lec­tion des conseillers départementaux?

Pour per­mettre à de nou­velles têtes, géné­ra­le­ment par­fai­te­ment incon­nues des élec­teurs du fait notam­ment du redé­cou­page des can­tons, d’ap­pa­raître sur les pan­neaux électoraux ?

Pour orga­ni­ser un vrai grand son­dage natio­nal sur l’é­chan­tillon d’en­vi­ron 50% du corps élec­to­ral qui se déplace pour cette élec­tion et roder et vali­der les stra­té­gies natio­nales de par­tis poli­tiques et de can­di­dats à la seule échéance qui vaille pour eux, la pré­si­den­tielle de 2017?

Pour offrir dans quelques régions, en Alsace par­ti­cu­liè­re­ment, une expres­sion, peut-être légi­time, à des mou­ve­ments régio­na­listes, auto­no­mistes, voire indépendantistes ?

LE CONSEIL DEPARTEMENTAL, C’EST QUOI ?

Est-ce,  après le der­nier réfé­ren­dum natio­nal dont notre par­le­ment déci­da de mépri­ser super­be­ment le résul­tat, pour tes­ter de nou­velles formes de « démo­cra­tie inno­vante » où les citoyens sont appe­lés à voter pour des conseils dépar­te­men­taux dont les pou­voirs exacts ne sont pas encore défi­nis par une loi non encore votée et dans un cadre ins­ti­tu­tion­nel non encore connu dont ils dépen­dront étroi­te­ment (inter­com­mu­na­li­tés, métro­poles, régions..) ?

Certes, ce devrait être pour assu­rer la mise en œuvre d’im­por­tantes com­pé­tences en matière d’aides sociales (pro­tec­tion mater­nelle et infan­tile, familles en dif­fi­cul­té), de poli­tiques en faveur des han­di­ca­pés (allo­ca­tions, héber­ge­ment), de per­sonnes âgées (créa­tion et ges­tion de mai­sons de retraite),  de ges­tion du reve­nu de soli­da­ri­té active, d’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire dont les voi­ries hors domaine public natio­nal, etc…

Mais dans quel contexte et avec quels moyens ?

Avec une com­pé­tence ter­ri­to­riale géné­rale des conseils dépar­te­men­taux sup­pri­mée par le légis­la­teur en 2010, réta­blie en 2014… et pro­ba­ble­ment sup­pri­mée par la loi d’or­ga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale en débat actuellement ?

Dans un contexte bud­gé­taire natio­nal cadré à Bruxelles et où dota­tions et sub­ven­tions de fonc­tion­ne­ment de l’E­tat à ces conseils dépar­te­men­taux, qui  repré­sentent 30% de leurs res­sources,  se réduisent comme peau de chagrin ?

Dans un contexte où les orien­ta­tions d’a­mé­na­ge­ment du ter­ri­toire et les options stra­té­giques dépen­dront de régions redé­fi­nies, dont les com­pé­tences ne sont pas encore connues ?

Et dans un contexte social et éco­no­mique, qui s’ins­talle et dure­ra,  d’ac­crois­se­ment conti­nu de la pau­vre­té, du chô­mage, des dépenses liées à l’al­lon­ge­ment de la durée de la vie et de la dépen­dance, de la déser­ti­fi­ca­tion de ter­ri­toires entiers, d’i­né­ga­li­tés criantes, d’a­ban­don de notre sou­ve­rai­ne­té nationale?

POURQUOI VOTER ?

Alors pour­quoi voter à ces élec­tions de conseils dépar­te­men­taux, ins­ti­tu­tions crou­pions sans réels pou­voirs, niveaux d’ad­mi­nis­tra­tion et de ges­tion plus que niveaux d’o­rien­ta­tions politiques ?

Une décon­cen­tra­tion réelle aurait per­mis de réus­sir ce qu’une mau­vaise décen­tra­li­sa­tion ne per­met­tra pas : réduire l’in­vrai­sem­blable éche­veau de com­pé­tences et de faibles moyens qui obère les pos­si­bi­li­tés d’ac­tion des ins­ti­tu­tions ter­ri­to­riales de notre république.

Et la nou­velle loi sur l’or­ga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale, qui concerne notam­ment les conseils dépar­te­men­taux, accroî­tra la confu­sion à l’évidence.

Ces élec­tions ser­vi­raient-elles sur­tout à ména­ger des hommes poli­tiques sou­vent friands de places, de mandats?

Tentent-elles de confor­ter ou d’é­lar­gir quelques bas­tions élec­to­raux dans des pers­pec­tives de conquête ou de recon­quête, sup­po­sées stra­té­giques, du pou­voir politique ?

Est-ce pour cacher la misère d’un Etat qui vit (sur­vit) d’ex­pé­dients et de misé­rables trac­ta­tions poli­ti­ciennes en se défaus­sant au maxi­mum de ses res­pon­sa­bi­li­tés, notam­ment sociales et de cohé­sion ter­ri­to­riale, sur ces conseils départementaux ?

Faut-il vrai­ment amu­ser la gale­rie avec des réformes ins­ti­tu­tion­nelles mal pen­sées et inadap­tées pen­dant que nous sommes impli­qués dans des conflits, des guerres enga­gées dans des condi­tions pour le coup tota­le­ment non démo­cra­tiques, non votées par le Par­le­ment, alors que notre socié­té se délite ?

Mais faut-il alors s’abs­te­nir et lais­ser le champ libre à des can­di­dats aux idées inac­cep­tables ? Ne pas tout faire pour évi­ter leur élec­tion ? Y com­pris accep­ter les com­bi­nai­sons poli­ti­ciennes de cir­cons­tance ? Y com­pris choi­sir le cho­lé­ra pour évi­ter la peste, pour reprendre l’ex­pres­sion bien connue ?

OSER REFLECHIR DIFFEREMMENT

Mais si ces simu­lacres de démo­cra­tie créent les condi­tions de la crois­sance de ces idées inac­cep­tables, quand de si nom­breux citoyens s’abs­tiennent parce qu’ils com­prennent par­fai­te­ment l’i­na­dé­qua­tion de ces élec­tions dépar­te­men­tales et de la future loi sur l’or­ga­ni­sa­tion ter­ri­to­riale pour répondre aux défis sociaux, éco­no­miques, territoriaux?

Et si voter dans ces condi­tions n’é­tait plus choi­sir mais cau­tion­ner et donc encou­ra­ger ? Et même pour ceux qui dénoncent avec force et sin­cé­ri­té ces erre­ments poli­tiques qui abou­tissent à des impasses?

Comme nombre de citoyens qui n’ont pas été et n’i­ront pas aux urnes je n’ai pas voté dimanche der­nier et ne vote­rai pas dimanche prochain.

Bien sûr  cette non réponse n’est pas suf­fi­sante, mais à l’oc­ca­sion de cette élec­tion cari­ca­tu­rale  peut- être le temps est-il venu d’en­fin mar­quer que l’on ne peut tou­jours accep­ter le dis­cours de la crainte du pire, et que l’on doit oser réflé­chir différemment ?

Et oui, j’i­rai de nou­veau voter … dès que je com­pren­drai pour quel can­ton­nier je vote !

Chris­tian RUBECHI