Il y a de quoi être désorienté après ce premier tour des élections départementales ! Par les résultats, évidemment. Mais surtout par les analyses et commentaires de la majorité des responsables politiques, développés ensuite par les éditorialistes… et évidemment l’inénarrable « Courin » de L’Alsace n’a pas failli à sa ligne de conduite : répéter ce qu’il a entendu par ailleurs pour être bien dans la bonne pensée unique. Les « éléments de langage » distillés par les « conseillers en communication » ont ainsi fleuri et continuent de fleurir pour préparer le second tour.
TOUT LE MONDE GAGNE ?
La tonalité est la même dans la quasi-totalité de la presse quotidienne : l’UMP est le premier parti de France, le FN a subi un revers, le Parti socialiste sauve les meubles, la stratégie de Valls était gagnante (si, si, cela a été dit…), Europe Ecologie Les Verts, avec 2%, payent leur rupture avec le Parti socialiste, le Front de gauche tient mieux que prévu… Et l’abstention est bien moindre que ce qui était craint…
Vivons-nous dans le même monde que tout ces gens-là ? Mais à y regarder de plus près, nous sommes bien devant des « demi-vérités » qui sont en fait des vrais mensonges.
UNE CINGLANTE DEFAITE POUR LE GOUVERNEMENT
Tous les commentaires se font en fonction des sondages. C’est ainsi qu’on arrive aux analyse ci-dessus. Ce sont donc bien des « demi-vérités ». Mais pour être sérieux, il faut faire des comparaisons en fonction des dernières élections cantonales et là nous sommes loin du palmarès établi par les médias bien-pensants…
La gauche a subi une défaite cinglante et la droite a remporté une victoire indiscutable. Un nombre très important de département vont être perdu par la gauche et il s’agit bien d’une sanction de la politique gouvernementale. Mais cela n’explique pas tout : pourquoi à Mulhouse, ville avec une tradition de gauche, le PS est totalement exclu dès le premier tour ? Est-ce uniquement en raison de la politique libérale du gouvernement ?
La stratégie de Manuel Valls pour contrer le Front national est aussi un échec : la parti de Le Pen est bien le grand vainqueur de cette consultation. S’il n’a pas atteint les niveaux que les sondages lui prêtaient (sur quelle base d’ailleurs ?), il progresse de dix points (15,1% en 2011).
Présenter l’UMP comme le grand vainqueur est une nouvelle contre-vérité : le résultat est à mettre au compte de deux partis, l’UMP et l’UDI qui ont fait une alliance de circonstance. Mais on sait bien qu’il y a des divergences profondes entre les deux sur la droitisation de l’UMP voulue par Nicolas Sarkozy.
MANIPULATION DU MINISTERE DE L’INTERIEUR
Mais pour continuer le grand jeu de la manipulation, le ministère de l’Intérieur fait un décompte de voix très politique qui n’a rien à voir avec l’exactitude des chiffres. Les Verts ont beau jeu de dénoncer le chiffre de 2% que Bernard Cazeneuve leur attribue et d’indiquer qu’ils ont obtenu une moyenne de 13,6% dans 450 cantons dans lesquels ils faisaient alliance avec le Front de gauche. Qui, lui, réfute les 6% que le ministère de l’Intérieur comptabilise et avance ses propres comptes : il en est à 9,4% !
Et, à présent, la préparation du second tour balaie tout cela : un seul mot d’ordre. Faire barrage au Front national ! Et d’appeler au front républicain… Qui s’interroge sur le sens du vote pour l’extrême-droite ? Le fait que des candidats parfaitement inconnus, ne faisant pas campagne dans leur canton, refusant d’apparaître dans les médias, sont présents au second tour, ne semble pas poser des questions centrales à nos états-majors politiques ?
On peut comprendre qu’il y a panique à bord ! Des départements pourraient, potentiellement tomber entre les mains du Front national. Dans d’autres, comme le Haut-Rhin, la gauche risque de ne plus être représentée… Et le FN serait la seule opposition à la droite…
UNSER LAND : UNE EPIPHENOMENE ?
Tout comme la progression du FN est minorée sur le plan national, l’irruption d’Unser Land sur le terrain politique alsacien est tout juste relatée. Pourtant les résultats à deux chiffres réalisés par les candidats d’UL là où ils se présentaient est un événement politique important pour notre région. Nous aurons l’occasion, dans L’Alterpresse68, d’y revenir pour une analyse plus fine. Cela prouve du moins qu’une partie importante de l’électorat alsacien est sensible aux discours régionalistes qui leur semble peut être plus proche de leurs préoccupations quotidiennes ? A part quelques candidats du Front de gauche, qui a mis en avant l’avenir du droit local, des acquis culturels et linguistiques de notre région ? Ces revendications ne vont pas disparaître du domaine politique alsacien dans les prochains temps et surtout pas dans les élections régionales des 6 et 13 décembre 2015. Et L’Alterpresse68 s’impliquera pour que ces sujets importants ne soient pas occultés comme ils l’ont été pour les départementales en prenant en compte, entre autres, les analyses suivantes :
LA DEMOCRATIE EN QUESTION
Ce qui a apparaît d’ores et déjà dans ces élections, c’est une nouvelle fois la crise profonde que subit notre système démocratique. Si l’abstention est moindre qu’en 2011, il n’en reste pas moins que, d’élections en élections, ce sont presque une moitié de nos concitoyens qui ne votent plus.
Comme on peut le voir à Mulhouse, cette proportion est bien plus importante dans les quartiers populaires. Ainsi, dans les Coteaux, l’abstention atteint… 70% ! A Bourtzwiller, c’est un peu mieux : elle n’est « que » de 64%…
Dans L’Alsace du jeudi 26 mars, un très bon reportage dans les quartiers de Bourtzwiller donne la parole aux habitants et on comprend que l’abstention a bien une signification politique.
Il est vrai que l’application de la proportionnelle donnerait plus de poids à chaque bulletin et permettrait à de nombreux courants politiques exclus des diverses assemblées de faire entendre leur voix. Mais le mal n’est-il pas plus profond ?
Des propositions farfelues comme rendre le vote obligatoire évite de se poser trop de question sur le pourquoi. Il faut pourtant s’interroger, comme on commence à le faire dans un autre article, sur la possibilité de dépasser la « démocratie » électorale classique, qui a montré ses limites. Les partis dits « gouvernementaux », peuvent très bien vivre avec une abstention à 50%. Aux Etats-Unis, cela fait belle lurette qu’on ne s’embarrasse plus de ces considérations et le président de « la plus grande démocratie » est élu par environ 25% des électeurs…
On constate le même phénomène au Royaume-Uni : 81% des électeurs votaient aux législatives de 1950, 61% à celle de 2010 ; en Allemagne : 87% des inscrits votaient aux législatives en 1957, 64% à celle de 2009 ; ou en Italie : 93% des électeurs ont voté aux législatives de 1948 contre 68% pour celles de 2013.
C’est donc bien que l’offre politique classique ne répond plus : dans un système capitaliste devenu lui-même incontrôlable, les politiques de droite mènent vers des impasses, la social-démocratie s’est totalement déconsidérée auprès de son électorat, la gauche est dans l’incapacité de renouveler une offre. Et les tractations pour le second tour des élections départementales entre le PS au pouvoir et la gauche qui conteste (avec des arguments compréhensibles pour l’électorat) le gouvernement, ne va pas ouvrir des perspectives pour l’avenir.
C’est essentiellement le Front national et ses candidats parfois fantômes et des partis régionalistes recueillent les suffrages de ceux qui souffrent de la politique libérale.
UNE ISSUE POSSIBLE ?
Il faut reconnaître qu’à l’heure actuelle aucune alternative de gauche ne semble crédible à nos concitoyens qui, eux-mêmes, peinent à formuler clairement des exigences et hésitent à s’engager dans la durée pour les faire valoir. Les germes d’une alternative de gauche tentent pourtant de s’exprimer. Ce sont les militants d’Attac qui s’en prennent aux banques, les Fralib qui créent leur coopérative, les féministes qui mettent des barbes ou les écolos qui s’en prennent au barrage de Sivens. C’est le succès planétaire du « Capital au XXIe siècle » de Thomas Piketty. De façon moins visible, il y a aussi dans le développement de l’habitat partagé ou des Amap, l’expression d’une volonté de partage. Mais il est vrai, par ailleurs, que la perspective de devoir redistribuer les richesses en affrontant vigoureusement le système effraie beaucoup de « contestataires »…
Ce sont aussi des militants de gauche qui réfute les alliances de circonstance préconisées par leur parti, des électeurs qui ne referont plus le pas de voter UMP en cas de ballotage avec le FN…
Le désastre de ces élections départementales devrait accélérer la construction d’une alternative de gauche dépassant le cadre institutionnel actuel des partis. Encore faudrait-il que ces derniers acceptent de considérer ces résultats comme un vrai désastre pour eux. Pas gagné…
Michel Muller
Une analyse intelligente et pertinente de ces élections sur
On sait taux absentions. J’aimerais bien savoir le taux de vote blanc? SVP!!!